POLITIQUEL'Assemblée encadre les frais de mandat, des députés râlent

Justificatifs, dépenses autorisées... L'Assemblée fixe les nouvelles règles des frais de mandat des députés

POLITIQUELe bureau de l'Assemblée nationale a adopté de nouvelles règles pour les frais de mandat des députés...
Anne-Laëtitia Béraud

Anne-Laëtitia Béraud

L'essentiel

  • Le bureau de l’Assemblée modifie les règles pour les frais de mandat, dont l’utilisation a parfois fait scandale.
  • Ces frais de mandat étaient jusqu’alors peu contrôlés.
  • Ces frais sont fixés dans une liste et soumis à justificatifs sur la quasi-totalité, avec un contrôle aléatoire de 120 députés par an.
  • Les députés réagissent, entre contentement et rejet.

Le bureau de l’Assemblée nationale a défini ce mercredi le projet d’arrêté relatif aux frais de mandat des députés. Ce dispositif, applicable au 1er janvier 2018, remplace l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM). Cette enveloppe de 5.373 euros net par mois est donnée aux députés en plus de leur rémunération pour couvrir des frais liés à l’exercice de leur mandat. Les députés vont désormais toucher une « avance forfaitaire » mensuelle du même montant que l’IRFM. Mais « contrairement à ce qui prévalait jusqu’à présent, cette avance [sur frais de mandat de 5.373 euros] est donc désormais normée et contrôlée », se félicite ce mercredi la présidence de l’Assemblée nationale. Quelles sont les nouvelles règles qui font craindre à plusieurs députés un « jusqu’au-boutiste » ?

Le nouveau dispositif découle de la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique. Il est adopté après plusieurs scandales concernant l’utilisation de cet argent, que ce soit des achats de bureaux ou de vacances payées avec de l’argent public.

Le bureau de l’Assemblée, sa plus haute instance collégiale, a arrêté ce mercredi la liste des frais autorisés et interdits et les modalités de contrôle par la déontologue de l’institution. Les frais sont désormais fixés dans une liste et doivent faire l’objet de justificatifs. « Tous les frais de mandat engagés par les députés devront pouvoir être justifiés par les députés », a assuré à la presse le président de l’Assemblée nationale François de Rugy. Un contrôle aléatoire « par tirage au sort » de 120 députés sera effectué chaque année. « Une clause de rendez-vous » pour revoir la liste des frais est par ailleurs prévue « au plus tard dans un an », a précisé son bureau.

« Un député devra être locataire »

Parmi les dépenses interdites figurent « tout financement, direct ou indirect, d’un parti politique ; l’achat d’un bien immobilier ou la location d’un bien immobilier dont le député, son conjoint, ses ascendants ou descendants sont propriétaires ; toute dépense déduite du revenu imposable, par ailleurs déclarée au titre de l’impôt sur le revenu », a indiqué la présidence dans un communiqué.

« Il n’est pas autorisé d’acheter une permanence avec les frais de mandat. Il n’est plus autorisé de rembourser des emprunts contractés avant l’interdiction de l’utilisation des frais de mandat pour acheter une permanence. Un député devra être locataire (…) S’il a acheté une permanence, il devra la rembourser avec ses propres deniers (…) et il ne pourra évidemment pas se verser à lui-même un loyer ni directement, ni indirectement », a précisé François de Rugy.

« On jette l’opprobre sur les parlementaires »

Sur cette enveloppe de 5.373 euros, les députés disposeront toujours d’une somme de 600 euros par mois pour des dépenses sans justificatifs, afin de régler des dépenses en liquide difficilement traçables. « C’est indispensable de laisser une marge de manœuvre », juge ce mercredi auprès de 20 Minutes le député Les Républicains Sébastien Huyghe. Ce dernier s’était ému fin juillet dans l’hémicycle lors des discussions sur la mise en place d’un système de remboursement sur justificatifs. Il avait estimé que le dispositif n’était pas adopté au travail de parlementaire : « De la chambre d’hôtel qu’on réserve pour une femme dormant dans sa voiture… au panier de la ménagère qu’on remplit, soit une foultitude de choses pour lesquelles on ne peut avoir de justificatifs », avait-il déclaré.

Dans les rangs des députés, la réforme ne plaît pas à tout le monde mais pour des raisons différentes. Avant l’annonce de ces arbitrages, Ericka Bareigts, porte-parole du groupe Nouvelle Gauche, a jugé auprès de l’AFP que « la transparence est une bonne chose, mais attention à ne pas être (…) jusqu’au-boutiste ». L’ancienne ministre des Outre-Mer a craint un dispositif « technocratique, qui empêcherait les députés d’être concentrés sur leurs tâches » en leur faisant « faire de la comptabilité à bout de ficelle ».

« Un progrès insuffisant »

Selon le député LR Sébastien Huyghe, la mesure a peu de chance de rétablir la confiance des citoyens envers leurs élus. « Avec l’accumulation de lois, de dispositifs divers et variés, on jette l’opprobre sur les parlementaires », déplore-t-il, donnant pour exemple : « avec la suppression de la réserve parlementaire, on a voulu jeter le discrédit sur toute décision des députés concernant des financements alors que cela se faisait en toute transparence… »

Charles de Courson, député « UDI Agir et indépendants » a reconnu ce mercredi sur BFMTV un « progrès » mais qui reste « insuffisant » : « Il aurait fallu un remboursement de l’IRFM sur présentation de pièces justificatives plutôt qu’un système de contrôles aléatoires. C’est un progrès mais un progrès insuffisant », a estimé le centriste.

Un commentaire loin de celui de la députée LREM Marie Guévenoux. Celle-ci a défendu devant la presse des « décisions extrêmement importantes », comme les dépenses désormais accompagnées de justificatifs, et « un contrôle qui porterait sur 120 députés par an, de façon à ce que quasiment l’ensemble des députés puissent être contrôlés sur la législature ».