REFORMERéformer la fonction publique, une stratégie périlleuse pour Macron?

Macron et le gouvernement s'attaquent à la fonction publique, la réforme de trop?

REFORMESyndicats et gauche se sont élevés ce vendredi contre les annonces du gouvernement qui souhaite réforme en profondeur la fonction publique...
Oihana Gabriel

Oihana Gabriel

L'essentiel

  • Jeudi, le Premier ministre a annoncé des pistes pour réformer la fonction publique.
  • Des propositions qui s'inscrivent dans un contexte de colère de certains fonctionnaires: surveillants de prison, hospitaliers, professionnels des Ehpad.
  • Le gouvernement risque-t-il de payer cher cette volonté de s'attaquer à la fonction publique?

«Ce n’est pas la fin de la fonction publique », a promis Emmanuel Macron, depuis Tunis, souhaitant désamorcer les critiques qui visent les propositions de réforme de la fonction publique annoncées jeudi.

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Car ces pistes ont soulevé la colère des syndicats et de la gauche. Et certains chiffres pourraient inquiéter le pouvoir. Près de neuf Français sur dix (87 %) soutiennent les mouvements de contestation dans les prisons, hôpitaux ou Ehpad, selon un sondage Odoxa pour franceinfo et Le Figaro. Parallèlement, la côte de popularité du président perd quatre points en février selon un sondage Elabe diffusé jeudi. S’attaquer à la fonction publique, une mauvaise stratégie ?

Des pistes qui s’inscrivent dans la continuité

Les pistes évoquées par le gouvernement font l’effet d’une bombe : plan de départs volontaires, augmentation des contractuels, rémunération au mérite… Qui n’ont pourtant rien d’une surprise. « Déjà en campagne Emmanuel Macron avait bien précisé qu’il fallait faire évoluer la fonction publique, rappelle Pascal Perrineau, politologue et professeur à Sciences Po.

Gérald Darmanin et Edouard Philippe, le 1er février 2018
Gérald Darmanin et Edouard Philippe, le 1er février 2018  - JACQUES DEMARTHON / AFP

Pour Luc Rouban, directeur de recherches au CNRS et à Sciences Po, cette réforme, ou en tout cas les contours pour le moment dessinés, s’inscrit plutôt dans la continuité. « En réalité, ce sont des mesures assez classiques déjà évoquées du temps de Nicolas Sarkozy, rectifie le spécialiste de la fonction publique. L’utilisation des contractuels est déjà fréquente. Quant à la rémunération au mérite, on n’a pas tout le détail encore, mais la modulation des primes existe déjà. » Quant au plan de départs volontaires, depuis 2008, les fonctionnaires d’État peuvent bénéficier d’une indemnité de départ volontaire s’ils souhaitent démissionner. Une disposition étendue aux fonctionnaires territoriaux en 2009.

Les écueils à éviter

Mais le timing de ces annonces n’est pas optimal. Après un mois de janvier marqué par le mouvement des surveillants de prison, mardi dernier les professionnels des Ehpad se sont mis en grève. « Il y a une grogne de certains secteurs professionnels de la fonction publique qu’il ne faut pas laisser pourrir, alerte Pascal Perrineau. Et éviter de donner l’impression que ces réformes viennent d’en haut. La concertation est fondamentale, or Macron est écartelé entre une culture technocratique et une volonté de dialogue. »

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Ce qu’on a bien vu jeudi : le gouvernement veut consulter pendant un an syndicats et employeurs territoriaux et hospitaliers… mais a déjà annoncé des pistes ambitieuses. « Et si vous ne les empruntez pas, vous êtes le vieux monde », ironise le politologue.

« Cette réforme peut mettre de l’huile sur le feu »

Autre problème, ces pistes ne règlent pas certains problèmes de fond. « Les études sociologiques montrent que les fonctionnaires ne sont pas motivés par ce genre de prime, assure Luc Rouban. Mais davantage par des perspectives d’utilité sociale, de clarté des objectifs, d’esprit d’équipe et de progression de carrière. Le problème, c’est que les conflits sociaux actuels sont liés à deux phénomènes : un manque de moyen et une mauvaise gestion, trop financière, trop abstraite qui ne connaît pas la réalité du terrain. Pour l’instant, cette réforme ne s’attaque pas au problème de l’organisation et au contraire prône une réduction des effectifs, ce qui peut mettre de l’huile sur le feu. »

Colère des syndicats

Ce plan a fait bondir les syndicats, qui dénoncent depuis ce vendredi matin une « attaque » (CGT, Unsa), voire un « dynamitage de la fonction publique » (Solidaires). D’autant que ces annonces interviennent dans un climat déjà tendu entre le gouvernement et les syndicats, qui doivent se réunir mardi prochain pour décider d’une nouvelle journée de mobilisation. Et après des décisions mal vécues par les fonctionnaires et leurs représentants, notamment le gel du point d’indice et le rétablissement du jour de carence.

« On peut comprendre la réaction forte des syndicats, analyse Luc Rouban. Le gouvernement affiche une volonté de se débarrasser d’une forme de cogestion avec les syndicats. Ils sont déjà faibles dans le privé, alors s’ils perdent le contrôle dans la fonction publique, pour eux c’est un mauvais coup. » « Mais l’opinion publique ne prête qu’une faible légitimité aux syndicats », nuance Pascal Perrineau.

La gauche vent debout

Ce vendredi, c’est toute la gauche s’est élevée contre cette réforme de la fonction publique, qui constitue la base de son électorat. « Ces annonces donnent l’impression que la période transgression continue, analyse Pascal Perrineau. Macron risque peut-être de perdre une partie de ses soutiens venant de la gauche qui vont considérer qu’on cède trop à des thématiques de droite depuis quelques mois. »

Macron profite de la faiblesse des oppositions

Opposition syndicale et de la gauche, baisse de la cote de popularité doivent-ils inquiéter le gouvernement ? « Il y a un phénomène de tassement, mais il reste à un niveau de confiance confortable, contrecarre le politologue. C’est vrai qu’il y a une défiance, mais qui est capable de la cristalliser ? On s’est dit dans un premier temps le FN, étant donné ses scores aux élections présidentielles, or rien. Ensuite, que l’opposition serait incarnée par Mélenchon. Mais sa stratégie de politiser un mouvement social peu puissant a échoué. Les Républicains ne sont pas en grande forme avec le départ de Juppé mi janvier, aujourd’hui de Raffarin. L’opposition de gauche va encore plus mal : c’est Waterloo morne plaine ! » Macron semble profiter pour le moment de cette atonie des oppositions.

Mais pour combien de temps ? « Ces mouvements sociaux peuvent être prolongés par une grève d’opinion, prévient le politologue. Mais il faut que ces mouvements fassent attention car si ça prolonge et que ça devient un blocage, l’opinion peut vite se retourner. Les indicateurs économiques sont plus favorables, est-ce le moment de casser ce frêle mouvement positif ? »