Comment le gouvernement souhaite-t-il modifier le temps d'antenne pour les européennes?
POLITIQUE•Un projet de loi examiné à partir de ce mardi à l'Assemblée nationale prévoit d'octroyer plus de temps de parole à la majorité...T.L.G.
L'essentiel
- Le projet de loi relatif à l’élection des représentants au Parlement européen est examiné à partir de ce mardi 31 janvier par la commission des Lois de l’Assemblée nationale.
- Le texte prévoit notamment de revenir à des listes nationales mais il modifie aussi les règles destinées à répartir le temps d’antenne entre les différents partis dans l’audiovisuel public.
- Certaines voix s’élèvent déjà pour dénoncer une réforme qui avantage outrageusement les candidats LREM.
Pour les élections européennes de 2019, Emmanuel Macron a décidé de tout chambouler. Le projet de loi relatif à l’élection des représentants au Parlement européen, qui sera examiné ce mardi 31 janvier par la commission des Lois de l’Assemblée nationale, prévoit notamment de revenir à des listes nationales. Mais un article modifie également les règles destinées à répartir le temps d’antenne entre les différents partis dans l’audiovisuel public..
« Grossière manœuvre ! Tout ou presque pour les uns, rien pour les autres », a déjà dénoncé Jean-Luc Mélenchon sur son blog. Alors, la République en Marche s’apprête-t-elle à voter une loi permettant d’augmenter son temps de parole ? 20 Minutes fait le point.
De quoi parle-t-on ?
Les modifications prévues par la loi ne concernent pas le temps de parole à proprement parler mais « les modalités d’attribution des temps d’antenne de la campagne audiovisuelle officielle », c’est-à-dire les clips de campagne diffusés sur les chaînes publiques. Actuellement, les partis disposant d’un groupe parlementaire (Assemblée ou Sénat) se répartissent de manière égale une durée d’émission de deux heures. Tous les autres mouvements (comme le FN ou Debout la France) se partagent égalitairement une heure, avec cette règle : ne jamais dépasser plus de cinq minutes par parti.
Ainsi, pour les dernières européennes, en 2014, les six partis disposant d’un groupe ont eu droit à 20 minutes d’antenne chacun. Les autres partis obtenant 2 minutes et 52 secondes.
Que dit le nouveau projet de loi ?
Le nouveau texte prévoit plusieurs règles pour ces spots :
- Une durée d’émission de 2 minutes est mise à la disposition de tous les partis.
- Les partis ayant un groupe parlementaire se répartissent deux heures « au prorata du nombre de députés et de sénateurs » et non plus de manière égalitaire.
- Une durée d’une heure, de rééquilibrage, à répartir par le CSA entre les partis n’ayant pas de groupe ou un temps d’antenne trop faible pour « corriger les effets de la répartition mécanique » du point précédent.
La République en marche est-elle favorisée ?
Oui. Avec 313 députés obtenus en juin dernier (plus 42 MoDem), la République en marche disposerait d’un large temps d’antenne.
D’après les calculs de Marianne, la majorité passerait ainsi de 20 à 51 minutes de temps de parole, une augmentation de 155 %, grâce à leurs 382 parlementaires. A l’inverse, La France insoumise disposerait désormais de 2 petites minutes contre 20 auparavant.
D’autres journalistes, ou encore l’ancien porte-parole du ministère de la Justice Pierre Januel ont sorti la calculette sur Twitter pour montrer les écarts obtenus.
« C’est très favorable à ceux qui ont le plus grand nombre de parlementaires. A l’évidence donc, à la République en Marche, mais aussi aux Républicains », reconnaît Alain Tourret, le rapporteur LREM de la loi. « La France insoumise va avoir moins de temps d’antenne, mais je n’y peux rien. Ils n’ont qu’une quinzaine de députés à l’Assemblée et pas de groupe au Sénat. Il était difficile de ne pas tenir compte des dernières élections », avance le marcheur. « D’autant que l’heure de correctif permettra de rééquilibrer les choses, pour le Front national notamment ».
Comment sera utilisée l’heure de rééquilibrage du CSA ?
Les calculs cités plus haut ne prennent en effet pas en compte l’heure de « correction » à disposition du CSA. Cette répartition doit permettre d’éviter que les durées respectives d’émission attribuées aux listes « ne soient pas hors de proportion avec la participation à la vie démocratique de la Nation des partis », dit le projet de loi. Quels critères seront retenus ? Le texte évoque les résultats obtenus aux dernières européennes et « aux plus récentes élections », les sondages d’opinion et la contribution « à l’animation du débat électoral ».
Sollicité en amont du texte, le Conseil d’Etat a émis sa réserve, estimant nécessaire « de fixer à une heure trente la durée respective des deux dernières fractions de durée d’émission, afin de permettre au CSA de disposer du moyen d’assurer les corrections nécessaires ». Une remarque ignorée par le gouvernement. Le Conseil d’Etat rappelait malicieusement à l’exécutif que le spot publicitaire constituait aujourd’hui « un mode de propagande électorale qui [n’était] ni le plus moderne, ni le plus influent dans la campagne électorale ».