Emmanuel Maurel et l'aile gauche du PS vont-ils rejoindre Jean-Luc Mélenchon?
POLITIQUE•Emmanuel Maurel, figure de l'aile gauche du PS, se rapproche de La France insoumise...Thibaut Le Gal
L'essentiel
- Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann pourraient quitter le PS en cas de désaccord sur les Européennes.
- Jean-Luc Mélenchon a été invité à prendre la parole ce dimanche à l’université de rentrée du club fondé par le chef de l’aile gauche du PS.
Emmanuel Maurel ne s’en est jamais caché, il est resté proche de Jean-Luc Mélenchon malgré son départ du Parti socialiste il y a dix ans. Pas étonnant de voir le leader de l'aile gauche du PS inviter son ami à prendre la parole lors de l’université de rentrée de son club, Nos causes communes, ce dimanche à Marseille.
Mais le contexte fait de cette invitation un événement politique. De plus en plus critique avec la ligne d’Olivier Faure, Emmanuel Maurel songerait à claquer la porte du parti, avec sa camarade Marie-Noëlle Lienemann. « Les thèses d’un nouveau front populaire des insoumis nous paraissent très intéressantes. Même si l’on n’est pas d’accord sur tout à 100 % », résume la sénatrice de Paris.
« On ne se cache pas d’avoir des échanges intéressants avec Maurel »
Du côté de la France insoumise, qui avait invité deux semaines plus tôt Emmanuel Maurel et d’autres socialistes à son université d’été, on se satisfait de ce rapprochement. « La politique autoritaire du président a amené le PS à clarifier son positionnement vis-à-vis de Macron. Cela s’est traduit par le vote d’une motion de censure à l’Assemblée, rappelle Manuel Bompard, directeur des campagnes de LFI. Il n’est pas question d’accord électoral avec le PS, mais les Européennes seront un moment de clarification ».
Pour ce scrutin, La France insoumise a d’ailleurs pris soin de réserver 13 places pour d’éventuels alliés. L’une d’elle pourrait échoir à Emmanuel Maurel, eurodéputé sortant. « On ne se cache pas d’avoir des échanges intéressants avec lui sur le fond. Mais la question n’est pas individuelle, puisque le tiers du PS exprime des convergences avec nous, poursuit Bompard. Si des actes de rupture sont posés et que des gens sont d’accord sur notre ligne européenne, il serait absurde de leur dire non ».
« Une opération séduction »
Ce rapprochement fait grincer des dents à Solférino. « Emmanuel Maurel veut travailler avec toute la gauche, encore faut-il savoir si Mélenchon est encore de gauche puisqu’il s’en défendait lors de la dernière campagne présidentielle », tacle Rachid Temal. Pour le vice-président du groupe PS au Sénat, cet adoucissement de l’ancien candidat serait très politique. « Mélenchon a refusé toute alliance avec nous depuis 2017. Ce que je constate c’est qu’il y a chez lui une variation saisonnière avant chaque scrutin ».
« Ce n’est qu’une opération séduction. Mais le décryptage est simple : soit Maurel a déjà passé un accord politique avec Mélenchon et l’annonce ce week-end. Soit il attend le prochain bureau national du parti [le 18 septembre prochain] pour aller au clash sur un texte d’orientation européenne, s’inquiète Luc Carvounas, député Nouvelle Gauche. Je ne le souhaite pas, mais ce que me disent mes amis des Bouches-du-Rhône, c’est que le départ de Maurel et Lienemann est déjà acté. Le boulot d’Olivier Faure est d’empêcher cette scission ».
« Si le PS continue comme ça, on ne sera pas complices »
Mais les signes envoyés récemment par la direction socialiste n’ont visiblement pas rassuré l’aile gauche du parti. « L’été a été extrêmement inquiétant, entre Cambadélis qui dit que le PS est un parti de centre-gauche, la possible candidature de Moscovici comme tête de liste, notre rapport à Hollande… En revanche, quand Mélenchon dit qu’il faut organiser des digues communes contre Macron sur les privatisations, le CETA, les reculs sociaux, c’est silence radio », s’agace Lienemann. « Si le PS continue comme ça, on ne sera pas complices. On créera une nouvelle structure pour porter les traditions socialistes dans une dynamique de front populaire ».
« Tout nouveau départ affaiblirait le PS, regrette Laurent Baumel, ancien frondeur. Le rapprochement avec Mélenchon ne doit pas se faire par ralliement, mais dans un processus d’alliance globale avec le PS, Hamon, les écologistes ». L’ancien député prévient : « Mélenchon semble osciller entre deux stratégies, qui sont probablement le reflet d’un débat interne au mouvement : offrir une alternative à Macron dans l’unité à gauche et avoir une attitude radicale pour s’assurer l’hégémonie à gauche ».
« Si ça se fait, je n’y verrai pas un symbole, mais une clarification et une réunification », assure Thomas Guénolé, co-responsable de l’école de formation insoumise. Le politologue ironise : « Après tout, plusieurs personnalités de La France insoumise sont des anciens du PS… »