POLITIQUEDéception Hulot, faillite du parti EELV… Où en est l’écologie politique?

Déception Hulot, faillite du parti EELV… Où en est l’écologie politique en France?

POLITIQUESi les questions concernant l'écologie sont présentes dans le débat public, l'écologie politique, elle, semble à la peine...
Anne-Laëtitia Béraud

Anne-Laëtitia Béraud

L'essentiel

  • Le ministre Nicolas Hulot, isolé car sans relais parlementaire, est critiqué pour son manque d’influence dans les dossiers du glyphosate, du traité Ceta ou du nucléaire.
  • Les écologistes d’EELV ont échoué de leur côté à constituer un groupe. parlementaire, et s’interrogent sur la survie ou la transformation de leur mouvement.
  • Les thèmes portés traditionnellement par les écologistes sont repris par des personnalités politiques comme Jean-Luc Mélenchon ou Benoît Hamon à gauche.

Où en est l’écologie politique en France ? Le parti Europe-Ecologie-Les Verts (EELV), absent à la présidentielle, a perdu son groupe au Parlement, et le mouvement est traversé par des crises. Hors EELV, l’écologiste Nicolas Hulot est ministre du gouvernement d’Edouard Philippe, mais il n’a aucun relais parlementaire et peine à peser dans les arbitrages sur le glyphosate, le traité Ceta ou le nucléaire. Si les thèmes liés à l’écologie infusent dans le débat public, pourquoi l’écologie politique est-elle autant à la peine aujourd’hui en France ?

« EELV a disparu »

Parmi les écologistes, le constat de la faillite de l’écologie politique est cinglant. Noël Mamère, ancien député de Gironde et maire de Bègles, estime ainsi : « Il ne reste rien de l’écologie politique en France. Tout est à reconstruire et malheureusement ce ne sera pas avec ce gouvernement », dit celui qui obtenu le meilleur score pour un candidat écologiste à la présidentielle (5,25 % en 2002).

Julien Bayou, porte-parole d’EELV, estime que sa formation est « essorée » après « l’arnaque du mandat de Hollande », la présidentielle sans candidat EELV et les législatives perdues. Quant à Sergio Coronado, député défait lors des législatives de juin, il estime : « si l’on parle de choses objectives, EELV a disparu ».

Dangereuses liaisons institutionnelles

Parmi les facteurs d’affaiblissements, Noël Mamère pointe « les écolos eux-mêmes, perdus dans des considérations, des bagarres politiciennes. Ils auraient dû être plus présents sur terrain des propositions et sur l’urgence climatique ». Sergio Coronado déplore, lui, « l’accord avec le Parti socialiste [qui] nous a tués, ainsi que l’expérience passée au gouvernement ». « On s’est émoussé au contact des institutions et EELV est apparu comme une annexe ministérielle du pouvoir. Nous sommes aussi apparus comme des opportunistes, des politiciens qui ont perdu leur force d’interpellation », dit l’ancien parlementaire.

Sergio Coronado pointe aussi l’institutionnalisation d’un mouvement écologiste devenu au fil des ans un parti au fonctionnement traditionnel : « Certains ont pensé que la carrière politique pourrait devenir profession, ce que le parti dénonçait pourtant. Une génération a été biberonnée au parcours institutionnel, pensant qu’en entrant à EELV, on aurait vite un poste et des fonctions électives. C’est compliqué d’accepter que l’on est dans l’incertitude aujourd’hui ». Un doute renforcé par l’accaparement de thèmes traditionnellement portés par les écologistes par Jean-Luc Mélenchon (la France insoumise), par Benoît Hamon dans une partie du PS, ou de certains députés macronistes à l’Assemblée…

Force apparente de la radicalité

« Les divisions, les reniements voire l’amateurisme des écologistes ont abouti à la crise de l’écologie politique en France », énonce le politologue et consultant Eddy Fougier. « Mais cette crise est aussi présente dans la société civile, notamment dans le dossier du nucléaire sur lequel les divisions sont nombreuses. Seule l’écologie radicale, de type zadiste, semble aujourd’hui fonctionner car les radicaux bloquent le système et semblent ainsi aboutir à quelque chose, alors que les politiques ou les éléments moins radicaux de la société civile semblent impuissants », juge le spécialiste.

Malgré ses crises, l’écologie politique peut-elle redevenir audible ? Pour Noël Mamère, le salut viendra de la société civile. « Ce sont aux écolos de mobiliser dans la société civile, de se réconcilier avec cette société et de montrer que l’écologie ce n’est pas le cauchemar, pas les restrictions pour tous, mais la création d’emploi », liste l’ancien parlementaire. Julien Bayou, porte-parole EELV, rappelle que les questions portées par les écologistes, comme les perturbateurs endocriniens, l’égalité homme-femme, ou le revenu universel infusent dans la société. « Nous sommes à la fin d’un cycle de lanceurs d’alerte. L’objectif est de construire une majorité culturelle », avance le jeune élu. « Et pour cela, il nous faut créer un outil ».

Créer un « outil » qui porte les idées des écologistes

Le début d’une opération de « transformation, de mue, voire de la fusion d’EELV dans une autre formation politique » est prévu début décembre, annonce le porte-parole d’EELV Julien Bayou. Pendant six à huit mois, le parti va « mener un travail de fond » en vue des Européennes de 2019, que le scrutin à la proportionnelle peut favoriser. Et s’atteler au chantier de « construction du collectif alors qu’il y a toujours une défiance vis-à-vis des possibles leaders », souligne Julien Bayou.

« Pour s’en sortir, il faut que le parti et les personnes incarnent une parole. Or, le silence est aujourd’hui assourdissant », nuance l’ancien député Sergio Coronado. « Il faut dire et faire sens, sinon la formation disparaîtra », ajoute le militant qui suit attentivement « la dynamique Mélenchon »…