Affaire de Rugy: Dîners, travaux, logement social… L'ancien ministre est-il vraiment «blanchi»?
POLITIQUE•François de Rugy a assuré, mardi soir sur France 2, qu’il était « blanchi » de toutes les accusations formulées, notamment, par MediapartVincent Vantighem
L'essentiel
- Mis en cause par Mediapart, notamment, depuis le 10 juillet, François de Rugy a démissionné du ministère de la Transition écologique.
- Mardi soir, au JT, il s’est dit « blanchi » après la publication de deux enquêtes.
- 20 Minutes revient sur chaque accusation et le résultat des vérifications.
Pour l’occasion, il a décidé de parler de lui à la troisième personne. « Il n’y aurait jamais dû y avoir d’affaire de Rugy, a expliqué, mardi soir sur France 2, l’ancien ministre de la Transition écologique. En revanche, aujourd’hui, il y a une affaire Mediapart. » Ciblé par le site d’investigation depuis le 10 juillet, le ministre démissionnaire a accueilli, mardi, avec « colère » et « satisfaction » le résultat de deux enquêtes le concernant, estimant qu’il n’avait enfreint aucune règle dans l’organisation de dîners à l’Assemblée nationale ou la commande de travaux de rénovation dans son appartement du ministère. 20 Minutes revient sur chaque accusation à son propos.
Les dîners fastueux à l’hôtel de Lassay
C’est une photo de homards et d’une bouteille de château d’Yquem qui a lancé toute « l’affaire de Rugy », le 10 juillet. Épinglé ce jour-là par Médiapart pour avoir organisé des dîners fastueux avec des amis lorsqu’il était président de l’Assemblée nationale, celui qui va redevenir simple député de Loire-Atlantique n’a finalement commis « aucune irrégularité » et « n’a enfreint, directement ou indirectement aucune règle », selon le rapport de l’Assemblée nationale rendu public mardi.
Dénoncés par Mediapart, neuf dîners organisés entre le 19 septembre 2017 et le 19 juin 2018 « sans produit de luxe », d’après le rapport du secrétaire général de l’Assemblée nationale, ne sauraient « être qualifiés de privés ».
Toutefois, le même rapport épingle trois autres dîners « présentant un caractère familial et amical » et au niveau « manifestement excessif par rapport à ce qui peut être considéré comme raisonnable ». Il s’agit d’un dîner de Noël en 2017 avec sept invités, d’une soirée de Saint-Valentin en 2018 et d’un repas privé rassemblant le couple Rugy et quatre invités. Sur France 2, mardi soir, l’ancien ministre a promis qu’il rembourserait les frais de ces agapes.
Les travaux de rénovation de l’hôtel de Roquelaure
Après les dîners, François de Rugy a été la cible de critiques pour avoir fait réaliser des travaux de rénovation des appartements de l’hôtel de Roquelaure, dans le 7e arrondissement de Paris, où il avait pris ses quartiers en devenant ministre de la Transition écologique. Réalisés fin 2018, ces travaux ont coûté 64.523 euros.
Diligentée le 11 juillet par le secrétaire général du gouvernement, l’enquête conclut que « le relatif état d’usure des revêtements dans certaines pièces pouvait justifier la réalisation [de ces] travaux. » Et de préciser, dans une drôle de formule, « qu’aucune rénovation importante » n’avait été faite dans cet espace « depuis 2009, et même depuis 2003 ».
Seule ombre au tableau, la « relative urgence » avec laquelle les commandes ont été passées, et notamment celle portant sur la réalisation d’un dressing sur mesure pour le somme de 17.000 euros. Si ce logement ancien « manque de capacités de rangement (…), le devis n’a pas été ajusté en envisageant un degré de finition moindre ».
Les cotisations EELV payées avec ses frais de mandat
Dans la liste des reproches adressés à François de Rugy, c’est celui sur l’utilisation de son Indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) qui l’a conduit à démissionner, six jours après le début des révélations de Mediapart. Le site d’investigation avait indiqué que le ministre s’était servi de son indemnité pour régler la cotisation réclamée par son parti politique (qu’il a quitté en 2015), Europe Écologie Les Verts. Ce qui est totalement illégal.
