FICHE DE POSTEPourquoi le ministère de l'Intérieur est-il si stratégique politiquement?

Remaniement: Pourquoi le ministère de l'Intérieur est-il si stratégique politiquement?

FICHE DE POSTEEtre nommé(e) place Beauvau, c’est se retrouver en première ligne sur des dossiers aussi sensibles que la sécurité, les cultes et les questions migratoires et électorales…
Gérard Collomb serre la main du Premier ministre Edouard Philippe lors de sa passation de pouvoir le 3 octobre 2018.
Gérard Collomb serre la main du Premier ministre Edouard Philippe lors de sa passation de pouvoir le 3 octobre 2018. - AFP
Laure Cometti

Laure Cometti

L'essentiel

  • Après le départ de Gérard Collomb, Emmanuel Macron doit choisir un nouveau ministre de l’Intérieur, dont le nom devrait être connu mardi ou mercredi.
  • Ce ministère est qualifié de sensible et politique, car Beauvau a autorité sur la police et la gendarmerie, ainsi que sur la DGSI. C’est pour cela que le couple exécutif choisit souvent d’y placer un proche.
  • Le ministère de l’Intérieur est également en charge de dossiers très politiques, comme la politique migratoire, l’organisation des scrutins et les cultes.

Si le remaniement, annoncé pour mardi ou mercredi, pourrait concerner plusieurs ministères, c’est celui de l’Intérieur, laissé vacant par Gérard Collomb depuis le 3 octobre, qui est au cœur des préoccupations d’Emmanuel Macron. A qui va-t-il confier les clés de la place Beauvau ? Le choix est délicat étant donné le caractère très sensible de ce ministère et le champ très large de ses compétences.

Pourquoi est-ce un poste « sensible » ?

La police et la gendarmerie sont placées sous l’autorité du ministre de l’Intérieur. « Le système policier français est très nationalisé, et la chaîne hiérarchique extrêmement rigide », précise Mathieu Zagrodzki, chercheur associé au Cesdip (Centre de recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales).

C’est aussi là que remontent des informations parfois sensibles provenant des services de renseignement, la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure) étant placée sous l’autorité du ministre. « Tout remonte à Beauvau », confirme Paul Quilès, ministre de l’Intérieur d’avril 1992 à mars 1993 au sein du gouvernement de Pierre Bérégovoy. « Cela explique pourquoi on n’a jamais eu de technicien pur à ce poste, pas depuis les années 1980 », souligne Mathieu Zagrodzki. Le tamdem exécutif préfère y placer un proche. « La proximité avec le président de la République et le Premier ministre, ce que j’avais, faisait partie des critères, tout comme la loyauté envers le couple exécutif », se souvient Paul Quilès.

Un ministère très exposé

Ce ministère est également très stratégique car il est très exposé. « En cas de crise terroriste, d’émeutes, d’affaire criminelle majeure, le ministre de l’Intérieur doit être capable d’expliquer son action aux forces de sécurité et devant les médias, et de faire face aux critiques », rappelle Mathieu Zagrodzki.

« Il y a aussi beaucoup de négociations, formelles ou informelles, à gérer avec les syndicats de police », poursuit le chercheur. Selon une étude publiée par le ministère du Travail en 2016, 49 % des agents de police de l’Etat ou de la police municipale sont syndiqués. Paul Quilès insiste sur « le sens du commandement » et la capacité à « se faire respecter », cruciaux à ce poste selon l’ancien locataire de la place Beauvau.

Des champs d’action stratégiques

Outre les questions de sécurité publique, le ministère de l’Intérieur est aussi en charge de la politique migratoire, des cultes et de l’organisation des élections. Des sujets potentiellement explosifs qui justifient que l’Elysée privilégie souvent le « poids politique » lors de la nomination du ministre de l’Intérieur, insiste Mathieu Zagrodzki.

D’autant que ces questions sont d’actualité : Emmanuel Macron veut faire adopter au Parlement une réforme des institutions qui introduirait une dose de proportionnelle, et Edouard Philippe a annoncé que la réflexion de l’exécutif sur la « structuration de l’Islam de France » aboutirait d’ici au début de l’année 2019. Deux épineux dossiers que le ou la remplaçant(e) de Gérard Collomb aura à gérer au cours des prochains mois.