Hollande renonce: Mais à quoi vont vraiment servir les derniers mois de la présidence du chef de l'Etat?
HOLLANDE RENONCE•Le président sortant a notamment un agenda international chargé…O. P.-V. et A.-L. B. (avec AFP)
Alors que la campagne en vue de l’élection présidentielle 2017 est déjà bien lancée par la primaire de la droite et du centre, l’actuel président de la République François Hollande a choisi de renoncer à se lancer dans la course. Une fois la décision actée, que reste-t-il à faire d’ici début mai pour le chef de l’Etat ?
« Dans les mois qui viennent, mon devoir, mon seul devoir sera de continuer à diriger le pays, celui que vous m’avez confié en 2012 en m’y consacrant pleinement et dans le dévouement le plus total à la République », a assuré François Hollande jeudi soir lors de l’annonce de sa non-candidature. Il devrait se concentrer sur des dossiers régaliens, tandis que son agenda international reste bien rempli. Pas sûr en revanche qu’il s’immisce dans la campagne électorale, qui va occuper l’espace médiatique d’ici mai. « Il a tout intérêt à se tenir éloigné de la primaire de gauche, ne pas s’en mêler », estime également Stéphane Rozès, politologue et président de Cap (Conseils, analyses et perspectives).
« Il y a suffisamment de sujets internationaux et même parfois nationaux qui appellent l’intervention du président », répondait-il à l’AFP il y a quelques semaines en évoquant cette « hypothèse » de non-candidature. Pour preuve, dès ce vendredi, il s’est rendu à Abou Dhabi pour assister à une cérémonie officielle marquant le 45e anniversaire de la Fédération des Emirats. Puis il devait dîner avec le cheikh Mohamed ben Zayed. Au menu des discussions : les crises régionales ainsi que les négociations autour de la vente d’avions de combat Rafale.
« Il ne peut pas impulser de grandes initiatives »
Au-delà de cette échéance, le programme diplomatique est copieux : le continuum des conflits en Irak ou en Syrie, le Brexit, le Conseil européen de la mi-décembre, le sommet Afrique-France de Bamako en janvier… « De ce point de vue là, je n’ai pas d’inquiétude, il y a de quoi faire », assurait-il.
Mais comment faire porter sa voix au niveau international quand ses interlocuteurs savent d’une part qu’il quittera ses fonctions dans cinq mois, d’autre part que certains des favoris à sa succession portent une vision géopolitique radicalement différente (comme François Fillon, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon) ? « C’est un peu compliqué, il ne peut pas impulser de grandes initiatives », explique le directeur du département opinion publique de l’Ifop Jérôme Fourquet. L’exemple de Barack Obama, guère audible alors qu’il achève son second mandat, montre la limite de l’exercice. « Si le monarque républicain ne se représente pas, le poids de sa parole se retrouve affaibli », ajoute le politologue.
La menace terroriste et le Brexit
Autre gros morceau diplomatique, le Brexit. La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne doit débuter avant fin mars, comme promis par la Première ministre britannique Theresa May après le référendum du 23 juin dernier. La France, qui souhaite notamment avec l’Allemagne donner une nouvelle impulsion à l’Union, y prendra toute sa part.
Mais si Angela Merkel a déjà annoncé être candidate à un quatrième mandat lors des élections législatives allemandes de septembre et octobre 2017, François Hollande entamera les discussions dans les toutes dernières semaines de la campagne présidentielle française. Le gros des négociations, qui s’annoncent longues (au moins deux ans), ne sera de toute manière débattu qu’avec le nouveau chef d’Etat français, expliquait dès cet été à 20 Minutes l’économiste Sylvain Gouyon.
Son rôle de chef des armées et de représentant de la France à l’international devrait occuper la majeure partie du temps de François Hollande, mais il reste des questions intérieures dont il aura peut-être à se saisir. « Il va falloir être d’une très grande vigilance », du fait que « Daech va reculer, que les combattants étrangers vont tenter de revenir », prévenait en particulier le président avant son annonce de renoncement. Il ne pourra en revanche plus faire adopter de grandes lois avec la fin de la session parlementaire en février. Il serait de toute manière empêché par sa majorité, juge Stéphane Rozès : « S’il a pu, par le passé, avoir le syndrome Schröder, François Hollande n’ira pas pousser des initiatives impopulaires. »
« Jouer sur les symboles qui lui ont manqué »
Et pourquoi ne pas profiter de ne plus rien avoir à perdre politiquement pour tenter de redorer son image ? Aux yeux de Frédéric Dabi, autre analyste, François Hollande pourra dans la période « jouer sur les symboles », notamment ceux « qui lui ont manqué, l’autorité, la présidentialité, et la capacité à montrer qu’il pouvait incarner la fonction ». Stéphane Rozès abonde : « Il peut bénéficier d’une restauration de son image, alors qu’habituellement, celle-ci arrive après le départ de la présidence. »
D’après son conseiller et ami Bernard Poignant, qui a vu le président après son allocution jeudi soir, celui-ci est « serein et déterminé à poursuivre son mandat jusqu’au bout ». D’ici ce terme et au-delà, a-t-il pronostiqué sur Europe 1, François Hollande « gardera auprès des Français une capacité et d’écoute politique et d’influence qui nous sera bien utile, et bien utile à la gauche ».