INTERVIEWDéparts du Front national: «Les anciens cadres lavent le linge sale du parti en public»

Départs du Front national: «Les anciens cadres lavent le linge sale du parti en public»

INTERVIEWGilles Ivaldi, chargé de recherche au CNRS et spécialiste de l’extrême droite, explique les raisons des ruptures belliqueuses entre le FN et ses anciens conseillers…
Delphine Bancaud

Propos recueillis par Delphine Bancaud

Ils ont été cadres du Front national avant de se faire exclure ou de démissionner, en balançant au passage quelques bombes sur le parti. Avant Gaël Nofri, conseiller de Marine Le Pen en 2012 qui a dénoncé dimanche « un système de corruption généralisé au FN », d’autres avaient déjà quitté le parti avec pertes et fracas : Jacques Bompard, Carl Lang, Aymeric Chauprade, Lorrain de Saint-Affrique… Gilles Ivaldi, chargé de recherche au CNRS et spécialiste de l’extrême droite, explique à 20 Minutes les raisons de ces ruptures belliqueuses, dont le FN a le secret.

La hargne avec laquelle les anciens du FN parlent de lui, témoigne-t-elle d’un dysfonctionnement interne du parti ?

Oui, en partie, car le FN commence à peine à faire l’apprentissage d’une culture démocratique en son sein. Traditionnellement, son fonctionnement est très autocratique. Car Jean-Marie Le Pen concentrait tous les pouvoirs, ce qui créait beaucoup de tensions en interne. Et aujourd’hui encore, son modèle reste très vertical. Les choses se décident à Paris dans un cercle très fermé autour de Marine Le Pen. Les investitures sont par exemple, le fait du prince. D’où des dissensions très vives. Ce qui fait que lorsqu’ils partent, les anciens cadres sont très en colère et n’hésitent pas à laver le linge sale du parti en public.

Mais la vindicte de ceux qui partent s’explique-t-elle aussi par l’ampleur de leur déception vis-à-vis d’un parti qu’ils avaient cru différent ?

C’est tout à fait exact pour une partie des cadres du Front national (tels que Gaël Nofri et Bruno Mégret), qui sont issus de la droite traditionnelle et sont venus au FN, attirés par ses promesses. Mais ils en sont repartis car ils n’y ont pas trouvé ce qu’ils recherchaient. Ils découvrent que, malgré la promesse de dédiabolisation, le FN reste un parti d’extrême droite.

A l’inverse, certains quittent-ils le parti avec véhémence car ils trouvent que sa ligne n’est pas assez radicale ?

Oui, c’est le cas de Jacques Bompard ou de Carl Lang, qui sont historiquement d’extrême droite et qui protestent contre la ligne moderniste et de dédiabolisation de Marine Le Pen.

Ces ruptures accompagnées de révélations fracassantes sur le parti peuvent-elles le déstabiliser ?

Je ne crois pas, car les affaires qui touchent le Front national n’impriment pas dans l’opinion publique. Sans doute parce que le parti jouit d’un statut hors système. Par ailleurs, le Front national utilise toujours la rhétorique de la victimisation qui fonctionne bien auprès de son électorat. Le parti pourrait être affecté par ces critiques et révélations uniquement s’il faisait un très mauvais score à l’élection présidentielle. Car elles auraient alors un écho.