Problème de financement de la campagne du FN: «Cette communication est très adroite de la part de Marine Le Pen»
INTERVIEW•Jean-Yves Camus, politologue spécialiste de l’extrême droite, explique les raisons qui ont poussé Marine Le Pen de communiquer sur les soucis d’argent du Front national…Propos recueillis par Delphine Bancaud
Malgré les bons scores que lui prédisent les sondages pour l’élection présidentielle 2017, ce début d’année est plutôt stressant pour Marine Le Pen. La candidate FN à la présidentielle a affirmé mardi sur BFMTV qu’il lui manquait encore six millions d’euros pour financer sa campagne, malgré le prêt d’un même montant du microparti de son père. Jean-Yves Camus, politologue spécialiste de l’extrême droite, explique à 20 minutes quel est l’intérêt politique pour Marine Le Pen de communiquer sur les soucis d’argent du Front national.
Le Front national s’est-il vu réellement opposer des refus de prêts répétés de la part des banques françaises ?
C’est tout à fait vraisemblable et, d’ailleurs, Marine Le Pen avait publié en 2014 des lettres de refus de prêts pour le prouver. Sans doute les banques ont-elles peur pour leur image et préfèrent ne pas être associées à ce parti.
Cet aveu de souci financier ne risque-t-il pas de fragiliser la campagne de Marine Le Pen ?
Cette communication est au contraire politiquement très adroite. Car cet exercice de transparence est intelligent pour une candidate qui veut apparaître « mains propres-tête haute » par rapport aux candidats des autres partis, qui font preuve d’opacité sur la question du financement de leur campagne.
Ces déclarations servent-elles également le discours antisystème de Marine Le Pen ?
Oui, elles assoient la candidate dans une posture victimaire. Car cela pose un problème démocratique qu’une candidate, qui représente potentiellement des millions d’électeurs, ait des problèmes de financement de campagne. Et cela contribue à renforcer l’idée auprès de son électorat que le Front national se bat seul contre ce qu’il appelle « la caste » qui est une sorte de collusion du pouvoir politique avec le pouvoir bancaire.
Est-ce aussi un moyen d’attirer les donateurs ?
Oui, mais ce ne sont pas des dons modestes qui pourront permettre au Front national de collecter les six millions qui lui manquent.
Mais n’était-il pas risqué de communiquer auprès de son électorat son emprunt au microparti de son père, alors que Marine Le Pen s’oppose à lui médiatiquement depuis des mois ?
Non, car malgré les divergences réelles entre le père et sa fille, leur détestation commune du système est plus forte que tout et leur volonté de voir leurs idées triompher va au-delà de leur brouille. Marine Le Pen a cependant pris soin de dire qu’elle n’empruntait pas « l’argent de Jean-Marie Le Pen, mais des militants du Front national ». De son côté, Jean-Marie Le Pen ne pouvait porter sur ses épaules la responsabilité de l’échec de la campagne électorale de sa fille pour des raisons économiques.
Les affaires de Marine Le Pen vont-elles finalement s’arranger ?
Sûrement, d’ailleurs, elle a déclaré son intention d’emprunter à l’étranger.