L'essentiel

  • Le vote sur le projet de loi asile et immigration a révélé une minorité au sein de la majorité présidentielle, qui a voté contre ou s’est abstenu sur ce texte porté par le gouvernement.
  • Certains de ces « frondeurs » sortent déçus ou éprouvés de ce débat. La cohésion du groupe majoritaire a-t-elle été mise à mal par ces débats ?

L’unité si chère à Richard Ferrand a un peu de plomb dans l’aile. Le président du groupe parlementaire de La République en marche a eu beau s’efforcer d’appeler les 312 députés macronistes à « faire bloc » dès janvier dernier, le projet de loi sur l’asile et l’immigration a eu raison de la cohésion quasi sans failles affichée depuis près d’un an.

Les débats, parfois houleux, sur ce texte avaient révélé des divisions parmi les marcheurs, entre partisans de la « fermeté » (prônée par le gouvernement) et les défenseurs d’une politique migratoire « plus humaine ». Le vote de dimanche a définitivement acté ces divisions : pour la première fois, un député LREM a voté contre un projet de loi du gouvernement, et 14 se sont abstenus - un record - malgré les menaces de Richard Ferrand. Au MoDem, allié du parti présidentiel, on décompte un vote contre et huit abstentions sur un total de 47 députés. La majorité présidentielle ne sort pas indemne de ce débat législatif.

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Des abstentionnistes déçus

« On s’en sort renforcés mais affaiblis », estime dans une formule très « en même temps » la députée LREM de la Manche Sonia Krimi, qui s’est abstenue dimanche. « Un certain nombre d’entre nous a représenté une sensibilité d’En Marche !, de nos électeurs. On a énormément travaillé ce texte, depuis quatre mois, et on a fait bouger le gouvernement sur certains points », poursuit-elle.

Comme elle, d’autres députés macronistes estiment être débarrassés du quolibet de « godillots » à l’issue de ces longs débats parfois très techniques. « On va avoir du mal à me traiter de godillot, mais on aura aussi du mal à me traiter de frondeur, estime Matthieu Orphelin. On a fait des propositions, on a joué collectif en venant à toutes les réunions. Il faut que LREM assume cette diversité, c’est une de ses forces », poursuit le député du Maine-et-Loire qui sort néanmoins « éprouvé » par des semaines « d’échanges parfois très durs avec le gouvernement ».

« Dans un groupe de 300, c’est tout à fait légitime qu’on soit quelques-uns à oser parler différemment. Cet exercice nous a permis de faire grandir le groupe, de libérer la parole », estime Martine Wonner, qui s’est elle aussi abstenue. Pendant les débats, la députée du Bas-Rhin faisait partie des élus macronistes très critiques de ce texte, ce qui n’a pas été sans conséquences : « certains députés évitent maintenant de nous parler dans les couloirs de l’Assemblée, ou se sentent gênés de nous croiser », raconte-t-elle.

« Bonjour la bienveillance ! »

Ce débat « a touché notre unité », déplore Sonia Krimi. « Je suis dépassée par la malveillance que j’ai observée contre Jean-Michel Clément ». Le député LREM, ex-socialiste, avait prévenu qu’il voterait contre cette loi. Ayant reçu une convocation de Richard Ferrand pour le 9 mai, le député de la Vienne a pris les devants en annonçant dès dimanche soir qu'il quittait le groupe.

« C’est scandaleux ce qu’on lui a fait, sa place est à LREM », s’agace Sonia Krimi qui se dit « déçue » de l’attitude de certains députés de son groupe envers le démissionnaire, des « trentenaires qui expliquent la vie à un Monsieur qui a 30 ans de carrière… Bonjour la bienveillance ! ».

Les propos d’Aurore Bergé, porte-parole du groupe, rapportés dans le JDD, ont froissé les « frondeurs ». La porte-parole a beau avoir démenti avoir traité d'« émotionnellement fragiles » les macronistes opposés à cette loi, certains de ses collègues ne digèrent pas. « On est nombreux à ne pas se reconnaître dans ses propos et son attitude », souffle une députée qui rit de la pique tweetée par Jean-Michel Clément dimanche soir. Ambiance.

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Sonia Krimi estime que le nombre d’abstentions et de votes « contre » dans les rangs macronistes aurait pu être plus élevé si les députés n’avaient pas subi « des pressions indirectes ». Des pressions que Martine Wonner relativise : « Richard nous a recadrés, mais on n’a pas été brimés ».

LREM a limité la casse

Pour autant, la cohésion du groupe n’est pas remise en question. « On nous annonçait que la majorité se fracturerait sur ce texte, mais il n’y a qu’un vote contre et 14 abstentions », relativise Stanislas Guérini, député de Paris et porte-parole du groupe pour les débats sur la loi asile et immigration, qui ont été l’occasion d’un « apprentissage de la méthode de discussion » au sein du groupe LREM.

La quinzaine de députés macronistes entend maintenir sa vigilance sur ce projet de loi qui reviendra à l’Assemblée à l’automne après examen au Sénat. « On a montré l’exemple de ce qu’on peut soutenir contre un avis majoritaire », assure Martine Wonner. « Même si ça a chatouillé certains d’entre nous de voter contre, on sera plus utiles dans ce groupe, à continuer à s’exprimer, qu’à l’extérieur du groupe ». Ce débat a selon elle, créé des liens entre un petit groupe de députés LREM et MoDem qui entendent continuer à défendre leur voie « humaniste » sur des textes qui touchent « l’humain, la société ».