Le député Sébastien Nadot revient sur son éviction du groupe LREM

«Il y a un phénomène de gouvernement qui fait tout, qui peut tout et n’écoute pas beaucoup»

INTERVIEWExclu depuis jeudi du groupe LREM de l’Assemblée nationale après avoir voté contre le budget 2019, le député Sébastien Nadot critique la « surdité du gouvernement » et le manque de débat au sein de LREM…
Béatrice Colin

Béatrice Colin

L'essentiel

  • ​Jeudi, le député « marcheur » de la 10e circonscription de Haute-Garonne a voté contre le budget 2019.
  • Dans la foulée il a été exclu du groupe LREM de l’Assemblée nationale.
  • Membre du Mouvement des Progressistes de Robert Hue, il critique le manque de débat au sein de la majorité et de ligne politique claire.

Issu du Mouvement des Progressistes de Robert Hue, Sébastien Nadot avait rallié en février 2017 Emmanuel Macron, alors candidat à l’élection présidentielle. Elu député de la 10e circonscription de la Haute-Garonne sous l’étiquette LREM, l’élu a été exclu jeudi du groupe majoritaire à l’Assemblée nationale après avoir voté contre le budget 2019.

Il explique à 20 Minutes les raisons de cette prise de position et son sentiment sur l’évolution de La République en Marche depuis son accession au pouvoir.

Jeudi, vous avez été exclu du groupe LREM après avoir voté contre le budget. Vous attendiez-vous à une décision d’éviction aussi rapide ?

Il s’est passé ce que j’avais anticipé. Ce n’est pas une décision que j’ai pris le matin même. Je n’ai pas eu de surprise, mais je pense que ce n’est pas une bonne idée. C’est dommage on rentre dans le « grand débat », ça donne le signal, on peut débattre mais il faut penser comme le chef pense. J’ai dit à Gilles Le Gendre qu’avant d’être député de La République en Marche, j’étais représentant de la Nation. Je ne suis pas député des adhérents de La République en marche. Il suffit de passer une journée sur le terrain pour voir que le budget n’est pas en phase des attentes des Français.

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Avez-vous ressenti un fossé entre les décisions prises à Paris et le reste de la France ?

En tant que représentant des gens, j’ai l’impression que c’est : « on croit que tout va bien, on ferme les fenêtres, on n’entend pas ce qui se passe au-delà du périphérique parisien et ça ira. »

« « C’est à se demander si on est encore dans le même pays par moments. » »

On annonce des mesures d’urgence sociale. Les gens qui touchent le Smic vont avoir 100 euros de plus par mois, ce n’est pas rien. Et en même temps on valide un budget qui ne tient pas compte de l’avenir, qui dit « rendez-vous à la prochaine urgence sociale ». C’est significatif du mode de fonctionnement qui n’est pas adapté à la situation.

Qu’est ce qui vous dérange le plus dans ce budget ?

Il y a une inégalité en France et elle va croissant. Il y a un moyen pour travailler sur une meilleure répartition des richesses, c’est la fiscalité. Dans la situation actuelle, cette question est à repenser, or ce n’est pas le cas. La réponse par rapport au mouvement des « gilets jaunes », c’est d’abdiquer le volontarisme sur la transition écologique. J’ai discuté avec 200 députés, tous pas satisfaits de cette pesanteur sur la transition écologique. On est en France, le pays de la COP 21, celui qui devait marquer un point de rupture, mais très honnêtement on rentre dans le rang.

Vous regrettez cette année passée au sein de LREM ?

Je n’ai pas fait un calcul de trajectoire personnelle. Je me tiens à une ligne politique, ça m’a amené à voter contre le budget. Quant à mon expérience à LREM, on s’aperçoit que c’est difficile de trouver une solution actuellement dans la mesure où les partis politiques sont en déshérence. L’exercice parlementaire n’est pas simple. Ça pose une question : quelle est l’idéologie d’En Marche ? Il n’y en a pas. Dans En Marche, j’ai entendu plus de députés plus proches ce que j’ai dit sur la transition écologique et les questions sociales, que le contraire.

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Et donc, les députés ne sont pas entendus ?

Il y a une vraie difficulté à transcrire des positionnements politiques parlementaires et de toutes les façons il y a une surdité totale du gouvernement vis-à-vis du parlement. On le trouve dans l’exercice budgétaire, comme dans le reste. Sur toutes les lois sur lesquelles je me suis penché, le gouvernement présente son projet. Il fait cependant en même temps clignoter sur ce quoi on peut négocier en tant que parlementaire et faire croire que l’on a obtenu quelque chose.

Depuis des mois, la critique pointe pour dire que le groupe LREM est composé de députés godillots. C’est ce que vous ressentiez ?

Ce n’est pas tant des députés godillots, mais on nous met dans une situation où le parlement est écrasé par le gouvernement. C’est la problématique d’un rééquilibre des pouvoirs qui est derrière tout ça. Même un député qui n’est pas godillot n’arrive pas à faire bouger les choses. Ce phénomène de gouvernement qui fait tout, qui peut tout et n’écoute pas beaucoup, pour moi ça participe à ma décision de voter contre le budget. Si on ne change pas la méthode, on va dans le mur.

Pourquoi êtes-vous le seul à avoir voté contre ?

C’est compliqué de marcher dans contre son camp, c’est plus facile de rester dans le confort de son groupe. Je pense que la plupart de mes collègues ont un projet politique qui ne s’arrête pas à une législature, beaucoup ménagent la chèvre et le chou, râlent en interne mais avalent toutes les couleuvres possibles et inimaginables sans faire pour autant des sorties.

Est-ce que c’est votre bagage politique passé qui fait la différence ?

Il y a des collègues qui se construisent. Mais il y en a pas mal c’est encore le « chef a dit » donc, c’est bon. Ça a ses limites, c’est intéressant si cela repose sur un corpus idéologique construit… mais il ne se passe rien à La République En Marche. Je veux bien avoir une information de production intellectuelle, d’un travail sur les idées sur lequel on peut s’appuyer à la LREM pour prendre des décisions ensuite. Je ne l’ai pas vu, maintenant je ne l’attends plus.