Bayrou, Hulot, Ndiaye... La valse à trois temps des ministres et des conseillers depuis l'élection d'Emmanuel Macron
REMANIEMENT•Depuis l'élection d'Emmanuel Macron en mai 2017, quatorze ministres ont d'ores et déjà quitté le gouvernement comme de nombreux conseillers du chef de l'EtatH.S.
L'essentiel
- Dimanche 31 mars, trois nouvelles personnalités ont intégré le gouvernement d’Edouard Philippe, dont deux anciens conseillers proches du chef de l’Etat.
- Deux ans après l’arrivée d’Emmanuel Macron, certains observateurs s’inquiètent d’un « turn-over » jugé trop important au sein des équipes gouvernementales.
Des choix « consanguins » et un chef de l’Etat « isolé ». L’arrivée de trois nouveaux ministres dimanche a suscité de vives critiques à gauche et à droite. Fidèles parmi les fidèles du chef de l’Etat, la nouvelle porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye et le secrétaire d’Etat au numérique, Cédric O, ont tous deux conseillé Emmanuel Macron depuis son arrivée à l’Elysée en mai 2017.
Au-delà de ce nouveau « mini-remaniement », certains observateurs s’inquiètent de l’actuel « turn-over » jugé trop important au sein des équipes gouvernementales. Ces derniers mois, plusieurs « poids lourds » du gouvernement Philippe et conseillers proches du Président ont quitté de gré ou de force les rouages du pouvoir. 20Minutes fait le point sur cette valse à trois temps.
- Le départ des poids lourds
Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, 14 ministres et secrétaires d’Etat ont quitté leur fonction. Le premier à annoncer publiquement son départ était le principal allié du candidat d’En Marche ! lors de l’élection présidentielle : François Bayrou. Nommé garde des Sceaux par le Premier ministre, le patron du Modem a été contraint de renoncer à sa fonction dès le 21 juin 2017.
« Je choisis la liberté de jugement et de parole, de ne pas exposer le gouvernement et le président de la République à des campagnes mensongères, » s’était justifié le président du parti, visé par une enquête préliminaire dans l’affaire des assistants parlementaires.
Plus d’un an après, Gérard Collomb lui a emboîté le pas en quittant un autre ministère régalien : celui de l’Intérieur. Lui aussi très proche d’Emmanuel Macron et soutien de la première heure, l’ancien maire de Lyon déstabilisé par l’affaire Benalla a fait savoir au Président qu’il souhaitait s’investir dans les prochaines élections municipales et reconquérir la mairie.
« Le départ de ces ministres "à l’ancienne", eux-mêmes leaders parlementaires, traduit une réorganisation autour du chef de l’État qui ne tolère pas une trop forte autonomie des ministres. Auparavant, ils disposaient d’un pouvoir de décision important, ils étaient parlementaires depuis de nombreuses années, avaient eu une vie politique à travers un parti politique », analyse Olivier Rouquan, politologue constitutionnaliste et chercheur associé au CERSA (Centre d’Etudes et de Recherches de Sciences Administratives et Politiques).
- La fuite de la société civile
Autre vague de départs particulièrement remarquée, celles de « figures » de la société civile. La démission surprise de Nicolas Hulot, longtemps érigé en « prise de guerre » d’Emmanuel Macron, a signé le début d’un « resserrement » de l’équipe gouvernementale autour de fidèles du Président.
Dans le même temps, l’ex-championne d’escrime devenue ministre des Sports, Laura Flessel démissionne elle aussi. Dans un communiqué, elle invoque des « raisons personnelles » et son envie de poursuivre son action « par d’autres voies pour retrouver des engagements passés, justement tournés vers l’humain, la solidarité et la coopération internationale ».
Plusieurs articles, publiés par Médiapart et Le Canard enchaîné feront toutefois référence à des démêlés fiscaux pour justifier ce départ inattendu du gouvernement d’Edouard Philippe. Quelques semaines plus tard, un nouveau remaniement est officialisé par l’Elysée après le départ de Gérard Collomb.
A cette occasion, l’exécutif décide de se séparer de la ministre de la Culture, figure de l’édition littéraire, peu rompue à l’exercice politique. Comme pour sa collègue des Sports, Françoise Nyssen fait l’objet d’une enquête publiée par le Canard enchaîné. Selon l’hebdomadaire, la ministre avait entrepris d’importants travaux au siège de la maison d’édition Actes Sud à Arles qu’elle dirigeait alors, sans autorisation avant d’être régularisés lors de sa nomination au ministère de la Culture.
- La fin des « Mormons »
Au sein de ce groupe de fidèles, peu continuent d'évoluer dans les couloirs feutrés de l’Elysée. L’affaire Benalla est passée par là. Dès l’été 2018, l’Elysée réorganise ses services et plusieurs conseillers au sein de la garde rapprochée d’Emmanuel Macron prennent la décision de quitter leurs fonctions.
Sylvain Fort, figure incontournable de la communication du candidat puis plume du Président a quitté son poste au début de l’année 2019. Idem pour Ismaël Emelien qui a officialisé son départ mi-mars, officiellement pour faire la promotion d’un livre qu’il cosigne avec un de ses collègues, ex-conseiller économique du chef de l’Etat.
Les nominations de Sibeth Ndiaye au poste de porte-parole du gouvernement et de Cédric O, qui ont tous deux conseillé Emmanuel Macron, envoient selon Olivier Rouquan un message politique « paradoxal ». « Ces choix ne sont pas du tout en phase avec les attentes d’un mouvement comme les "gilets jaunes". Il s’agit de profils très techniques, surdiplômés, fidèles parmi les fidèles au Président. On est loin du signe d’ouverture à l’égard de la société civile », conclut le politologue.