La France n'est-elle «pas réformable» comme le dit Emmanuel Macron?
COMMUNICATION•Le chef de l'Etat n'est pas le premier à reprendre cet argument...
Nicolas Raffin
L'essentiel
- L'idée selon laquelle il est impossible de réformer en France ne date pas d'hier.
- Pourtant, plusieurs exemples récents prouvent le contraire.
- Cette idée est surtout liée à la culture de la contestation présente dans l'Hexagone.
«La France n’est pas un pays réformable (…) Parce que les Françaises et les Français détestent les réformes ». La déclaration d'Emmanuel Macron jeudi, devant la communauté française de Roumanie, n’est pas passée inaperçue. Si le président de la République a ensuite expliqué qu’il ne voulait pas « réformer » mais « transformer » le pays, son discours en rappelle d’autres.
En 1976, Alain Peyrefitte, qui fut notamment ministre sous De Gaulle et Pompidou, publie Le Mal Français. Un passage du livre fait écho aux propos d’Emmanuel Macron : « Chaque Français, au fond de lui-même, reste prêt à se dresser contre l’Etat. Jamais autant que depuis 1958 ne se sont épanouis l’incivisme (…) la nostalgie des révoltes (…) Une société qui réclame des réformes mais réagit avec violence dès que vient le temps de les appliquer ».
Des réformes qui existent
Plus de quarante ans après, le débat reste toujours aussi vif. Il suffit de voir le titre de quelques articles glanés au fil d’une recherche sur internet : « Pourquoi la France est impossible à réformer », « Réformer la France : Mission impossible ? », « 49-3 : La réforme est-elle impossible en France ? ».
Pour Stéphane Sirot, historien spécialiste des conflits sociaux et des syndicats, « dire que la France n’est pas réformable, c’est en partie une idée reçue. Cela supposerait que la France n’a jamais changé ». Or l’histoire très récente montre que des réformes, mêmes très impopulaires, sont entrées en vigueur : la réforme des retraites de 2010, et plus récemment, la loi Travail.
« Une version acceptable par le plus grand nombre »
« On est un pays où il y a de grands mouvements sociaux, une contestation dans la rue. Donc vis-à-vis du politique, ça peut donner cette rhétorique selon laquelle on ne peut jamais rien changer » explique Stéphane Sirot à 20 Minutes.
Le spécialiste rappelle d’ailleurs que les « réformes » prennent aussi du temps ailleurs en Europe : « Si on peut avoir l’impression que les contestations sont moins fortes, c’est parce que les contre-pouvoirs sont mieux installés et acceptés qu’en France. Aux Pays-Bas, la réforme des retraites a pris plusieurs années. Dans ces pays, on accepte que le processus soit plus long pour essayer de trouver une version qui puisse être acceptable par le plus grand nombre ».
Par définition, une réforme « juste » aurait plus de chance d’être acceptée et non rejetée. C’est aussi ce que défendait Nicolas Tenzer, auteur de France : La réforme impossible ?, dans une interview accordée à L’Express en 2010 : « La réforme est possible en France, il n’y a pas de fatalité, mais l’une des règles du succès, c’est de faire en sorte qu’il y ait un équilibre global des gains et des pertes ».