INTERVIEWVIDEO. Montebourg: «On ne construira pas l’avenir avec des règles stupides»

VIDÉO. Arnaud Montebourg: «On ne construira pas l’avenir de ce pays avec des règles stupides et archaïques»

INTERVIEW«20 Minutes» a soumis les questions de ses internautes au candidat de la primaire à gauche…
Propos recueillis par Thibaut Le Gal et Olivier Philippe-Viela

Propos recueillis par Thibaut Le Gal et Olivier Philippe-Viela

Dans la perspective de la présidentielle, 20 Minutes fait passer un grand entretien aux candidats de la primaire à gauche. Et propose à ses lecteurs de poser leurs questions. Après Benoît Hamon, Jean-Luc Bennahmias, Sylvia Pinel, François De Rugy et Manuel Valls, Arnaud Montebourg s’est prêté à l’exercice.

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Arnaud Montebourg est souvent présenté comme le candidat du « made in France », depuis son passage au ministère du Redressement productif entre 2012 et 2014. Critique de la politique de l’offre prônée par François Hollande depuis son départ du gouvernement, cet avocat de formation a été député de la Saône-et-Loire de 1997 à 2012, et président du conseil général du département entre 2008 et 2012.

Jean-Michel Vesper, 64 ans, Alsace : Vous avez été ministre pendant ce quinquennat. Comment éviteriez-vous, en tant que président, les blocages que vous avez dénoncés à l’époque ?

Le premier facteur de blocage vient du pouvoir lui-même. Si je n’ai pas pu nationaliser Florange, c’est parce que François Hollande a renoncé ne serait-ce qu'à l’énoncer devant le patron de Mittal-Arcelor. C’est la raison de ma candidature : un ministre n’est qu’un exécutant, même s’il a quelques marges de manœuvre ; le seul qui décide dans le système de la Ve République, c’est le président.

Jean-Marc Tranier, 58 ans, magasinier à Toulouse : Pourquoi avoir initié en juillet 2014 l’ouverture du capital de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, finalement cédé à 49,99 % à un consortium chinois par votre successeur Emmanuel Macron, alors qu’il était rentable et que vous prônez le « made in France » ?

Je tiens à préciser que je n’ai pas privatisé cet aéroport, j’ai ouvert son capital. La privatisation, c’est plus de 51 %. Vous donnez les clés et le contrôle à une puissance privée. L’ouverture du capital n’est pas incompatible avec le fait que des investisseurs locaux puissent venir remplacer l’Etat, celui-ci n’ayant pas besoin de posséder 100 %. C’est d’ailleurs le cas dans la quasi-totalité des entreprises publiques. Mais M. Macron a décidé d’en faire une privatisation entre les mains d’investisseurs chinois, et cela relève de sa responsabilité exclusive. À trois occasions il pouvait arrêter ce processus, et à chaque fois il a donné son feu vert. Cette défaisance des infrastructures de l’Etat est inacceptable.

20Minutes : Vous avancez la possibilité d’une nationalisation temporaire ou partielle dans certains secteurs, notamment bancaire. Un internaute cite le cas des autoroutes concédées à Vinci. Dans quels cas y auriez-vous recours ?

Quand nos intérêts économiques et stratégiques sont menacés, il ne faut pas s’empêcher de le faire. Je n’ai pas de vision a priori sur quelle entreprise de quel secteur devrait être nationalisée. J’ai prévenu que je pourrais le faire si nécessaire. Il n’y aura pas de surprise. Sur les autoroutes exploitées par le secteur privé, qui essore les automobilistes français, si j’ai l’occasion de revenir dessus, croyez bien que je m’en saisirai.

Push, 30 ans, formateur médical en Île-de-France : La dette française est peu abordée, alors que l’indépendance économique de la France en dépend. Que comptez-vous faire à ce sujet ?

Son niveau n’est pas un problème. En revanche, que les Français soient ultra-minoritaires dans la détention de la dette publique en est un. La renationaliser partiellement fait partie de ma stratégie. Mais je ne me placerai pas que sur le terrain de l’indépendance. Ce qui a fait bondir la dette de 20 points en dix ans, c’est l’austérité. La limite des 3 % de déficit n’a aucun sens. Je veux en libérer les Français. On ne construira pas l’avenir de ce pays avec des règles stupides et archaïques. J’ai une stratégie de relance économique de 25 milliards dès la première année qui vise à remonter le niveau d’activité en tolérant une légère hausse du déficit (jusqu’à 4 %), avant qu’il ne redescende spectaculairement en fin de cycle, ce qui fera baisser le chômage de 3 points et la dette de 5 points.

