FAKE OFFLes crédits sont-ils «coupés» pour les partis d'opposition aux européennes?

Européennes: Les banques refusent-elles de financer la campagne des partis d'opposition, comme l'affirme Nicolas Dupont-Aignan?

FAKE OFFLe président de Debout la France a affirmé ce mardi que « tous les partis d'opposition (...) se voient couper les crédits bancaires ». Tous les partis ne comptent pas faire appel aux banques pour financer leur campagne
Mathilde Cousin et Thibaut Le Gal

Mathilde Cousin et Thibaut Le Gal

L'essentiel

  • «Tous les partis d’opposition à Emmanuel Macron se voient couper les crédits bancaires, c’est curieux. » Cette affirmation a été lancée ce mardi matin par Nicolas Dupont-Aignan, dans l'émission Les 4 vérités sur France 2.
  • Plusieurs partis ont essuyé des refus mais espèrent qu'un médiateur permettra de débloquer la situation.
  • D'autres partis misent sur des dons de leurs sympathisants.

«Tous les partis d’opposition à Emmanuel Macron se voient couper les crédits bancaires, c’est curieux. » Cette affirmation a été lancée ce mardi matin par Nicolas Dupont-Aignan. Invité des 4 vérités sur France 2, le président de Debout la France a soutenu que l’opposition avait du mal à accéder aux prêts accordés par les banques pour financer la campagne des élections européennes.

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Tous les partis* sont-ils logés à la même enseigne, comme le soutient Nicolas Dupont-Aignan ? Sur France 2, le député a précisé que des demandes pour un prêt d’un montant de « 500.000 euros » pour son parti avaient été refusées. Le prêt était « gagé par les finances du parti ». L’entourage de Nicolas Dupont-Aignan confirme auprès de 20 Minutes ces démarches : « Toutes les banques ont refusé ou ont botté en touche. Notre ancienne banque nous a clairement dit qu’elle cessait toute relation commerciale depuis le soutien à Marine Le Pen dans l’entre-deux tours de la présidentielle. »

Une situation incompréhensible, selon eux : « Avec nos subventions publiques, plus de 400.000 euros par an jusqu’en 2022, nos 600.000 euros de dons annuels de la part des militants et les sondages nous donnant bien plus de 3 %, ces refus sont difficilement justifiables. » Pour les élections européennes, le plafond de remboursement est fixé à au moins 3 % des suffrages exprimés.

« Notre dossier est béton, mais les banques ne veulent pas faire leur travail », assure le RN

Au Rassemblement national (RN), on essuie les mêmes refus : « Nous avons contacté une douzaine de grandes banques françaises, pour dix refus clairs et deux plus implicites, assure Wallerand de Saint-Just, le trésorier du parti d’extrême droite. Pour une campagne électorale, une banque regarde deux choses : les résultats des précédentes élections et les sondages. Notre dossier est béton, mais les banques ne veulent pas faire leur travail et assurer leur rôle de mission de service public. Elles ne veulent pas nous financer et risquer de déplaire au pouvoir en place. Ça pose un vrai problème démocratique. »

« A l’heure actuelle, c’est le parti qui finance la campagne, mais si nous n’obtenons pas de prêt, il faudra se serrer la ceinture », poursuit le président du groupe RN au conseil régional d’Ile-de-France, qui n’exclut pas de lancer une nouvelle « campagne de prêt patriotique ».

PS et LFI restent sereins

Au Parti socialiste, l’attitude est plus sereine : « Nous sommes en train de voir pour un prêt bancaire, mais nous n’avons aucun problème de trésorerie car nous avons de quoi autofinancer notre campagne pour les européennes », assure Pernelle Richardot, la trésorière du PS, renfloué depuis la vente de Solférino.

A La France Insoumise, même sérénité : « On a fait une demande de prêt, on attend la réponse mais on est plutôt optimiste », assure-t-on au sein du parti, qui dit s’appuyer aussi sur les dons de militants et envisage le lancement d’un emprunt populaire pour financer la campagne.

