Avec le duo Bourdin-Plenel, Emmanuel Macron veut «une démonstration de force»
INTERVIEW•Le président de la République « a choisi les interlocuteurs les plus crédibles », selon le politologue Jérôme Sainte-Marie…Propos recueillis par Olivier Philippe-Viela
L'essentiel
- Emmanuel Macron va donner sa seconde interview de la semaine dimanche.
- L’Elysée a suggéré les journalistes Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel pour questionner le président.
- Ce deuxième entretien devrait fortement porter sur l’actualité internationale.
Double ration d'Emmanuel Macron pour les Français. Le président de la République va accorder dimanche sa deuxième interview télévisée de la semaine. Après avoir tenu face aux questions tranchantes de Jean-Pierre Pernaut jeudi à l’heure du déjeuner, le chef de l’Etat se lance un nouveau défi dimanche, cette fois face aux journalistes Jean-Jacques Bourdin (RMC-BFMTV) et Edwy Plenel (Mediapart).
Le politologue Jérôme Sainte-Marie, président de PollingVox, explique pour 20 Minutes ce qu’il faut attendre de cette interview de deux heures, en direct à 20h35 depuis le théâtre national de Chaillot, dans le XVIe arrondissement parisien.
Pourquoi cette omniprésence médiatique avec deux interviews en une semaine ?
Emmanuel Macron connaît un petit flottement dans l’opinion, il était il y a quelques jours à son point le plus bas, environ 40 % d’opinions favorables. Cela suffit pour gouverner et réformer, mais c’est aussi un élément d’alerte. Autre point : il y a un problème de relais dans la parole gouvernementale. Est-ce la volonté du président ou un défaut de beaucoup de ses ministres ? Je ne sais pas, mais concrètement, il n’y a pas grand monde pour porter un discours proprement politique sur les sujets brûlants.
Maintenant, on voit bien les cibles de ces interviews. Séduire au maximum les 16 millions de retraités, la base de stabilité future du macronisme, jeudi dernier ; continuer à exercer son pouvoir d’attraction sur la droite tout en l’étendant à la gauche, notamment en se faisant interviewer par Edwy Plenel, pour dimanche.
Quelles différences peut-on s’attendre entre les deux entretiens ?
Avec Jean-Pierre Pernaut, qui a son public, des personnes plutôt âgées et plutôt à droite, il fallait maintenir la cohérence de son action pour qu’elle reste attractive auprès de cet électorat de droite. C’était le but de cette interview bizarroïde dans une école en Normandie jeudi, faire comprendre que le pouvoir n’était pas ébranlé par les contestations actuelles et que le plan de réformes serait appliqué avec une résolution plus grande que les deux prédécesseurs d’Emmanuel Macron, Nicolas Sarkozy et François Hollande.
Dimanche, vu le profil d’Edwy Plenel et de Jean-Jacques Bourdin, il y aura beaucoup plus de questions autour des affaires étrangères, d’autant plus avec l’actualité syrienne. Edwy Plenel est particulièrement affuté sur les questions internationales et, du fait de sa culture politique, porteur d’une critique radicale sur les interventions occidentales au Moyen-Orient. Jean-Jacques Bourdin met aussi régulièrement l’accent sur ces thèmes.
C’est l’Elysée qui a suggéré à BFMTV d’associer Jean-Jacques Bourdin à Mediapart et Edwy Plenel pour cette interview. Ces deux journalistes ne devraient pas ménager Emmanuel Macron. Pourquoi cette prise de risques ?
C’est une démonstration de force. Il a choisi les interlocuteurs les plus crédibles. Il ne faut pas qu’il y ait une impression de trop grande facilité pour le président. Notons que l’interview pas vraiment exigeante par Laurent Delahousse en décembre n’avait provoqué aucun choc dans l’opinion.
Imaginons qu’il réussisse à être à l’aise et percutant face à ces deux ténors, Plenel et Bourdin… cela donnera un plus grand impact au message qu’il veut délivrer. Et puis, ce pouvoir étant invraisemblablement personnalisé, il est décisif pour Emmanuel Macron d’aller vers le risque. C’est au fond le modèle de François Mitterrand, qui n’avait pas hésité à se mettre en danger pour sauver son premier mandat.