« Si j’avais eu accès immédiatement à mes relevés bancaires – ce qui était impossible –, je n’aurais pas démissionné », a réagi, ce mercredi, François de Rugy dans les colonnes du Canard enchaîné. Pourquoi ? Car, après avoir vérifié auprès de son agence du Crédit coopératif de Nantes, l’ancien ministre s’est rendu compte qu’il avait remboursé en deux fois les sommes prélevées sur son compte IRFM : 6.500 euros le 20 août 2014 et 3.200 euros le 23 juillet 2015. « Il ne s’agissait donc que d’une avance de trésorerie que j’ai rapidement remboursée… »
L’appartement à « vocation sociale » d’Orvault
« De Rugy, escroc ! On te fera payer ! » Il n’a pas fallu plus de quelques jours pour que l’immeuble dans lequel François de Rugy loue un appartement à Orvault (Loire-Atlantique) soit tagué. Selon Mediapart, l’ancien ministre louait ce T2 de 48 m² à vocation sociale (dispositif Scellier intermédiaire) alors qu’il dépassait le plafond de ressources.
Sur Facebook, le ministre a répondu en publiant tous les échanges avec l’agence qui lui a loué le bien, montrant qu’il ignorait que cet appartement était à « loyer préférentiel ». Et notamment le bail qui le dédouane, en effet, sur ce point.
Le loyer mensuel, établi à 622 euros, est conforme aux prix du marché, selon plusieurs agents immobiliers locaux interrogés par 20 Minutes.
Le sèche-cheveux plaqué or à 499 euros
Le lendemain des révélations de Médiapart, le quotidien Le Parisien entre dans la danse avec un article consacré aux « autres frais qui questionnent ». Au détour d’un paragraphe, on y apprend que l’épouse de François de Rugy « aurait » acquis un sèche-cheveux doré à la feuille d’or pour la somme de 499 euros. Les journalistes emploient le conditionnel mais la bombe est lâchée. Et dès la parution, d’autres journaux n’hésitent pas à faire le lien avec un modèle de la marque Dyson correspondant au prix indiqué.
« Mais c’est n’importe quoi ! Je vais demander au Parisien : qu’il me le montre [le sèche-cheveux] », répond très énervé François de Rugy au micro de Jean-Jacques Bourdin. Vendredi dernier, l’Agence France Presse met tout le monde d’accord. Citant une source proche de l’enquête de l’Assemblée nationale, l’agence explique que le sèche-cheveux en question « n’est pas plaqué or » et qu’il a « été laissé à l’hôtel de Lassay » quand François de Rugy et son épouse ont quitté les lieux.
Les voitures avec chauffeurs pour les trajets personnels
L’accusation est apparue, dans Mediapart et Ouest-France, après la démission du ministre. Il a été reproché à François de Rugy d’avoir « abusé » des voitures avec chauffeur pour ses trajets personnels. Sur ce point, le principal intéressé n’a jamais répondu personnellement.
Mais son ancien cabinet, au ministère de la Transition écologique, l’a fait pour lui. « Il a pu arriver exceptionnellement qu’un trajet commun dans Paris ait débuté ou se soit terminé avec son épouse et/ou ses enfants seuls, pour des raisons d’efficacité et de sécurité », a-t-il justifié.
Quant au fait que le ministre prenait souvent le train pour se rendre à Nantes, mais faisait venir son chauffeur en parallèle depuis Paris, la réponse serait d’ordre sécuritaire. « François de Rugy fait l’objet d’une protection adaptée (…) Il s’agit de pouvoir évacuer la personnalité en cas de menace avérée… » Et le cabinet de préciser que l’ancien ministre était la cible des opposants au projet d’aéroport de Notre-dame-des-Landes.
Deux semaines après le début des révélations de Mediapart, la justice n’a, elle, pas décidé d’ouvrir d’enquête au sujet de l’ancien ministre.