Les prêts des militants, c’est également l’option retenue par le parti communiste. « Nous avons un budget à deux millions d’euros, dont un million pour le matériel officiel, explique Ian Brossat, tête de liste. Pas de prêt bancaire, ce sont les militants qui prêtent. »

Un médiateur saisi

A Génération. s, le mouvement lancé par Benoît Hamon, Bastien Recher, le trésorier, confie avoir essuyé trois refus de prêt de la part des banques. Des discussions sont toutefois en cours avec une autre banque. Pour financer la campagne, Génération. s veut « compter sur ses ressources régulières (les cotisations des membres et des élus) et lancer cette semaine une campagne de dons. » « On sait faire des campagnes qui ne coûtent pas cher », rappelle le trésorier, pour qui le plafond de dépenses autorisées pour la campagne – 9,2 millions d’euros – est « délirant ». Pour cette campagne, seuls les dons des personnes physiques sont autorisés, dans la limite de 4.600 euros, tous candidats confondus, selon la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politique.

Comme Debout la France et RN, Génération. s a saisi le médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques. « Il est très réactif et aidant », souligne Bastien Recher, qui regrette que les pouvoirs du médiateur ne soient pas « contraignants. » « Quand il n’y a pas de contrainte, le médiateur est plus dans l’accompagnement pour aider à monter les dossiers », déplore-t-il.

En cause, une réglementation plus stricte

Jean-Raphaël Alventosa, le médiateur, confirme à 20 Minutes avoir été saisi par ces trois partis. « Ces partis ont commencé leurs demandes très tôt, rappelle Jean-Raphaël Alventosa. Tout ça, c’est en train de s’expliquer, mais ce n’est pas simple, cela prend du temps. Celui qui prête en général aime bien savoir qui va le rembourser et il y a des alliances (entre partis) qui sont en train de se faire. »

Pour le médiateur, ce sont les nouvelles réglementations qui expliquent ces délais de réponse des banques : « il y a eu une crise fin 2008 et on s’est aperçu que les banques, pas forcément en France, faisaient des prêts à n’importe qui n’importe comment. La régulation bancaire est devenue plus forte depuis. Le deuxième facteur, ce sont un certain nombres d’affaires qui ont défrayé la chronique en France et ailleurs ces dernières années. Tout le monde en a pâti et la réglementation a été renforcée. » Une allusion aux affaires Bygmalion ou Jérôme Cahuzac et à la loi pour la confiance dans la vie publique, qui a notamment créé cette fonction de médiateur.

« Les banques prennent plus de risques » en finançant un politique

Dans un communiqué publié en février, la Fédération bancaire française (FBF), qui représente toutes les banques installées en France, rappelle que « les banques financent les campagnes électorales via des crédits accordés aux candidats personnes physiques en fonction de leur capacité de remboursement personnelle et ce, dans un cadre plus contraint en raison des dispositions sur la lutte contre le blanchiment et sur le financement des campagnes électorales et avec un risque non assurable : l’invalidation possible des comptes de campagne ».

« Concrètement, quand une banque doit se pencher sur le financement d’un politique, la loi lui demande de vérifier sa rémunération, son patrimoine, et un certain nombre d’autres éléments auprès de lui et de son entourage. Soit une connaissance plus approfondie que pour un client lambda », assure un expert bancaire. « Les banques prennent plus de risques car si elles financent un candidat et que derrière, on s’aperçoit qu’il y a des financements anormaux, il peut y avoir des répercussions en termes d’image voire même des sanctions ». Diminuer ce risque, c’est une des pistes qu’a à l’œil le médiateur, qui « fera un diagnostic à froid » et remettra un rapport après les élections.

* Contactés par 20 Minutes, Les Républicains n’ont pas répondu à nos sollicitations.

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