POLITIQUEDéplacer le conseil municipal de Marseille peut-il vraiment l'apaiser?

Marseille: Déplacer le conseil municipal permettra-t-il vraiment de l'apaiser?

POLITIQUEA la veille du conseil municipal très attendu, qui portera notamment sur les questions de logement, Jean-Claude Gaudin avait décidé de le reporter. Il se tiendra ce jeudi...
Mathilde Ceilles

Mathilde Ceilles

L'essentiel

  • Ce jeudi s'ouvre un des conseils municipaux les plus attendus de Marseille
  • Il abordera notamment la question de l'habitat indigne, le premier depuis le drame de la rue d'Aubagne.
  • Il avait été reporté pour raisons de sécurité.

Rarement un conseil municipal n’a été si attendu à Marseille, pour de multiples raisons. Ce jeudi​, les élus se réuniront pour la dernière fois de l’année dans l’hémicycle de l’espace Bargemon.

Depuis des mois, cette réunion était prévue pour le 10 décembre. Mais à sa veille, le maire de Marseille Jean-Claude Gaudin décide de l’annuler et de la reporter une date alors inconnue. La municipalité avance l’argument de la sécurité d’un conseil sous haute tension. « Le maire de Marseille annoncera cette date […] une fois étudiées toutes les dispositions administratives, réglementaires et de sécurité qui s’imposent », indique la mairie dans un communiqué le 10 décembre.

Crainte des casseurs

« Nous avions eu le week-end précédant un week-end très difficile, dans le pays comme à Marseille », explique Yves Moraine, président du groupe de la majorité LR au conseil municipal. Des incidents avaient éclaté en marge de la manifestation des « gilets jaunes ». Le collectif du 5 novembre Noailles en colère prévoyait une nouvelle manifestation devant l’hôtel de ville le 10 décembre.

« On nous annonçait la présence du collectif du 5 novembre, du collectif de La Plaine, de divers syndicats, des lycéens et des "gilets jaunes", affirme Yves Moraine. Compte tenu de ce qui s’était passé précédemment, nous craignions des casseurs et des pillages. De plus, les forces de l’ordre étaient à bout. » Finalement, malgré l’annulation, un tribunal populaire s’était réuni à l’appel du collectif du 5 novembre dans le plus grand des calmes, sous le contrôle de douze camions de CRS.

Dispositif de sécurité identique

« Le dispositif ce jeudi sera le même que celui prévu le 10 décembre, indique le directeur départemental de la sécurité publique des Bouches-du-Rhône Jean-Marie Salanova, qui refuse de le détailler pour raisons de sécurité. Le dispositif s’aligne sur les risques. Nous sommes dans un contexte de manifestations de grande ampleur, avec des risques de perturbation. Il y a désormais aussi le risque attentat lié à tout événement. Or, le conseil municipal d’une des plus grandes villes de France constitue un événement en soi. »

Un événement attendu pour une autre raison : il s’agit du premier depuis l’effondrement d’immeubles rue d’Aubagne. Depuis, la mairie traverse une crise du logement sans précédent. Près de 200 immeubles ont été évacués. Plusieurs mesures sur l’habitat indigne doivent être votées par les élus ce jeudi. « Ça nous donne le temps d’ici là d’harmoniser un certain nombre de propositions pour sortir de cette situation », a justifié au micro de France Bleu Jean-Claude Gaudin.

« La colère est plus grande »

Le collectif du 5 novembre attend la municipalité au tournant, et appelle à un rassemblement devant la mairie, juste avant le conseil. « On ne sera pas là pour faire de la figuration, prévient Kaouther Ben Mohamed, membre du collectif. Il faut maintenir la pression populaire. On veut dire aux élus : "Vous allez partir fêter Noël en famille, et d’autres vont dormir dans la rue ou dans des hôtels !". »

Et d’ajouter : « Gaudin là-dedans n’est pas seul, il a une équipe avec lui, et ils sont tous responsables ! Annuler ce conseil, c’était une provocation. Il espérait gagner du temps, diminuer la situation, mais la colère est plus grande. On ne lâchera pas. »

« Très envie de débattre »

« Les Marseillais attendent ce débat, affirme Benoît Payan, président du groupe socialiste au conseil. Si le report de ce conseil est une manœuvre politique, c’est pitoyable. S’ils ont eu la conviction qu’il y aurait des casseurs dans la mairie, c’est pathétique. Si le temps a permis d’apaiser les esprits de la majorité pour pouvoir discuter, c’est tant mieux. »

« Le maire et ses adjoints ont très envie de débattre, répond Yves Moraine. On a envie d’expliquer. » Et de s’agacer lorsqu’on lui demande le contenu de ces explications. « Expliquer ce qu’on a fait dans le domaine du logement depuis 25 ans. Je suis un élu qui consacre 14 heures par jour à la collectivité, pas à manger du chocolat ! » Yves Moraine avait en effet été critiqué après avoir participé à une dégustation de chocolats le lendemain du drame.

Le débat qui s’ouvre ce jeudi à Marseille s’annonce donc tendu dans un contexte de crise inédit. De quoi en faire un moment très observé, bien au-delà des frontières marseillaises. Près de 70 journalistes s’étaient accrédités au conseil prévu le 10, bien plus que d’habitude.

​​​​