De Flores, 45 ans, chef d’entreprise BTP, Hérault : Comment éviter le dumping social des travailleurs détachés dans l’Union européenne ?

Il y a un principe constitutionnel dans ce pays, c’est l’égalité de tous devant la loi. La directive européenne est donc anticonstitutionnelle. Elle est la première cause de destruction d’emplois dans des secteurs comme le gardiennage, le transport logistique et le BTP. Elle sera rendue inapplicable sur notre territoire. Comment ? Nous n’allons bien sûr pas interdire les travailleurs détachés en France mais simplement leur appliquer la loi française, avec des contrôles de l’inspection du travail jusqu’à tant que cela s’arrête. Et s’il faut embaucher des inspecteurs du travail, ne vous inquiétez pas, je vais le faire.

Brun, 50 ans, ingénieur, Île-de-France : Comment conciliez-vous le protectionnisme français avec l’esprit européen et le respect des traités ?

Ma stratégie n’est pas de me situer dans les traités existants. Ils sont obsolètes, impuissants à nous sortir de la crise, et par ailleurs délégitimés par le fait que les Français les ont rejetés lorsqu’ils ont été consultés. Il faut bâtir un bloc réformateur, avec par exemple l’Italie, l’Espagne, la Grèce, la Belgique, face au bloc conservateur dirigé par l’Allemagne. C’est l’occasion de constituer une minorité de blocage pour forcer le dialogue.

Roche, ingénieur à la retraite, Bourgogne-Franche-Comté : Quelle est votre position sur la crise migratoire ?

L’Allemagne est en crise démographique, elle perd de la population. Angela Merkel a choisi une politique conforme aux intérêts de son pays. À ceux de l’Europe, je ne sais pas. Nous avons à concilier ces points de vue. Ma vision de la politique d’accueil est celle de la Convention de Genève: tout réfugié qui obtient l’asile politique sera accueilli en France. Je comprends que certains de nos compatriotes aient peur. Mais l’union des êtres humains l’emporte toujours. Les initiatives individuelles d’aide aux réfugiés montrent que nous sommes un pays beaucoup moins haineux et replié qu’on voudrait le faire croire.

Atlan, 72 ans, ancien juriste : Les Américains et les Britanniques ont la même Constitution depuis plus de deux siècles et cela marche. Pourquoi la France devrait se distinguer en changeant la sienne pour la sixième fois dans le même temps ?

Si la Ve République fonctionnait, nous n’aurions pas un Front national premier parti de France. Je mets en accusation le système politique. Il faut le réformer en profondeur, sans fragiliser les éléments de stabilité contenus dans la Ve. Je souhaite faire entrer des citoyens dans ce système, et en finir avec le monopole d’une classe politique qui définit ce qui est bon ou mauvais dans notre pays. Aujourd’hui, la démocratie est horizontale, les gens ont envie de s’exprimer, d’intervenir. Ils ne veulent pas attendre que tout tombe d’en-haut. Changeons la nature du régime en amenant la politique dans la société.

Dia, 40 ans, Picardie : Quelle serait votre politique étrangère à l’égard de l’Afrique ? Êtes-vous favorable à la sortie du franc CFA des pays francophones qui le souhaitent ?

Je suis pour sortir de la relation exclusivement militarisée de la France avec l’Afrique. Nous pourrions bâtir des projets universitaires, investir dans l’électricité sur ce continent sans lumières - comme le suggère Jean-Louis Borloo, développer l’agriculture vivrière et les infrastructures ferroviaires pour favoriser le commerce. Pendant des années, nous avons vu nos grandes entreprises délocaliser leur production en Asie. Nous aurions intérêt à réinvestir humainement dans l’avenir en Afrique. Sur le franc CFA, je suis pour que l’on ouvre le débat.

Emilie Coirre, 26 ans, étudiante en droit : Vous proposez la création d’un parquet national antiterroriste. Le procureur de la République de Paris François Molins a dit que la justice fonctionne déjà comme ça « depuis trente ans ». Quelle différence avec l’actuel parquet terroriste situé à Paris qui a une compétence nationale ?

Aujourd’hui, la section antiterroriste du parquet de Paris ne s’occupe pas de terrorisme à plein-temps, car elle a beaucoup d’autres choses à faire. Cela permettrait d’avoir une autorité judiciaire forte face aux services de renseignements, qui équilibrerait la coopération entre les deux. Actuellement, il y a des informations dans les dossiers de justice qui ne sont pas transmises aux services de renseignements, et inversement. M. Molins veut garder son pouvoir, mais rien ne l’empêchera de postuler au parquet national antiterroriste.

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