SNCF, hôpitaux, facs, retraités... Face à la contestation, Emmanuel Macron choisit de revenir à la télé
COMMUNICATION•Le président, qui n'a accordé que deux interviews à la télévision française en un an, sera l'invité de TF1 jeudi puis de BFMTV, RMC et Mediapart dimanche, dans un contexte de contestation sociale...L'essentiel
- Après une cure médiatique, Emmanuel Macron va accorder deux interviews télévisées cette semaine.
- Il sera dans le populaire JT de TF1 jeudi, pour s'adresser à la France rurale et aux personnes âgées, avant de répondre aux questions de BFMTV et Mediapart.
- Alors que la contestation enfle et se propage à différents secteurs, le président n'a guère d'autre choix pour expliquer ses réformes.
Semaine test pour Emmanuel Macron. En plein mouvement de contestations notamment à la SNCF et dans les universités, et alors que sa popularité s’érode auprès de certaines catégories de la population, le président de la République rompt avec ses habitudes en choisissant de s’exprimer dans les médias. Il donnera une interview à TF1 jeudi avant de répondre aux questions de BFMTV, RMC et Mediapart dimanche.
Deux salles, deux ambiances : pour s’exprimer en cette semaine riche en actualité et en contestation sociale, Emmanuel Macron fera un grand écart. Il sera l’invité jeudi du journal de 13 heures de TF1, présenté par Jean-Pierre Pernaut. Dimanche soir, il sera cuisiné deux heures durant par l’intervieweur redouté de la chaîne de télé Jean-Jacques Bourdin et le président de Mediapart Edwy Plenel à Paris, dans un « lieu culturel » encore non dévoilé.
Toucher des publics différents
Dans leur ton, leurs objectifs et leur mise en scène, les deux interviews du président devraient être « totalement opposées », estime l’historien de la presse Alexis Lévrier. « Il y a une volonté de contrôler sa communication et de montrer qu’il est capable de s’exposer à tous les publics. »
Le JT de 13h de TF1 rafle en moyenne 40 % de part d’audience et réunit environ 5 millions de téléspectateurs. Il est régulièrement truffé de sujets sur la France des terroirs. Ce jeudi, il sera délocalisé dans une école d'un village de l'Orne, Berd’huis. Le chef de l’Etat tente de « renouer avec un public âgé, rural » chez qui sa popularité a baissé après la hausse de la CSG pour les retraités, estime le spécialiste des médias Alexis Lévrier. En délocalisant l’émission dans un village, Emmanuel Macron « joue sur le décalage avec son image d’un président plutôt urbain, citadin, peu présent dans la ruralité ».
Se frotter aux questions de journalistes plutôt critiques
Dimanche, il sera face à des intervieweurs « réputés pour mettre en difficulté les personnalités politiques, montrant ainsi qu’il est capable de répondre aux journalistes, après avoir donné l’impression de les fuir depuis son élection », note Alexis Lévrier.
En revanche, Jean-Pierre Pernaut n’est pas un intervieweur politique chevronné, comme il le reconnaît lui-même, et comme l’affirmait Bruno Roger-Petit, actuel porte-parole de la présidence. Voici ce qu’il écrivait le 27 octobre 2011 pour critiquer le choix de Nicolas Sarkozy de se faire interviewer par Jean-Pierre Pernaut sur TF1, allant jusqu’à parler de « parodie de journalisme » :
« “Jean-Pierre Pernaut, incarnation du journalisme de proximité, présentateur du JT de 13h de TF1, sera le médiateur entre le président et son cœur de cible électoral, celui qui a assuré la victoire en 2007 : un public âgé, provincial, conservateur et inactif.” »
Reprendre la parole alors que la contestation enfle
Reste que c’est un changement notable de stratégie de communication pour le chef de l’Etat, qui n’avait pour l’instant accordé que deux entretiens à des télés françaises (TF1 en octobre 2017 puis France 2 en décembre), après avoir renoncé à la traditionnelle interview télévisée du 14 juillet. « Il instaure une arythmie de la parole présidentielle, observe Alexis Lévrier. Elle est inattendue, c’est lui qui maîtrise les horloges et l’espace médiatique. »
Si le président s’exprime à deux reprises cette semaine, ce n’est pas tant pour célébrer la première année de son quinquennat mais plutôt pour reprendre la parole et expliquer ses réformes face à la multiplication des foyers de mécontentement. La grève à la SNCF a débuté le 3 avril dernier contre le nouveau « pacte ferroviaire » du gouvernement, plusieurs universités sont bloquées par des étudiants opposés à la réforme de l’accès à la fac, avec le soutien de certains enseignants, et la grogne monte aussi dans les hôpitaux, où Emmanuel Macron n'a pas été très bien reçu jeudi dernier.
Un risque de « saturation » ?
Par ailleurs, la popularité du président a baissé auprès des retraités et des Français les plus modestes. D'après un autre sondage, son parti La République en marche est désormais perçu comme un mouvement de droite par une majorité de Français. Pour redresser la barre, tout le gouvernement est mobilisé : les ministres multiplient les interviews et le chef du gouvernement a annulé son déplacement au Mali samedi. Alors que l’exécutif manque de « poids lourds », c’est désormais à Emmanuel Macron de prendre la parole.
« Au sortir de l’été, il avait réussi à enrayer sa baisse de popularité, ce qui est assez inédit, après avoir accordé des interviews à la presse », rappelle Alexis Lévrier. Mais « bien que tout le monde le pousse à parler, je ne suis pas sûr que ce qu’il dise soit audible », prévient Dominique Wolton, spécialiste en communication politique au CNRS, interrogé par l’AFP. Selon lui, le fait que le président multiplie les annonces de réformes depuis son élection, crée « un effet de saturation ».