POLITIQUELa religion de Macron? «Pas de Dieu, c’est un principe philosophique fort»

Emmanuel Macron chez le pape: Quel rapport le président entretient-il avec la religion?

POLITIQUELe chef de l'Etat rencontrera le pape François mardi prochain...
Thibaut Le Gal

Thibaut Le Gal

L'essentiel

  • Le chef de l'Etat rencontrera le pape François mardi prochain au Vatican.
  • Emmanuel Macron est discret sur son rapport à dieu.
  • Le président utilise néanmoins de nombreuses références dans ses discours.

On se souvient tous de cette image de fin de meeting en décembre 2016 : Emmanuel Macron en transe hurlant à pleins poumons « Vive la France » avant de lever les yeux au ciel, les bras en croix. « La dimension christique, je ne la renie pas ; je ne la revendique pas […] La politique, c’est mystique », dira-t-il.

Mardi, le chef de l’Etat aura l'occasion d'évoquer cette mystique avec le pape François au Vatican lors d’une visite officielle. L’occasion de revenir sur son rapport à la religion et sa vision mystique de la politique.

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« Emmanuel Macron a le sens du sacré »

Né dans une famille de médecins athées, le jeune Macron fait ses classes chez les pères jésuites du collège de la Providence, comme tout enfant de la bourgeoisie amiénoise. Il se plaît à raconter la découverte de Dieu à l’âge de 12 ans, contre l’avis de son père. « Je suis allé tout seul à l’église. Ce fut le début d’une période mystique qui a duré plusieurs années », confie-t-ilà l'Obs.

Son rapport à la foi évolue ensuite. « Je suis revenu depuis quelque temps à un certain agnosticisme. Mais pour autant je reste réceptif à la présence de la transcendance dans nos vies », confie-t-il dans un livre d’entretiens menés par Samuel Pruvot [2017 Les candidats à confesse]. L’auteur se souvient :

« Il était dans la catégorie des candidats prudents vis-à-vis de la religion. Mais Emmanuel Macron a le sens du sacré. Contrairement à François Hollande par exemple [qui se dit athée], il n’a pas de contentieux avec elle, il est même très à l’aise », avance le rédacteur en chef de l’hebdo Famille chrétienne.

« « Aujourd’hui, je dirais qu’il a une "religion philosophique". Quand on l’interroge, il parle de transcendance, de surplomb qui existe dans sa vie. Mais pas de Dieu ni de Jésus, c’est plutôt, pour lui, un principe philosophique fort ». »

Lors d’une interview à la Vie fin 2016, Emmanuel Macron s’interrogeait : « Aujourd’hui, j’ai une réflexion permanente sur la nature de ma propre foi. Mon rapport à la spiritualité continue de nourrir ma pensée mais je n’en fais pas un élément de revendication ». Cette réflexion nourrit aussi sa manière de faire de la politique.

« On peut reconnaître la spiritualité sans lui donner une vocation religieuse »

Au cours de son ascension au pouvoir, Emmanuel Macron multiplie les références catholiques. En mai 2016, il se compare à Jeanne d'Arc, et son « rêve fou » qui s’impose « comme une évidence ». Lors de son discours de victoire au Louvre, ou lors de l’hommage au père Hamel, le président vante « l’espérance », « l’amour », le « don de soi », ou « le sacré ». L’ancien assistant du philosophe protestant Paul Ricoeur aime truffer sa langue de vocabulaire religieux ou d’auteurs catholiques, Péguy ou Bernanos en tête.

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« On peut être dans la reconnaissance de la spiritualité en politique sans lui donner une vocation religieuse. C’est le sens du discours sur l’esprit français lors de l’hommage à Arnaud Beltrame. La transcendance en politique est d’abord une affaire de transmission », affirme Bruno Roger-Petit, porte-parole de la présidence de la République.

« Le président considère que dans l’histoire de notre pays, les religions ont joué un rôle qui a laissé des traces. Les religions participent du patrimoine français intellectuellement, culturellement, historiquement et politiquement. C’est à ce titre qu’il dit aux religions, "vous avez à participer au débat public au nom de la laïcité". Car si la République est laïque, la société ne l’est pas ».

« Emmanuel Macron prend la religion comme un fait spirituel et social »

Depuis son accession à l’Elysée, Emmanuel Macron prend d’ailleurs soin de cajoler les représentants des cultes. Le 9 avril, invité par la Conférence des évêques de France (CEF) au collège des Bernardins, il dit vouloir «réparer» le «lien» entre l'Église et l'Etat, et appelle les catholiques à participer davantage à la vie de la Cité. La gauche l'a alors accusé de dévoiement à la laïcité.

Emmanuel Macron à la Conférence des évêques, le 9 avril 2018.
Emmanuel Macron à la Conférence des évêques, le 9 avril 2018. - ludovic MARIN / POOL / AFP

Jean-Pierre Mignard, avocat proche de François Hollande et catholique engagé, lui, s’en félicite : « Jamais François Hollande n’a pris la parole pour caractériser l’histoire du catholicisme en France. Jamais, il ne s’est posé la question d’une transcendance ou de dieu dans un discours public. Emmanuel Macron prend la religion comme un fait spirituel et social. Il inscrit le catholicisme dans l’histoire de France. Cette attitude me semble pleine de bon sens », estime le président du comité d’éthique d’En Marche, qui sera de la délégation officielle au Vatican.

L’abbé Pierre-Hervé Grosjean, figure de la Manif pour tous très active sur les réseaux sociaux, abonde : « A la différence de son prédécesseur, on sent chez Emmanuel Macron une prise en compte du besoin de transcendance. Dans son discours aux Bernardins, il assume un vocabulaire chrétien et montre qu’il comprend les aspirations des chrétiens. Il y a une volonté de s’approprier cette tradition qui a fait la France comme le montre son acceptation du titre de chanoine d’honneur ». Mardi à Rome, le chef de l’Etat recevra cette distinction honorifique que François Hollande, François Mitterrand ou Georges Pompidou avaient refusée.

« Emmanuel Macron s’inscrit plus dans l’héritage d’une quête mystique d’un Mitterrand »

Comment le chef de l’Etat se place-t-il par rapport à ses prédécesseurs ? « Chez Emmanuel Macron, il y a cette reconnaissance de la spiritualité sans engagement religieux. Il diffère ainsi d’autres présidents, notamment à droite, qui manifestaient de manière ostensible leur foi catholique. Depuis de Gaulle qui avait fait installer une petite chapelle à l’Elysée, à Pompidou, Giscard d’Estaing ou Sarkozy », répond l’historien Jean Garrigues. « Emmanuel Macron s’inscrit plus dans l’héritage d’une quête mystique d’un François Mitterrand et ses "forces de l’esprit". Ce n’est d’ailleurs pas la seule référence à la présidence mitterrandienne ».

Ce rapport à la religion, qu’il soit sincère ou purement politique, avait permis à Emmanuel Macron d’obtenir 62 % des voix catholiques (et 71 % des pratiquants réguliers) selon un sondage Ifop pour La Croix et Pèlerin. Auprès de ces derniers, la future loi sur la bioéthique (PMA, fin de vie) et la crise des migrants pourraient s’apparenter à un chemin de croix.