REPORTAGEMalgré le stand-up, le discours de Macron déçoit les banlieues

Banlieues: Malgré le stand-up et la tchatche, le discours de Macron déçoit les habitants

REPORTAGEEmmanuel Macron avait convié ce mardi des habitants des banlieues à l'Elysée pour partager sa vision des quartiers prioritaires sous le slogan «La France, une chance pour chacun»...
Emmanuel Macron à l'Elysée le 22 mai 2018.
Emmanuel Macron à l'Elysée le 22 mai 2018. - ELIOT BLONDET-POOL/SIPA
Laure Cometti

Laure Cometti

L'essentiel

  • Emmanuel Macron n'a pas présenté de grand plan banlieues ce mardi, préférant prôner une «méthode nouvelle».
  • Mais son discours a peiné à convaincre une partie du public, dubitatif face aux très rares annonces concrètes du chef de l'Etat.

L’Elysée avait mis les formes, mais la très attendue allocution d’Emmanuel Macron sur les banlieues a laissé sur leur faim une partie des habitants, associations, chefs d’entreprise et élus locaux invités ce mardi. S’il a annoncé quelques mesures concrètes, il a surtout détaillé des dispositifs déjà effectifs et donné rendez-vous en juillet pour préciser les objectifs pour les quartiers prioritaires.

L’humoriste Yassine Belattar faisait office de maître de cérémonie devant les quelques centaines d’invités et une bonne moitié du gouvernement. « Monsieur le président, vu les faciès dans cette salle, le buffet ne sera pas entamé pour cause de ramadan avancé ». Façon stand-up, il a accueilli le public avec quelques vannes et des louanges pour Emmanuel Macron avant de laisser place à une séquence de « speed-dating républicain ». En réalité, une succession de témoignages convenus de femmes, une institutrice, des responsables d’associations, une jeune commissaire de police, des représentants des élus ou du monde de l’entreprise et du sport… Puis le président de la République a pris la parole.

L'humoriste Yassine Belattar a fait office de maître de cérémonie à l'Elysée le 22 mai 2018 pour parler banlieues.
L'humoriste Yassine Belattar a fait office de maître de cérémonie à l'Elysée le 22 mai 2018 pour parler banlieues. - Ludovic Marin/AP/SIPA

Pas de « plan banlieues », n’en déplaise à Borloo

« Je ne vais pas annoncer un plan ville, un plan banlieues », stratégie « aussi âgée que moi », a attaqué Emmanuel Macron, déclenchant quelques sourires dans la salle (probablement pas sur le visage de Jean-Louis Borloo). Puis il a tenu un discours-fleuve, au fil duquel il a alterné les annonces et les principes politiques. Le chef de l’Etat a décliné ses trois engagements :

  • « des droits réels pour les habitants des quartiers »
  • « que chacun puisse choisir sa vie »
  • « il faut refaire République »

Appelant à « changer de méthode » pour sortir de l'« assignation à résidence » dans les quartiers défavorisés, il a d’abord vanté la police de sécurité du quotidien, expérimentée depuis le début de l’année, ou le dédoublement des classes de CP dans les quartiers prioritaires depuis la rentrée 2017.

Applaudissements pour les stages de troisième

Loin de reprendre certains des 19 programmes du rapport Borloo, qu’il lui avait commandé en novembre dernier, il a toutefois présenté des mesures, peu chiffrées, comme un plan de lutte contre le trafic de drogue, une opération de reconfiguration urbaine baptisée « cœur de quartiers » et un échange entre les préfets et les maires sur la présence dans leurs communes d’individus « à risque » fichés pour radicalisation islamiste. Des annonces floues qui seront précisées en juillet, lors d’un rendez-vous d’étape. Et un peu de teasing de la part du chef de l’Etat, qui a évoqué des réflexions sur le permis de conduire et le numérique.

Seules annonces concrètes, 30.000 places en stages seront réservées dès l’automne 2018 à des élèves de troisième des quartiers prioritaires (15.000 seront allouées par des entreprises, 15.000 par les services de l’Etat) - une mesure reçue avec enthousiasme par la salle - et les 120 entreprises françaises du SBF 120 seront soumises à un « testing » pour vérifier qu’elles ne sont pas de discriminations à l’embauche, sous peine de « name and shame » (d’être blâmées sur la place publique).

« Il a voulu nous endormir »

A la sortie, les invités interrogés par 20 Minutes étaient très déçus. Boris, qui travaille chez Kourtrajmé et vit à Clichy-sous-bois, regrette que l’Etat ne mette pas plus l’accent sur la lutte contre l’échec scolaire, « dont découlent tous les autres problèmes ». Son frère Ndoundo souligne pour sa part que les moyens ne sont pas vraiment au rendez-vous. « C’était trop long son discours, il a voulu nous endormir », sourit-il.

« Tous ceux qui ont parlé aujourd’hui sont responsables d’avoir échoué, rien n’a changé depuis les émeutes de 2005. Ils continuent de voir les habitants de la banlieue comme des consommateurs, d’aides, de projets, de marchés, alors qu’il y a des expertises en banlieue », lâche Georges Gamthety, chef d’entreprise. Claire, assistante sociale à Rosny, fait elle aussi la moue, dubitative après cette longue matinée de discours. « Ça ne sert à rien », souffle-t-elle. « Il n’a pas du tout parlé de culture », déplore Georgette Kala Bole, chorégraphe.

De nombreux invités semblent avoir toutefois été convaincus par le président, à en juger par l’attroupement réclamant selfie ou autographe. « Ceux qui sont venus avec leur RIB pour les 50 milliards, je vous rassure, ce sera pas aujourd’hui », avait vanné en préambule Yassine Belattar. Ce n’était pas vraiment du second degré.