Consentement sexuel, outrage sexiste… Que contient le projet de loi de Marlène Schiappa?
GOUVERNEMENT•La secrétaire d'Etat à l'Egalité entre les femmes et les hommes présente le texte en Conseil des ministres ce mercredi...L.C.
L'essentiel
- Le gouvernement veut fixer à 15 ans l’âge en dessous duquel un mineur ne peut être considéré comme consentant à une relation sexuelle avec un majeur.
- Il instaure aussi un délit d'« outrage sexiste », passible d’une amende de 90 à 3.000 euros.
- Il souhaite renforcer les sanctions contre le cyber-harcèlement.
Un texte très attendu. Marlène Schiappa va présenter ce mercredi en Conseil des ministres le projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles, qui a trouvé un écho important dans un contexte de multiplication de témoignages de femmes victimes de violences depuis l’automne dernier et l’ affaire Weinstein.
Le texte vise à verbaliser le harcèlement de rue et mieux sanctionner le cyber-harcèlement, mais aussi à allonger le délai de prescription des viols sur mineurs et à fixer à 15 ans l’âge de consentement sexuel.
15 ans, l’âge « seuil » pour le consentement
Le texte prévoit de fixer à 15 ans l’âge en dessous duquel un mineur ne pourra être considéré comme consentant à une relation sexuelle avec un majeur, ce qui permettra des poursuites pour agression sexuelle, ou viol s’il y a eu pénétration. Par ailleurs, selon Libération, l'auteur d'une atteinte sexuelle (qui sanctionne actuellement tout rapport entre un majeur et un mineur sans qu’il ne soit besoin de démontrer la contrainte, la surprise, la violence ou la menace) sera désormais passible de dix ans d’emprisonnement au lieu de cinq.
Le gouvernement dégaine cette mesure alors que dans deux affaires très médiatisées, des filles de 11 ans ont été considérées par la justice comme consentantes lors de rapports sexuels avec un majeur. Dans l’affaire de Pontoise, le parquet a finalement ouvert une enquête pour viol en février dernier.
L'exécutif souhaite rendre cette mesure applicable dès que la loi sera adoptée et publiée, y compris sur des faits antérieurs. Elle fait néanmoins débat : les principaux syndicats de magistrats ont mis en garde contre « des condamnations automatiques » qui découleraient d’une « présomption de culpabilité ».
Punir le cyber-harcèlement
Marlène Schiappa souhaite renforcer la lutte contre le harcèlement en ligne, délit puni par la loi depuis 2014 (de deux ans de prison et 30.000 euros d'amende), en élargissant sa définition. L’objectif est de pouvoir réprimer les « raids », lorsqu’une personne est la cible de contenus haineux provenant de plusieurs internautes, « de façon concertée». Le gouvernement veut pouvoir sanctionner un cyber-harceleur même s’il n’a pas harcelé de façon répétée la victime, mais avec un seul tweet ou un seul message.
Quant à l’application de cette mesure, le cabinet répond que « la disposition laisse au juge la possibilité de distinguer l’instigateur et les comparses, et de différencier et proportionner les peines à la gravité des actes commis, à la personnalité des auteurs et à leurs ressources ».
Création d'une infraction d'« outrage sexiste » passible d’une amende de 90 à 3.000 euros
Cette mesure a déjà fait couler beaucoup d’encre. Annonce-phare de Marlène Schiappa dès l’automne 2017, la lutte contre le harcèlement prendra la forme d’une amende pour « outrage sexiste », qui pourra être infligée en flagrant délit. Cet outrage est défini comme l'acte «d’imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante hostile ou offensante».
Conformément aux propositions d’un rapport parlementaire sur le harcèlement de rue, le gouvernement a opté pour une contravention de catégorie 4, d’un montant de 90 euros si réglée immédiatement, pouvant grimper jusqu’à 750 euros, voire 1.500 euros en cas de circonstances aggravantes et 3.000 euros en cas de récidive. Des « stages de sensibilisation à l’ égalité hommes-femmes » pourront être imposés aux récidivistes.
Interrogée sur les difficultés d’appliquer une telle loi, Marlène Schiappa assure que les forces de police seront « déployées en nombre conséquent, notamment avec la création de la police de sécurité du quotidien » et défend la valeur « pédagogique » de cette mesure qui aura selon elle « valeur d’exemple ».
Allongement du délai de prescription pour les crimes sexuels commis sur mineurs
Le gouvernement veut porter à 30 ans le délai de prescription pour les crimes sexuels commis sur mineurs, à compter de leurs 18 ans, contre 20 actuellement. « Ce temps supplémentaire prend en compte le mécanisme de l’amnésie traumatique, fréquente à la suite de faits aussi graves », argumente le cabinet de la secrétaire d’Etat.
Cet allongement avait été recommandé en 2017 par une mission coprésidée par un magistrat et par l’animatrice Flavie Flament, qui avait révélé avoir été violée dans son adolescence.