«Jacques Chirac avait une affection pour les photographes», selon Christian Boyer, l'un de ses plus proches photographes
INTERVIEW•Le reporter-photographe Christian Boyer livre un ouvrage de 150 photos et 30 témoignages inédits sur l’ancien président de la République Jacques Chirac…Propos recueillis par Anne-Laëtitia Béraud
L'essentiel
- Le photographe et grand reporter Christian Boyer publie un recueil de photos et de témoignages intitulé Jacques Chirac, une vie pour la France (Tallandier, 24,90 euros, nov. 2017)
- Dans une interview avec 20 Minutes, il raconte ses souvenirs marquants aux côtés de l'ancien Maire de Paris et président de la République pour qui il a une grande affection.
«Rassembler les photos d’un président populaire ». Telle est l’ambition du livre du photographe et grand reporter Christian Boyer intitulé Jacques Chirac, une vie pour la France (éd. Tallandier, 24,90 euros, nov. 2017). Préfacé par Alain Juppé, l’ouvrage rassemble 150 photos de Jacques Chirac et une trentaine de témoignages de personnalités. Ancien rédacteur en chef de Jours de France, Christian Boyer a rejoint le service presse de Matignon, avant de créer le service de photographie de la ville de Paris à la demande de Jacques Chirac. Interview de celui qui a suivi Jacques Chirac aux quatre coins du monde et de la Corrèze.
Pourquoi avoir fait ce livre de photos et de témoignages sur Jacques Chirac ?
C’est une trilogie sur Jacques Chirac que je termine avec ce livre rouge, après avoir réalisé un livre bleu en 1987 puis un livre blanc en 1995. J’ai travaillé sur cet ouvrage pendant deux ans, rassemblé des photos, demandé des clichés des albums personnels à Bernadette Chirac pour illustrer ce livre. J’ai résumé la vie de ce président en photos et avec des témoignages précieux…
Comment était Jacques Chirac avec les photographes ?
Jacques Chirac avait une affection pour la presse technique, les photographes, les cameramans ou encore les preneurs de son. Une photographie prise en 1989 montre Jacques Chirac avec des photographes, dont moi-même à sa droite, sur un banc. Nous sommes pendant la campagne municipale de Paris. Je lui dis que je suis fatigué, que j’ai les «pieds pourris», et il me répond: «moi aussi j’ai les pieds pourris, je m’assois avec vous !». Et il est là, parmi les nous, naturel. Cela résume bien notre relation.
Quelle est votre relation avec Jacques Chirac ?
Je le connais depuis 1969, je suis l’un des premiers photographes à l’avoir connu et l’avoir suivi. J’ai connu d’autres présidents : j’ai commencé avec le général de Gaulle, puis Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand… mais avec Jacques Chirac, j’ai eu une relation particulière. J’ai été le témoin privilégié de son ascension politique, nous avons sympathisé et il m’a appelé plusieurs fois durant ma carrière. Il m’a appelé à Matignon, ou pour créer un service photo à la mairie de Paris.
Vous dites être devenu un ami…
C’est un homme, un président, pour qui j’ai le plus d’affection. C’est un homme vrai, qui ne triche pas sur son caractère. Par exemple, il n’a jamais été de mauvaise humeur. Quand il n’était pas content, il disait : « Ce n’est pas convenable ».
Une photo du président François Mitterrand et du maire de Paris Jacques Chirac vous a marqué. Que raconte-t-elle ?
C’est une photo historique, prise le 24 août 1994. La mairie de Paris fête les 50 ans de la libération de la ville. Edouard Balladur est Premier ministre, il s’oppose à Jacques Chirac [alors maire de Paris, les deux hommes visant l’Elysée pour la présidentielle de 1995]. Le président François Mitterrand insiste pour monter signer le livre d’or du maire, et être seuls. Je suis dans la pièce, et j’entends distinctement François Mitterrand dire à Jacques Chirac : « Préparez-vous. C’est votre tour, je vais vous aider et vous allez gagner ». Jacques Chirac va être élu à l’Elysée…
Une autre photo montre Jacques Chirac prenant une pomme d’un cageot d’un agriculteur. Que dit-elle ?
Cette photo a été prise lors d’une manifestation d’agriculteurs en 1991. Ils lui offrent des pommes. Cette photo a été à l’origine du slogan «Mangez des pommes !» de la campagne présidentielle de 1995.
Vous avez rencontré Jacques Chirac au début de l’année. Comment va-t-il ?
Je lui ai montré la prémaquette de ce livre à la fin du mois de janvier. C’est un homme de 85 ans qui a fait un AVC. Ce n’est plus l’homme que nous avons connu, il marche difficilement, mais il a toujours sa tête. Je l’ai trouvé plutôt en bonne forme pour son âge. Et il a gardé le sens de l’humour. Il m’a dit : « Je fais des barres parallèles, les bars de la rive gauche et la rive droite ! »