VIDEO. Limitation à 80 km/h: Comment la mesure empoisonne la vie du gouvernement depuis un an
ANNONCES•Portée par le Premier ministre, la limitation de vitesse à 80 km/h a été un des éléments déclencheurs de la crise des « gilets jaunes » et pourrait finalement être modifiée…T.L.G.
L'essentiel
- La limitation de 90 à 80 km/h sur les routes secondaires est entrée en vigueur fin juin.
- La mesure, contestée au sein même du gouvernement, a produit un bilan positif, selon Edouard Philippe.
- Emmanuel Macron a laissé entendre que la majorité pourrait être ouverte à des modifications de la loi.
Une mesure aux airs de boulet. Sortie du chapeau d’Edouard Philippe en début d’année 2018, la limitation de 90 à 80 km/h sur les routes secondaires est entrée en vigueur début juillet. Malgré des mois de controverses, le Premier ministre avait tenu bon. Du moins le pensait-on, jusqu’à ces dernières semaines. Dans le contexte des « gilets jaunes », l’exécutif laisse maintenant entendre qu’il pourrait finalement faire marche arrière et y renoncer partiellement. 20 Minutes revient sur cette mesure qui empoisonne le gouvernement depuis plus d’un an.
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Une mesure souhaitée par Philippe (qui n’était pas dans le programme de Macron)
En décembre 2017, le chef du gouvernement se disait favorable « à titre personnel » à cette limitation de vitesse, qui n’était pas dans le programme présidentiel d’Emmanuel Macron. Un mois plus tard, Edouard Philippe annonce sa mise en place. « Elle va sauver des vies […] Et si pour sauver des vies il faut être impopulaire, j’accepte de l’être. » Le Premier ministre ne se trompe pas : la réforme, très impopulaire, plombe la popularité de l’exécutif. Elle donne une arme à l’opposition mais divise au sein même de la majorité.
Gérard Collomb, pourtant chargé du dossier en tant que ministre de l’Intérieur, préfère sortir un « joker » en avril pour éviter de s’exprimer sur le dossier. Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires et Gérald Darmanin au Budget auraient aussi fait part de leurs réserves auprès d’Emmanuel Macron.
Un débat relancé par les « gilets jaunes »… et Emmanuel Macron
Edouard Philippe ne bronche pas et défend pratiquement seul la mesure, souhaitant enrayer les trois années consécutives de hausse du nombre de morts sur les routes, entre 2014 et 2016. Mais le débat sur cette limitation, entrée en vigueur fin juin, est finalement relancé par le mouvement des « gilets jaunes » et la hausse du prix des carburants. Près de 70 % des radars seraient d'ailleurs hors d’usage en raison de dégradations de manifestants. « La grogne des territoires a commencé par les 80km/h. J’ai tenté d’alerter Emmanuel Macron, en lui disant qu’il fallait faire attention avec la voiture, mais on ne m’a pas écouté », soufflait en décembre un proche du président.
Au fil de la crise, pourtant, l’idée d’un retour en arrière fait son chemin. Le président lui-même, qui n’a jamais apporté de franc soutien à la mesure, a ouvert la porte , lors du lancement du grand débat national : « Est-ce qu’il faut tout arrêter ? Franchement, non. Est-ce qu’on peut faire quelque chose qui soit mieux accepté et plus intelligent ? Sans doute oui… » Le chef de l’Etat serait allé plus loin jeudi dernier : « Les 80 km/h, je n’y suis pour rien, c’est mon Premier ministre. C’est une connerie », aurait répondu Emmanuel Macron à Laurent Wauquiez en privé, selon l’entourage du président LR cité par BFMTV, confirmé par le Parisien, mais démenti par l’Elysée.
Un bilan positif, mais la possibilité d’en discuter
Edouard Philippe a réalisé un numéro d’équilibriste ce lundi, au moment de faire le bilan de la mesure. « Il n’y a jamais eu aussi peu de morts* sur les routes françaises », a-t-il insisté, se félicitant des 116 vies épargnées sur les routes secondaires abaissées à 80 km/h. Malgré ces résultats « sans ambiguïté », le Premier ministre a jugé « légitime de discuter » de la mesure dans le cadre du grand débat, précisant quand même qu’il serait « fou d’abaisser le niveau d’ambition ». L’Etat pourrait finalement détricoter en partie la mesure, laissant à chaque département le soin de fixer la limitation de vitesse à 80km/h sur les routes qu’ils jugeraient dangereux.
*L’an dernier, 3.259 personnes ont trouvé la mort en métropole, soit neuf de moins qu’en 2013. Avec 244 décès enregistrés Outre-mer (où les 80 km/h ne s’appliquent pas partout) et donc un total de 3.503 morts, le bilan global dépasse toutefois celui de 2013 (3.427 morts).