INTERVIEWHollande renonce: «Une question de personnalités» en cause

Retraits de Hollande, Sarkozy et Juppé: «Un renouveau du personnel politique par défaut»

INTERVIEWLuc Rouban, directeur de recherches au CNRS et chercheur au Cevipof, évoque les retraits de Nicolas Sarkozy, Alain Juppé et François Hollande...
Anne-Laëtitia Béraud

Propos recueillis par Anne-Laëtitia Béraud

Trois personnalités françaises quittent le premier plan de la politique en moins de quinze jours. L’ancien président Nicolas Sarkozy et l’ancien Premier ministre Alain Juppé ont été écartés lors de la primaire à droite, quand François Hollande a renoncé jeudi soir à briguer un second mandat à l’Elysée. Une page de l’histoire politique française semble se tourner. Réalité ou simple perception ? Quelles sont les conséquences de ces départs ? Les réponses avec Luc Rouban, directeur de recherches au CNRS et chercheur au Centre de recherches de Sciences Po Paris (Cevipof), spécialiste du personnel politique…

Les retraits de Sarkozy, Juppé et Hollande signent-ils un renouveau de la politique française ?

Je parlerais plutôt d’un renouveau du personnel politique qui vient par défaut. Tout vient de manière brutale, et c’est précisément cela qui est original. Nicolas Sarkozy ne s’attendait pas à être écarté de cette manière lors de la primaire, quandAlain Juppé était donné vainqueur depuis des mois de cette élection. Pour François Hollande, c’est une première pour un président que de devoir abandonner son avenir politique. Je remarque la brutalité de ces retraits, et le phénomène totalement inattendu.

Estimez-vous qu’il y a un renouveau générationnel avec les retraits de ces trois politiques ?

Non, ce n’est pas une histoire de génération : François Fillon, François Bayrou ou Jean-Luc Mélenchon [prétendants déclarés ou non à la présidentielle 2017] ont exercé leurs premiers mandats dans les années 1980, comme François Hollande ou Nicolas Sarkozy. Je pense plutôt qu’il s’agit d’une question de personnalités. La politique est aujourd’hui fortement personnalisée. Et si un ou une femme politique doit avoir du charisme, sa personnalité peut rapidement lui être reprochée. C’est clairement le cas avec Nicolas Sarkozy avec l’antisarkozysme. La personnalité de François Hollande, sa « normalité » est aussi l’objet de critiques. On lui a reproché de ne pas incarner la fonction de président de la République, de manquer d’autorité. Quant à Alain Juppé, son âge, son comportement attentiste durant la campagne pour la primaire ainsi que son positionnement vers le centre ont pu jouer contre lui.

Le départ de ces personnalités signent-elles la fin de leur pensée (le chiraquisme pour Juppé, le sarkozysme pour Sarkozy, le hollandisme pour Hollande) ?

Oui, car les héritages politiques disparaissent de plus en plus vite. Les personnalités politiques sont aujourd’hui plus importantes que ces héritages. Pour François Fillon, cet homme politique est dans une logique libérale et n’est pas un fils du sarkozysme, même s’il a été Premier ministre de Nicolas Sarkozy. Cela révèle l’inscription de la vie politique dans la précarité.

Ces politiques peuvent-ils devenir des sages dans leur parti ?

Non, car ils n’incarnent pas une autorité morale dans leur parti. Pour François Hollande comme pour Nicolas Sarkozy, il y a une difficulté de situer leur ligne politique. François Hollande est-il resté socialiste ? social-libéral ? Ces personnalités n’ont pas de lignes idéologiques fortes, car ce sont plutôt des hommes de compromis au sein des appareils politiques. C’est pourquoi je ne crois pas qu’ils puissent être une autorité morale pour leur parti.

Aucun des trois politiques n’a fait d’adieu explicite à la politique. Peuvent-ils revenir au premier plan ?

Je ne le crois pas.