DECESLes cinq phrases à retenir de Michel Rocard

Mort de Michel Rocard: «La politique est dégueulasse»... Les cinq phrases à retenir de Michel Rocard

DECESDe la « misère du monde » à la politique « dégueulasse »…
Olivier Philippe-Viela

Olivier Philippe-Viela

L’ancien Premier ministre Michel Rocard, mort samedi à l’âge de 85 ans, avait un certain sens du bon mot, souligné par sa diction particulière. Florilège de ses formules les plus emblématiques, contre Mitterrand (beaucoup) et le monde politique.

« La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre fidèlement sa part. »

Aussi célèbre que controversée, cette affirmation est citée ici dans sa version finale, que l’on trouve dans une tribune de Michel Rocard dans Le Monde en 1996, intitulée « La part de la France », écrite en réaction aux diverses récupérations de la droite alors au pouvoir, qui n’hésite pas à utiliser la première partie de la phrase. L’expression « misère du monde », Rocard l’a utilisée à plusieurs reprises dans les années précédentes au sujet de l’immigration clandestine en France. La première fois, c’est sur le plateau de Sept sur sept, en 1989 : « Nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde. La France doit rester une terre d’asile politique… mais pas plus. »



Sa tribune au Monde sept ans plus tard visait à préciser sa pensée, estimant qu’elle avait été « tronquée ». En 2009, dans un discours devant la Cimade, il y ajoute même l’UE : « La France et l’Europe peuvent et doivent accueillir toute la part qui leur revient de la misère du monde ! »

« Ce n’était pas un honnête homme »

Prononcée en novembre 1998 au cours d’un entretien à la Revue de droit public, au sujet de son meilleur ennemi, François Mitterrand. Quelques jours plus tard, il en remet une couche dans une interview au Point, à propos de sa nomination en 1988 à Matignon : « Dans le cas particulier des relations exécrables qui avaient toujours eu cours depuis vingt ans entre François Mitterrand et moi, il pouvait y avoir problème. Ce qui m’a surpris, c’est de tenir trois ans et cinq jours. Onze cents jours. Mitterrand m’avait nommé pour que je m’effondre. »

« Sucer c’est tromper ? – Non »

La phrase est techniquement prononcée par Thierry Ardisson, en mars 2001 sur le plateau de Tout le monde en parle, sous forme de question, en conclusion d’une interview « Alerte rose » de l’ancien Premier ministre. Michel Rocard, sans gêne aucune, affirme donc que non, après avoir expliqué que « la couchette d’un bon bateau » était l’un de ses lieux favoris pour faire l’amour, et qu’il préférait « être battu par quelqu’un qu’il aime » plutôt que « caresser par quelqu’un qui le dégoûte ». Une interview surréaliste qui fera jurisprudence sur le mélange des genres entre politique et divertissement à la télévision.

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« La politique est dégueulasse, parce que les hommes qui la font la rendent dégueulasse. »

Michel Rocard déclare cela le 25 avril 1991, trois semaines avant de quitter Matignon, dans une interview à France Culture. La suite est une description tout aussi terrible de l’exercice du pouvoir : « Le métier politique consiste à revendiquer le pouvoir, lequel a deux fonctions principales dans la société. Un, c’est d’y exercer le monopole public de la violence pour ne pas la laisser à la violence privée – il y faut de la police – ou à la violence internationale – il y faut se défendre. Et deux, de canaliser la circulation de l’argent. On touche au sale, par définition. Et on se salit quand on touche au sale, même si les motifs sont propres. Et quiconque prétend faire de la politique en négligeant ces deux aspects est un amateur, et tant qu’angélique il est dangereux. »

« Le PS est malade, et on ne hurle pas dans une chambre d’hôpital. »

Prononcée en novembre 2009, en marge d’un forum sur l’écologie. Un mois plus tôt, Michel Rocard taillait déjà son parti et, encore une fois François Mitterrand, dans un entretien aux Echos : « Le PS est un grand malade, qui n’a plus de pensée collective depuis très longtemps. Mitterrand, déjà, avait aggravé cette situation. » Plus récemment, à propos de Manuel Valls, désigné comme l’héritier politique de ce tenant de la social-démocratie, il disait en 2014 : « Il est des moments où une cure de gauchisme est nécessaire pour briser un consensus étouffant. »