Elections européennes: Après la victoire du RN, quelle est la stratégie d’Emmanuel Macron ?
MAJORITÉ•Le chef de l’Etat et sa majorité ne comptent pas infléchir leur politique après avoir été devancés dans les urnes par le Rassemblement national au scrutin européenLaure Cometti
L'essentiel
- La liste soutenue par Emmanuel Macron aux européennes est arrivée en seconde position dimanche, derrière celle du Rassemblement national.
- L’exécutif s’était fixé comme objectif de battre le RN de Marine Le Pen, mais malgré cet échec, il a communiqué dès dimanche soir pour assurer qu’il ne changerait pas de cap.
- Une réaction qui a suscité des critiques au sein de l’opposition.
Pour son premier test électoral depuis les législatives, Emmanuel Macron a perdu son pari. Le chef de l’Etat avait déclaré, le 10 mai, qu’il « mettrai[t] toute [son] énergie pour que le Rassemblement national (RN) ne soit pas en tête ». Cela n’a pas suffi : la liste de la majorité présidentielle est arrivée deuxième des élections européennes dimanche soir (avec 22,41 % des voix), derrière le parti de Marine Le Pen (23,31 %). Quelles conséquences ce résultat aura-t-il sur la suite du quinquennat ? Après avoir dramatisé les enjeux du scrutin, la majorité assure depuis dimanche soir que cette deuxième place ne bouscule en rien son agenda.
« Ça ne change rien ! »
« Ça ne change rien pour la suite du quinquennat ! », affirmait en souriant un cadre du parti dimanche, à la Mutualité, avant les résultats officiels, et alors que certains sondages donnaient un écart de six points entre La République en marche et ses alliés et le RN. Réunis en comité politique, les cadres de LREM ont affiné leurs éléments de langage dans la soirée, à huis clos. Leur message est au diapason de l’Elysée, qui a fait savoir que le chef de l’Etat n’entend pas changer de cap, et va même « intensifier l’acte 2 de son quinquennat ».
A peine les résultats étaient-ils tombés que les macronistes ont donc pensé à la suite, sans envisager que le score élevé du RN et la seconde place de LREM entraînent une inflexion de la politique de la majorité. « Il reste quatre réformes majeures à mener, dont celle des retraites et de l’assurance chômage », a souligné François Patriat, sénateur LREM de la Côté d’Or. Même son de cloche chez Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale : « le gouvernement est solide, la majorité est soudée » et « il convient de continuer sans qu’il soit nécessaire de donner de nouvelles orientations », a-t-il déclaré sur RTL.
« L’inflexion a déjà eu lieu »
Selon Gilles Le Gendre, président du groupe LREM à l’Assemblée, une inflexion de la politique n’est « aucunement » nécessaire car « l’inflexion a déjà eu lieu, elle est née du grand débat. Notre feuille de route est claire : c’est la conférence de presse du président le 25 avril ». Les macronistes enjamberaient-ils le scrutin ? « Les résultats aux européennes ne changent rien au cours des choses. Mais ils renvoient une image du pays traversé de fractures importantes, politiques, sociales, écologiques, territoriales », répond l’élu de Paris. « Cela rend la feuille de route présidentielle encore plus nécessaire, et cela montre à quel point sa mise en œuvre exige du doigté et de la pédagogie, poursuit-il. Nous devons être encore plus à l’écoute, en proximité avec ceux qui souffrent ».
Comme lui, d’autres membres de la majorité insistent sur la « méthode ». « Il faut être plus humain, à l’écoute », a ainsi déclaré ce lundi sur France 2 le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, après avoir assuré qu’il fallait poursuivre les réformes. Dimanche soir, le Premier ministre a lui aussi mis l’accent sur cette écoute, annonçant « une nouvelle méthode » pour associer davantage les Français et les territoires.
Macron s’attaque à la recomposition politique européenne
Sur le plan national, la stratégie est donc claire : pas de changement de cap. Et au niveau européen ? Le président va désormais mettre beaucoup d’énergie pour constituer un groupe puissant dans l’hémicycle, alors que les deux groupes historiquement les plus puissants, le PPE et le PSE, n’ont plus la majorité. Emmanuel Macron doit rencontrer plusieurs chefs d’État et de gouvernement, dont la chancelière allemande Angela Merkel et l’Espagnol socialiste Pedro Sanchez dès ce lundi soir. Il lorgne aussi sur les écolos. « Nous allons sans doute, au niveau européen, travailler avec [les Verts] », a avancé ce lundi la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye.
Ces efforts à l’échelle européenne sont d’autant plus stratégiques pour Gilles Le Gendre que « le pouvoir qui va être donné au groupe central [le futur groupe dont LREM fera partie à Strasbourg] va nous donner les moyens d’avancer plus vite sur des sujets français, qu’il s’agisse de concurrence ou d’écologie, par exemple ».
Les macronistes ont aussi en ligne de mire les prochaines échéances électorales - les municipales en 2020, la présidentielle –, avec en tête l’idée de poursuivre la recomposition du paysage politique. « L’effondrement des Républicains et des Insoumis confirme la bipolarisation de la vie politique, entre nous et le RN. Et ça ne présume rien de mauvais pour 2022 », sourit un cadre du parti présidentiel.