Emmanuel Macron fait le pont: «Son épuisement est davantage politique que physique»
INTERVIEW•Stéphane Rozès, politologue et président de CAP, analyse le sens de la pause de quatre jours du président de la République…Propos recueillis par Delphine Bancaud
L'essentiel
- Le président a allégé son agenda pour prendre quatre jours de repos.
- L’affaire Benalla, les démissions de ses ministres et sa chute dans les sondages l’ont affaibli politiquement.
- Selon Stéphane Rozès, la communication autour de ce repos vise aussi à casser l’image de surhomme, de président jupitérien d’Emmanuel Macron.
Un besoin de pause qui détonne avec l’image d’un président jupitérien, qui enchaîne les réformes à un rythme effréné. Emmanuel Macron va faire le pont de la Toussaint, de jeudi à samedi, « comme des millions de Français », a indiqué mardi le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux, à l’issue du Conseil des ministres avancé d’un jour.
« Il n’y a pas de coup de fatigue, mais oui il gère l’effort », a déclaré la présidence. Sans convaincre totalement car de nombreux médias ont souligné la fatigue d’Emmanuel Macron, confronté à un été et une rentrée difficiles. Pour 20 Minutes, Stéphane Rozès, politologue et président de CAP, société de conseils en stratégie d’opinion, de marque et de conduite du changement, analyse le sens caché de ces quelques jours de repos.
Cela semble inhabituel pour Emmanuel Macron de prendre quelques jours de repos…
Oui, d’autant que c’est la première fois que son entourage insiste sur les raisons personnelles qui le poussent à faire une pause. Comme si le souhait du président était de faire passer un message. Il veut à la fois souligner son grand investissement dans sa fonction qui lui provoque une certaine fatigue et se ré-humaniser aux yeux des Français.
Est-ce une manière de signifier la fin de sa présidence jupitérienne ?
Oui car jusqu’alors, il était dépeint comme une majesté omnipotente. Mais l’affaire Benalla, les démissions successives de ses ministres, sa baisse de popularité dans les sondages, ont changé la donne. On assiste à un délitement du propos initial du macronisme, qui résidait dans sa volonté de transformer le pays, tel un Bonaparte. Son épuisement est davantage politique que physique. Cette séquence politique témoigne d’une forme de banalisation de sa présidence. Il rabat la voilure après le refus de la chancelière Merkel à Aix-la -Chapelle avant les vacances de faire bouger l'Europe pour donner un débouché, un cap et une justification à la transformation du pays au travers de réformes douloureuses.
Comment vont réagir les Français à cette pause ?
Ils ne vont pas réagir forcément négativement. Car cette séquence laisse apparaître Emmanuel Macron comme un homme comme les autres, qui a ses coups de pompe, ses limites. Cela donne une image plus humble du personnage, ce qui n’est pas mauvais en soi. Mais ce coup de fatigue illustre le délitement de la dynamique du Macronisme et du lien avec les Français qui ne voient plus où Emmanuel Macron les conduit, ce qui va rendre tout plus complexe.