«Gilets jaunes»: Pour boucler le budget, les grandes entreprises encore mises à contribution
ECONOMIE•La limitation de la baisse du taux d'impôt sur les société va aider à contenir la hausse du déficit public...20 Minutes avec AFP
En annonçant une série de mesures pour relancer le pouvoir d’achat et calmer l’incendie des « gilets jaunes », Emmanuel Macron avait pris soin de préciser que les entreprises ne seraient pas mises à contribution pour la hausse du Smic. Mais pour le reste, les grands groupes vont devoir mettre la main à la poche, afin de limiter la hausse du déficit public. La contribution passe cette fois par une limitation de la baisse du taux d’impôt sur les sociétés (IS).
Reprenant une promesse de campagne du président Emmanuel Macron, le gouvernement a réaffirmé qu’il souhaite réduire progressivement l’impôt sur les sociétés pour le ramener à 25 %, soit la moyenne européenne, à la fin du quinquennat en 2022. Actuellement le taux d’imposition pour les sociétés est de 33 % en France. Il devait baisser à 31 % en janvier 2019 mais, pour financer les mesures de relance du pouvoir d’achat et résoudre la crise des « gilets jaunes », l’exécutif a annoncé que la baisse prévue n’allait pas concerner les entreprises réalisant plus de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel.
1,8 milliard d’euros
La baisse du taux est décalée d’un an pour ces grandes entreprises qui continueront de se voir appliquer le taux actuel. L’opération doit rapporter 1,8 milliard d’euros. « Il me semble que c’est juste de demander aux entreprises qui le peuvent le plus de contribuer à ce meilleur financement du travail en France pour répondre aux urgences sociales », a déclaré Bruno Le Maire, lundi, lors de la reprise de l’examen du projet de budget pour 2019.
Le rapporteur général du budget à l’Assemblée, Joël Giraud (LREM), avait estimé quelques jours plus tôt que les « très grandes entreprises » pouvaient être « mises à contribution » pour de nouvelles recettes qui compenseraient l’annulation des hausses de taxes sur les carburants pour 2019.
Encore une fois, le taux de l’impôt sur les sociétés payées par les grandes entreprises sert de « variable d’ajustement », commente pour l’AFP l’économiste Philippe Crevel pour qui « la solution n’est pas nouvelle car on repousse à chaque fois une baisse annoncée dès 2013 ».
Et pour causse, en 2017, une surtaxe exceptionnelle concentrée sur les entreprises réalisant plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires, soit 320 sociétés, avait été adoptée. Elle devait rapporter 5,4 milliards d’euros en 2017, soit la moitié de la facture héritée de la censure de la taxe sur les dividendes, le reste étant pris en charge par l’État. « Les gouvernements ont plus tendance à toucher à l’impôt sur les sociétés car l’entreprise ne vote pas. C’est plus facile que d’augmenter l’impôt sur le revenu », analyse Philippe Crevel, fondateur d’une société de stratégies économiques et qui dirige le Cercle de l’Epargne.
« Au détriment des salariés »
Reste à savoir si les grandes entreprises vont être pénalisées par le maintien du taux, alors que les autres payeront moins. Pour Philippe Crevel, « les grandes entreprises sont celles qui payent les plus mais aussi celles qui optimisent le plus fiscalement ».
Pour l’économiste, la mesure pourrait surtout pénaliser les salariés, censés pourtant être les principaux bénéficiaires des mesures annoncées par le gouvernement. « Les entreprises vont chercher à augmenter leurs bénéfices pour pouvoir rémunérer leurs actionnaires de sorte qu’ils ne subissent pas l’évolution de la fiscalité, explique-t-il, ajoutant que » l’arbitrage se fait souvent au détriment des salariés".
Le président du Medef (patronat) Geoffroy Roux de Bézieux avait estimé le 7 décembre que les entreprises étaient en train de devenir « le bouc émissaire d’une révolte fiscale ». « Il y a une chose que je n’aime pas dans ce type de réflexe, c’est l’idée que les grandes entreprises c’est un tas d’or dans lequel on peut puiser finalement à sa guise, quand il y a un problème », avait aussi réagi début décembre Stéphane Richard, PDG de l’opérateur de télécoms Orange. Le groupe, à l’instar d’autres grandes entreprises comme Publicis, Kering ou LVMH, a depuis annoncé qu’il versera une prime de fin d’année défiscalisée et désocialisée à une partie de ses salariés. Lundi, ce sont la SNCF et la RATP qui ont annoncé le versement d’une prime.