Corse: A quoi vont ressembler les négociations avec Paris? «Si le gouvernement ne change pas d'attitude, ça peut mal finir!»
POLITIQUE•« Le statu quo n’est pas possible », estime le député François Pupponi, fin connaisseur de la question corse. Le gouvernement va devoir discuter avec les nationalistes…Jean Saint-Marc
L'essentiel
- C’est leur troisième grande victoire électorale consécutive : les nationalistes ont remporté les élections territoriales en Corse, ce dimanche, avec 56,5 % des voix au second tour.
- Ce raz-de-marée électoral devrait obliger le gouvernement à discuter de la question corse.
- Pour l’instant, les relations entre Paris et les nationalistes corses sont glaciales.
Les drapeaux sont à peine rangés, les derniers vestiges de la soirée électorale à peine nettoyés. Et déjà, il faut aller négocier. Le plus dur reste à faire pour les nationalistes corses, grands vainqueurs des élections territoriales, ce dimanche. Pour mettre en place leur programme sur l’île, ils doivent désormais convaincre les « pinzuti », sous les dorures des bureaux ministériels parisiens.
Relations « très froides »
Le plus tôt possible d’ailleurs. Si le modéré Gilles Simeoni, autonomiste, a affirmé « ne pas être dans une logique d’ultimatum », Jean-Guy Talamoni a au contraire lancé un appel franc du collier à Paris. Il faut « ouvrir très rapidement des négociations », sans quoi l’indépendantiste, minoritaire au sein de la coalition, menace d’organiser « des manifestations populaires » contre ce qui serait un « déni de démocratie. » Si le ton est sec, c’est que les nationalistes sont échaudés : « Les relations avec la majorité LREM à Paris sont très froides », confie François Pupponi, fin connaisseur de la question corse.
Le député PS de Sarcelles a parfois été présenté comme le futur « Monsieur Corse » d’Emmanuel Macron… Auprès de 20 Minutes, il dément ces « conneries de journaliste » (sic), assure n’avoir « jamais été contacté »… Mais reconnaît qu’il suivra de près les négociations :
« Pour moi, le statu quo n’est pas possible ! Aujourd’hui, à chaque fois qu’il y a eu des demandes de la part de la collectivité corse, notamment sur le budget, le gouvernement a refusé. S’il ne change pas d’attitude, s’il refuse la discussion, ça peut mal finir… »
Les nationalistes corses, Talamoni en tête, n’ont effectivement pas digéré les refus de Paris sur le financement de la nouvelle collectivité corse. En octobre, ils ont même boycotté un repas avec Gérard Collomb, en visite sur l’île. « J’ai simplement cru qu’ils avaient des emplois du temps chargé », avait ironisé, un peu méchamment, le ministre de l’Intérieur.
Changement de ton après la victoire : Gérard Collomb a félicité les nationalistes et leur a garanti « la disponibilité du gouvernement pour, dans un esprit d’écoute, de dialogue et de respect mutuel, accompagner la création de la nouvelle collectivité. » Ils seront reçus par Edouard Philippe « dès l’installation de la nouvelle collectivité », a assuré le Premier ministre dans un communiqué.
Flou artistique
Place Beauvau, on ne précise pas le calendrier mais une source indique à 20 Minutes que des «dispositions» seront prises pour qu'un dialogue régulier, institutionnalisé, puisse avoir lieu, à partir du début 2018. Sur le fond du dossier, c'est plus flou : la position du gouvernement n'est pas totalement éclaircie.
- « Nous sommes favorables à l’autonomie de la Corse, mais à l’autonomie dans la République française », a déclaré Gérard Collomb à l’Assemblée nationale.
- « Je viens en Corse avec un esprit de grand pragmatisme, loin des grands débats théoriques », avait affirmé le candidat Macron, en visite en Corse pendant la campagne. Sur une éventuelle révision de la Constitution, il se disait « ouvert au dialogue et à la co-construction ».
Prend-on les Corses « pour des idiots » ?
Car la question de la révision constitutionnelle sera, c’est certain, un des points durs des négociations. « Sans révision constitutionnelle, pas d’autonomie, reprend François Pupponi. Si je comprends bien ce que dit le ministre de l’Intérieur, il est donc favorable à l’autonomie. Donc à une réforme constitutionnelle. Ou alors on prend les Corses pour des idiots si c’est pour ensuite dire “on ne peut pas, on n’a pas de majorité” ! »
Même sentiment et expression plus imagée encore chez le député nationaliste Jean-Félix Acquaviva :
« Cette histoire « d’autonomie dans la République », ça me fait bien rire… C’est une lapalissade, évidemment que l’autonomie c’est dans la République française, pas dans la République intergalactique… Si ce n’est pas dans la République, c’est une indépendance. Ils vont devoir clarifier ça car là, on est dans une usine à gaz ! »
Clarifier ce point-là, et tant d'autres : l’amnistie des « prisonniers politiques », le statut de résident pour les achats immobiliers et la co-oficialité de la langue corse sont autant de dossiers sur le haut de la pile.
Lors de la campagne présidentielle, Emmanuel Macron s’était opposé à ce dernier projet, qui vise à faire de la langue corse la seconde langue officielle, employée à parité dans les services publics. La victoire des nationalistes va-t-elle le faire changer d’avis ? Impossible de le savoir : ce lundi soir, près de 24 heures après l’annonce de leur victoire, Emmanuel Macron n’a toujours pas évoqué la question corse.