Remaniement: Pas d'élargissement, mais un nouveau gouvernement pour trouver «un nouveau souffle»
POLITIQUE•L'Elysée a procédé ce mardi au premier remaniement d'ampleur du quinquennat avec huit nouveaux membres, dont Christophe Castaner à l'Intérieur, mais sans véritable coup d'éclat...T.L.G.
L'essentiel
- L'Elysée a procédé ce mardi au premier remaniement d'ampleur du quinquennat avec huit nouveaux membres.
- C’est « une équipe renouvelée, dynamique, dotée d’un second souffle », a assuré la présidence.
- Le chef de l'Etat n'a pas réussi à attirer de gros poissons du PS ou des Républicains.
«Un second souffle ». Le remaniement est arrivé ce mardi matin, sans se presser, deux semaines après la démission du ministre de l’Intérieur Gérard Collomb. Avec quatre départs, sept arrivées, l’exécutif espère prendre un nouvel élan après un été délicat. C’est « une équipe renouvelée, dynamique, dotée d’un second souffle », a expliqué l’Elysée, reconnaissant en creux le besoin d’air de la majorité, accablée par l’affaire Benalla et le départ de Nicolas Hulot.
Son « mandat politique reste le même » et elle « va inscrire son action dans la continuité de la politique menée par le gouvernement et du calendrier des réformes pour les mois à venir », a précisé la présidence. Ceux qui dans l'opposition espéraient un changement de cap, ou faisaient mine de l’espérer, peuvent continuer de rêver.
« Pas beaucoup de marge de manœuvre pour les nouveaux ministres »
« Compter sur un nouveau casting pour redonner du souffle comme d’un coup de baguette magique me paraît difficile du fait des conditions du remaniement tardif et des crises qui durent depuis l’été, avance Olivier Rouquan, politologue et constitutionnaliste. Peut-être qu’à terme, on verra une inflexion politique mais pour les huit mois à venir au moins, les nouveaux ministres n’auront pas beaucoup de marge de manœuvre, notamment parce que le budget 2019 est déjà acté ».
«Le gouvernement peut espérer conclure la série de difficultés politiques de ces dernières semaines, relève à l'AFP la politologue de l'Ipsos Chloé Morin. Mais au fond, c'est un remaniement à la fois très technique, avec des périmètres redécoupés et des figures expertes extérieures, et très politique, avec le souci du maintien des équilibres. Ce qui a globalement peu de chances de passionner les Français».
Restent l’affichage et les symboles. Avec 34 membres (outre le Premier ministre) dont 17 femmes, le gouvernement modifié respecte le principe de parité sexuelle. La « société civile » aussi reste visible avec les arrivées des secrétaires d’État Emmanuelle Wargon (rattachée au ministère de la Transition écologique) et Agnès Pannier-Runacher (auprès de Bercy).
«Le remaniement permet de réaffirmer nos équilibres: présence renforcée de la société civile comme garantie du renouveau, entrée de trois députés qui démontrent la compétence de la majorité», défend Aurore Bergé, porte-parole du groupe LREM à l'Assemblée. « La société civile est cantonnée de nouveau à des fonctions subsidiaires après le départ de Nyssen de la Culture. Mis à part Blanquer ou Buzyn qui étaient déjà en place, on assiste à un moment de repolitisation et aux limites de cette ouverture qu’on avait déjà observées sous les gouvernements Rocard ou Juppé », nuance Olivier Rouquan.
« Ce manque d’ouverture est dû à l’affaiblissement de la dynamique d’En Marche ! »
Malgré quinze jours de tractation, la pêche a été maigre. Emmanuel Macron n’a pas réussi à attirer des poids lourds du Parti socialiste ou des Républicains comme il y était parvenu après son élection. Nommé à la Culture, Franck Riester n’est que le patron d’un parti de centre-droit isolé qu’il a lui-même fondé [Agir] et déjà proche de la majorité.
« Ce manque d’ouverture politique est dû au contexte d’usure et à l’affaiblissement de la dynamique En Marche ! Le macronisme n’attire plus et reste dans une phase défensive. On est plus dans l’affichage avec les arrivées de Didier Guillaume [ancien hollandais et vallsiste] à l’Agriculture et du MoDem Marc Fesneau aux Relations avec le Parlement », note Olivier Rouquan. «Nous ne voulons en aucun cas faire des prises mais garder le cap de notre action», répond Aurore Bergé.
Le MoDem et les fidèles récompensés
François Bayrou peut lui avoir le sourire : affaibli par les affaires de l’été 2017, son parti renforce ses positions avec la promotion de Jacqueline Gourault à un grand ministère des territoires, comme pour mieux contrer les attaques de l'opposition.
Le grand gagnant du remaniement est Christophe Castaner, proche d’entre les proches, nommé à l’Intérieur. « Le président a voulu consolider une fidélité car il va y avoir un redécoupage des circonscriptions et des élections intermédiaires. Avoir un ministre très politique pour préparer des élections est une tradition républicaine », rappelle Olivier Rouquan. La reconnaissance des macronistes s’illustre également à travers l’entrée des députés Gabriel Attal, plus jeune membre de gouvernement de la Ve République à 29 ans, et Christelle Dubos.
Le gouvernement ne compte désormais plus qu’un seul ministre d’Etat, François de Rugy, numéro 2 du gouvernement. Un beau symbole pour l’Ecologie ? David Cormand regarde plutôt d'un mauvais oeil l’arrivée d’Emmanuelle Wargon, ancienne directrice des affaires publiques de Danone, au ministère. « Avec Macron, l’écologie, c’est jamais sans les lobbys », a tweeté le patron d’EELV.