VIDEO. Euro, «cas» Philippot, stratégie… Comment le Front national veut lancer sa «refondation»
PARTI•Après des élections perdues et des tensions internes autour de la personnalité et la ligne de Florian Philippot, le FN souhaite organiser un «séminaire de refondation»…Anne-Laëtitia Béraud
L'essentiel
- Le Front national organise vendredi après-midi et samedi matin un séminaire à huis clos de « refondation »
- Il va faire « le bilan des élections » et se préparer pour élargir son électorat, selon sa présidente Marine Le Pen
- La question de l’euro, la ligne stratégique, le nom du parti sont au programme de la réunion
- La personnalité et la ligne du vice-président du FN Florian Philippot divisent le mouvement
Présidentielle perdue, législatives en demi-teinte, tensions autour du vice-président Florian Philippot. Le Front national organise un « séminaire de refondation » les 21 et 22 juillet à son siège à Nanterre (Hauts-de-Seine). Cette réunion à huis clos se tient avant une consultation auprès des adhérents en septembre, puis un congrès en mars.
Trouver la formule pour gagner les seconds tours des élections
Objectif : Prendre le pouls de la base militante, ajuster les propositions « qui font peur » selon Florian Philippot, et trouver la formule pour gagner les seconds tours des élections…
« Nous allons faire le bilan des élections, ce qui a fonctionné, ce qui n’a pas fonctionné (…) Je pense qu’il faut tout refonder », a annoncé la députée du Pas-de-Calais Marine Le Pen, présidente du FN, jeudi matin sur France 2. « Nous devons organiser le mouvement pour pouvoir accueillir au-delà du FN ceux qui veulent mener le combat France », a ajouté la conseillère régionale des Hauts-de-France.
Question de l’euro
Une opération de « refondation » que voit d’un œil critique Joël Gombin, chercheur à l’université de Picardie-Jules Verne. « Ce séminaire est à l’image d’une autre réunion qui s’est tenue après les élections régionales de 2015 et qui n’a pas donné grand-chose. Il vise à mon avis plutôt à crever l’abcès au FN tout en contrôlant la ligne dans la perspective du congrès de mars », souligne le politologue.
Ces deux jours de séminaire « pourraient accoucher d’une souris », et ce, pour deux grandes raisons selon le chercheur : l’orientation du parti prise depuis sept-huit ans ne peut être changée en deux jours. Et, sans fonctionnement démocratique au sein du FN, le degré d’ouverture des questions soumises aux adhérents en septembre devrait être très limité.
Positionnement stratégique du parti
Plusieurs grands dossiers vont être débattus, comme le maintien ou la sortie de l’euro dans le programme du FN. Le sujet divise Florian Philippot et ses partisans, défenseurs de l’abandon de l’euro, et leurs détracteurs, à l’image de Bernard Monot, conseiller économique de Marine Le Pen. « La bagarre au FN entre les philippotistes et les autres porte sur deux points : la question de la sortie de l’euro et de l’Europe et la question du "ni droite-ni gauche" », rappelle le politologue Jean-Yves Camus, chercheur associé à l’Iris spécialiste de l’extrême droite.
« La question de l’euro mise en avant par Florian Philippot n’est à mon avis pas le fond de l’affaire mais un symptôme du problème », juge le chercheur Joël Gombin. « Il s’agit plutôt de l’orientation stratégique du parti : soit le FN est capable d’imposer le clivage "mondialistes" contre "patriotes". Soit il s’inscrit dans le clivage "classique" gauche-droite, estime qu’il appartient au champ des droites et réalise des alliances avec d’autres partis », analyse le chercheur.
Le « cas » Philippot
Et dans cette bataille programmatique, Florian Philippot, partisan du « ni droite-ni gauche » et de l’abandon de l’euro, semble en voie de marginalisation. « Quel parti de droite voudrait aujourd’hui s’associer avec le FN qui prône une sortie de l’Europe ? Personne. Quant aux membres Les Républicains qui pouvaient être intéressés par certains aspects du FN, que ce soit Henri Guaino, Thierry Mariani ou Nicolas Dhuicq, ils ont tous été battus aux législatives… », rappelle Jean-Yves Camus.
Contesté, Florian Philippot apparaît dans une situation précaire. « Depuis plusieurs semaines, Marine Le Pen a envoyé des signaux révélant qu’elle est en train de lâcher Florian Philippot. Elle a instauré une distance avec lui, a recadré ses proches, donné des inflexions sur le débat sur l’euro… », liste le politologue Joël Gombin.
Une rupture entre Florian Philippot et le FN est-elle pour autant envisageable ? Le chercheur Jean-Yves Camus n’y croit pas : « Le parti ne donnera pas congé à Florian Philippot car il ne veut pas ouvrir une crise grave en se séparant d’une de ses composantes. Florian Philippot prépare cependant cette possibilité et se ménage une porte de sortie avec son association », poursuit le politologue.
La question du nom du parti
Le changement du nom de parti doit être aussi évoqué durant le séminaire. Marine Le Pen s’y est de nouveau déclarée ce jeudi « plutôt favorable ». Tout comme Florian Philippot dans un entretien au Parisien, ou encore la députée européenne « philippotiste » Sophie Montel sur RMC :
a« Ce changement de nom est évoqué depuis longtemps », relève le chercheur Joël Gombin. « Marine Le Pen semble engagée dans ce changement, même s’il faut y apporter deux nuances : un changement de nom ne veut pas dire un changement de ligne du parti. Ensuite, le FN est une marque connue du public et associée à la famille Le Pen. En changer pourrait nuire au parti ». Ce qui fait dire au politologue Jean-Yves Camus : « Changer de nom, peut-être, mais pour trouver quoi de mieux à la place ? Pas simple de changer une marque qui fonctionne depuis des années malgré des ratés ».