Primaire à droite: Dans les coulisses de la campagne des Français de l'étranger
POLITIQUE•Des dizaines de référents français organisent à l’étranger la campagne des candidats à la primaire à droite…Anne-Laëtitia Béraud
«Organiser une campagne à l’étranger, c’est une affaire de conviction. On ne sait pas forcément l’impact que l’on aura, mais on y va ». Kevin Poirier pilote en Côte d’Ivoire la campagne du candidat à la primaire François Fillon. Comme des dizaines de référents répartis dans le monde, il doit animer cette période électorale avec ces fondamentaux : pas de moyens, une utilisation intensive des réseaux sociaux et des heures à identifier et convaincre les sympathisants de participer aux scrutins des 20 et 27 novembre 2016.
Dans chaque équipe, ces comités à l’étranger sont pilotés depuis l’Hexagone par un référent parisien. Dans l’équipe d’Alain Juppé, Erwan Devoux est responsable de ces Français établis hors de France depuis une année. « Je chapote 90 comités, sur les environ 1.000 comités existants », affirme l’ancien conseiller diplomatique à l’UMP. Ces organisations souples, composées d’une ou de plusieurs personnes, sont abreuvées en informations sur le candidat, ses propositions et la vie de la campagne, mais aussi en éléments de langage et outils pour animer la primaire. Chaque mois, Erwan Devoux, également chargé de mission des Républicains pour la circonscription Maghreb-Afrique de l’ouest, organise une réunion avec des référents et des sympathisants qui « voyagent beaucoup » pour mettre en musique cette campagne.
« Identifier et convaincre »
Les obstacles de cette primaire à l’étranger sont nombreux. Figure tout d’abord le manque de publicité de cette élection. « C’est une campagne interne à un parti, et nous n’avons pas accès aux moyens de l’ambassade ou du consulat », pointe Cyril Meunier, référent en Belgique de la candidate Nathalie Kosciusko-Morizet. « Nous n’allons pas coller des affiches ou distribuer des tracts… Ce serait de l’invasion pour les Belges ! », sourit-il.
S’ajoute « la difficulté d’identifier des personnes ayant un beau profil, et de les convaincre », souligne Erwan Devoux. En Côte d’Ivoire, les obstacles sont aussi matériels. « Il est compliqué de rencontrer physiquement les personnes, car il y a pas mal de problèmes de transports », ajoute Kevin Poirier, soutien de François Fillon.
Autre inquiétude : la question du vote électronique des Français de l’étranger, remise en cause par Nicolas Sarkozy début mai. « Il y a plus de 200.000 Français en Belgique, et tout le monde ne vit pas à Bruxelles ! Nous ne voulons pas être les dindons de la farce. La solution la plus simple, c’est le vote sur Internet », tranche Cyril Meunier. Après l’ attentat à Grand-Bassam, le 13 mars, Kevin Poirier estime que la sécurité est insuffisante pour que les Français se rendent à des bureaux de vote en Côte d’Ivoire. La décision sur lieux de vote, qui devrait tomber le 15 juillet, est donc attendue fébrilement par ces référents.
Communiquer grâce aux réseaux sociaux
Les newsletters et les réseaux sociaux, surtout Facebook, sont privilégiés comme vecteur d’information. Et l’on s’aide comme on peut pour contacter le maximum de personnes. Grâce à son statut de conseiller consulaire et d’élu de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE), Alexandre Bezardin a accès à plusieurs listes électorales de ressortissants français. Cet élu peut ainsi envoyer tous les quinze jours des newsletters à 25.000 Français résidant dans le nord de l’Italie. « Il y a beaucoup d’informations pratiques, mais aussi quelques messages politiques. Ces lettres ne doivent être ni trop fréquentes ni trop politiques, car elles lasseraient », commente ce soutien d’Alain Juppé.
« Je peux aussi envoyer quelques newsletters [dans la zone Chypre-Grèce-Italie-Malte-Turquie] en tant qu’élu AFE, mais plus modérément », précise-t-il. Ce référent des Républicains en Italie travaille aujourd’hui sans problème avec la direction du parti présidé par Nicolas Sarkozy.
Pour le moment, chacun loue la qualité de cette primaire à l’étranger. « On se connaît, on a des avis différents mais on se respecte », souligne Cyril Meunier, soutien de NKM en Belgique. « Le pire pour nous, ce serait de revivre ce qui s’est passé lors de la présidence de l’UMP en 2012[quand Jean-François Copé et François Fillon s’étaient écharpés pour la tête du parti] », ajoute ce sympathisant. Le cauchemar des divisions internes pour cette primaire est encore loin, veut-on croire. Mais personne ne sous-estime les coups à venir de cette campagne électorale qui désignera, fin novembre, le champion de la droite à la présidentielle 2017.