TERRORISMEDéfendre l'expulsion des fichés S, une stratégie gagnante pour LR et le FN?

Attaques terroristes dans l'Aude: Défendre l'expulsion ou l'internement des fichés S, une stratégie gagnante pour LR et le FN?

TERRORISMETrois jours après l’attaque terroriste de Carcassonne et Trèbes (Aude), le Front national et Les Républicains mettent en avant leur volonté d’emprisonner ou d’expulser de France les personnes qui font l’objet d’une fiche S…
Laurent Wauquiez au QG parisien des Républicains, le 26 mars 2018.
Laurent Wauquiez au QG parisien des Républicains, le 26 mars 2018. - LEWIS JOLY / SIPA/SIPA
Laure Cometti

Laure Cometti

L'essentiel

  • La restriction des libertés des fichés S est défendue par la droite et l’extrême droite après chaque attaque terroriste commise par une personne fichée.
  • Selon plusieurs sondages, la mesure séduit largement la population française.
  • Elle est toutefois critiquée, même à droite, et jugée très difficile à appliquer.

L’union sacrée n’aura pas duré longtemps. Après avoir unanimement rendu hommage aux victimes de l’attaque de Carcassonne et Trèbes (Aude) vendredi, une partie de l’opposition, mais aussi des élus proches de la majorité, taclent sévèrement l’exécutif ce lundi.

Au cœur des propositions de ces défenseurs d’une répression plus dure pour les radicalisés, l’internement ou l’expulsion des personnes fichées S (pour sûreté d’Etat), comme l’assaillant de l’Aude, Radouane Lakdim.

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LR, le FN, Debout la France et… Manuel Valls y sont favorables

Dans une allocution de sept minutes au QG des Républicains, ce lundi, Laurent Wauquiez a « demandé solennellement à Emmanuel Macron de sortir de sa coupable naïveté et d’avoir enfin le courage de prendre les mesures qui s’imposent pour protéger les Français ». Pour le patron de la droite, ces mesures consistent à rétablir l’état d’urgence ( qui n’a pas été reconduit en novembre 2017), expulser les fichés S étrangers et placer en rétention administrative ceux qui sont français.

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Mêmes propositions de Nicolas Dupont-Aignan, qui veut « rétablir l’état d’urgence » pour « expulser les étrangers fichés S » et « trouver un système pour les fichés S [français] à géométrie variable, bracelet électronique ou internement administratif ».

Quant à Marine Le Pen, elle réclame que « les fichés S étrangers soient immédiatement expulsés » de l’Hexagone, que les binationaux « soient déchus de la nationalité française et expulsés », et que les Français « fassent l’objet des foudres de l’article 411-4 du Code pénal sur l’intelligence avec l’ennemi ».

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Mais cette proposition n’est pas uniquement l’apanage de la droite et de l’extrême droite : Manuel Valls, l’ancien Premier ministre socialiste désormais député apparenté La République en marche, a lui aussi suggéré de regarder « de près les questions liées à la rétention administrative » pour les fichés S « dont on considère qu’ils représentent un danger ».

Une proposition qui séduirait une majorité des Français

A droite et à l’extrême droite, la rétention ou l’expulsion des fichés S est systématiquement évoquée après un attentat impliquant des individus connus des services de renseignement pour leur radicalisation. Nicolas Sarkozy et Bruno Le Maire avaient inscrit l'expulsion des fichés S étrangers dans leur programme lors de la primaire de la droite, en 2016.

Cette stratégie peut sembler judicieuse. « Systématiquement, lorsque l’on sonde les Français après des attentats, on a une très forte majorité favorable à l’internement des fichés S », explique Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’institut de sondages Ifop. Après l’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime) en juillet 2016, près des trois quarts des sondés (74%) se déclaraient favorables à l’emprisonnement des personnes fichées S*, un taux plus élevé (de six points) qu’avant l’attaque terroriste. En juin, après l’attaque terroriste de Magnanville (Yvelines), ce taux était monté à 77% dans une enquête Ifop**.

« Dans ce contexte, alors qu’Emmanuel Macron est confronté à son premier attentat meurtrier depuis son élection, la stratégie de la droite consiste à insister sur le fait que le terroriste était fiché S, ce qui peut donner le sentiment à certains Français que les pouvoirs publics ont été défaillants », poursuit Frédéric Dabi.

Un argument porteur ?

Ces arguments peuvent-ils permettre au FN et à LR de conquérir de nouvelles voix ? Il est difficile de l’évaluer, étant donné que les prochaines élections n’auront pas lieu avant un an. « La question terroriste est un critère important à la présidentielle, mais elle compte moins pour les électeurs que les préoccupations economiques comme le chômage ou le pouvoir d’achat », rappelle Frédéric Dabi. Reste qu’une politique sécuritaire répressive est « très clairement un marqueur de la droite », sur lequel « les électorats de Marine Le Pen et Laurent Wauquiez convergent, voire fusionnent ». « Ce sont des sujets susceptibles de remobiliser l’électorat de droite ».

Face à cette offensive, la majorité a contre-attaqué dès ce lundi. Le président de l’Assemblée François de Rugy a accusé ceux qui prônent l’enfermement des personnes fichées S les plus dangereuses de faire de la « surenchère ». Le député LREM et ancien patron du Raid Jean-Michel Fauvergue a estimé que de telles propositions révélaient une « incompréhension » de ce que sont les fiches S, « des documents de travail pour la police et les services de renseignement ». « Certaines personnes [fichées S] ne seront pas du tout inquiétées car elles auront été mises dans ces fichiers pour observation », a-t-il nuancé.

Une mesure qui divise, même à droite

Même à droite, certains élus défient l’autorité de Laurent Wauquiez en critiquant l’éventuel enfermement des fichés S. « Je ne pense pas que ça ait beaucoup de sens dans la mesure où, c’est l’ancien policier qui parle, c’est très difficile à mettre en œuvre. C’est très difficile techniquement (et) très difficile juridiquement », a déclaré Frédéric Péchenard, vice-président LR de la région Ile-de-France chargé de la sécurité et ex-directeur général de la police nationale, interrogé par Europe 1.

Cette mesure défendue par la droite comporterait-elle finalement des risques ? Pour Stéphane Rozès, politologue et président de Cap, LR et le FN réagissent trop tôt. En s’exprimant avant l’hommage national aux victimes de l’attaque de Trèbes et Carcassonne, ces partis donnent selon lui l’impression de ne pas vouloir s’inscrire dans « l’émotion nationale, or cela semble être en contradiction avec les principes qu’ils énoncent ». « Ils font preuve de surenchère, d’un opportunisme qui peut donner un sentiment de récupération politique ».

Face à ces attaques de la droite et dans ce contexte post-attentat, Emmanuel Macron devra bientôt préciser sa conception de la lutte contre le terrorisme, de la République, et de la laïcité, estiment Stéphane Rozès et Frédéric Dabi.

* Enquête réalisée auprès d’un échantillon de 1.012 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus (méthode des quotas), par questionnaire auto-administré en ligne (CAWI - Computer Assisted Web Interviewing) du 27 au 29 juillet 2016.

** Enquête menée auprès d’un échantillon de 1.003 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus (méthode des quotas), via un questionnaire auto-administré en ligne (CAWI - Computer Assisted Web Interviewing) du 15 au 17 juin 2016.