L'Assemblée vote le texte pour protéger les lanceurs d'alerte
POLITIQUE•Au programme: une définition plus claire et un meilleur bouclier, notamment en cas de licenciement...20 Minutes avec AFP
Protéger des « éveilleurs de conscience ». Avec pour toile de fond les affaires des Panama Papers ou de Luxleaks, les députés ont doté mardi les lanceurs d’alerte d’un cadre protecteur en France, une avancée via la loi Sapin II, soutenue par la gauche et critiquée par certains à droite.
Antoine Deltour, qui avait fait fuiter des documents sur les pratiques fiscales de multinationales et attend de connaître la décision de la justice du Grand Duché, Irène Frachon, qui avait démontré la nocivité du Mediator, ou Hervé Falciani, à l’origine du scandale HSBC : ces lanceurs d’alerte « ont agi dans l’intérêt général », a affirmé Michel Sapin. Ils « ont pris des risques et en souffrent », a souligné le ministre des Finances, alors que 39 % des salariés gardent le silence par peur des représailles, selon un sondage pour l’ONG Transparency International France.
Le Défenseur des droits comme protecteur
Le projet de loi sur « la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique » jette les bases d’un statut pour les lanceurs d’alerte, complété en commission et dans l’hémicycle à l’Assemblée après recommandations du Conseil d’Etat, exemples européens (Grande-Bretagne notamment) et échanges avec les ONG.
Le Défenseur des droits interviendra pour les lanceurs d’alerte victimes de discriminations, en vertu d’une proposition de loi organique PS qui sera examinée en fin de semaine. Le gouvernement s’est engagé, par la voix de Michel Sapin, à renforcer les moyens financiers du Défenseur, censé contribuer aux avances de frais de justice.
« Intérêt général »
Dès lundi, les députés ont précisé la définition du lanceur d’alerte, qui « révèle ou témoigne, dans l’intérêt général et de bonne foi, d’un crime ou d’un délit, de manquements graves à la loi ou au règlement, ou de faits présentant des risques ou des préjudices graves pour l’environnement, la santé ou la sécurité publique ».
Face à des inquiétudes à gauche qu’Antoine Deltour en soit exclu, le ministre s’est voulu rassurant. Il a aussi glissé que l’ancien auditeur de PricewaterhouseCoopers travaillait désormais pour « son administration », en l’occurrence pour l’Insee, sous tutelle de Bercy. La définition actuelle prévoit aussi que le lanceur d’alerte « exerce son droit d’alerte sans espoir d’avantage propre ni volonté de nuire à autrui ». Pas de rémunération donc sur le modèle américain des « chasseurs de primes » et exclusion des dénonciations calomnieuses. Mais, pour le chef de file des députés LR, Christian Jacob, « tout le monde pourra s’improviser lanceur d’alerte, avec frais pris en charge ».
Les prud’hommes pourront être saisies
Pour renforcer les garde-fous, les députés ont ajouté mardi des mesures contre l’entrave ou les représailles envers un lanceur d’alerte, comme des sanctions pénales (prison et amendes). Sous l’impulsion de socialistes comme Yann Galut, du Front de Gauche, des écologistes critiques du gouvernement et de l’UDI, un lanceur d’alerte licencié pourra aussi saisir les prud’hommes pour tenter d’obtenir son maintien dans l’entreprise, ou, s’il ne le souhaite pas, la préservation de son salaire. Idem pour un agent public au tribunal administratif.
Face aux nouvelles obligations de recueil des alertes pour les entreprises d’au moins 50 salariés ou communes dépassant 3.500 habitants, les élus LR ont dénoncé des « contraintes » pour beaucoup d’entreprises.