«Murmures à la jeunesse»: On a lu pour vous le livre de Christiane Taubira
BONNES FEUILLES•L’ex-Garde des sceaux, Christiane Taubira publie ce mardi un réquisitoire contre la déchéance de la nationalité dans «Murmures à la jeunesse»...Anne-Laëtitia Béraud
Ecrit dans le plus grand secret par l’ex-Garde des sceaux Christiane Taubira, l’essai Murmures à la jeunesse publié mardi (éditions Philippe Rey, 7 euros) est la nouvelle bombe politico-littéraire de la présidence Hollande. En 94 pages, Christiane Taubira y explique son opposition à la déchéance de nationalité, quatre jours avant le début de l’examen du projet de loi constitutionnelle controversé à l’Assemblée nationale. Cependant, cet essai, terminé le 18 janvier 2016, n’est pas qu’un réquisitoire. 20 Minutes vous dévoile ses grandes lignes.
Aux racines de la menace terroriste
Christiane Taubira se fait « un devoir que d’éclairer l’époque ». Elle s’attache à revenir aux racines du terrorisme et détaille la difficulté de mettre les terroristes dans des cases. « Il faut comprendre pour anticiper et aussi ramener du sens au monde », écrit-elle. A la source du mal, figurent évidemment des groupes sectaires, mais aussi « les auteurs de l’état du monde, avec ses fractures, ses scandaleuses concentrations de richesse, ses dynamiques économiques et sociales qui fabriquent à large échelle des pauvres, des migrants de la misère (…)». Elle cite aussi les « complices », à savoir les trafiquants, avant d’évoquer « nous ». Elle évoque ici la diplomatie occidentale qui a failli dans le monde arabe, comme au Moyen-Orient et en Libye.
>> A lire aussi : Les secrets de fabrication du livre de Christiane Taubira
L’opposition à la déchéance de nationalité
Au rayon des « instruments obsolètes » pour lutter contre le terrorisme, Christiane Taubira balaie tout d’abord « le rétablissement de la peine de mort » avant d’évoquer longuement « la déchéance de la nationalité ». La mesure est jugée « inefficace » de par ses « effets nuls en matière de dissuasion ». Elle est aussi, selon l’ex-ministre, inefficace sur le plan des principes : « Un pays doit être capable de se débrouiller avec ses nationaux. Que serait le monde si chaque pays expulsait ses nationaux de naissance considérés comme indésirables ? Faudrait-il imaginer une terre-déchetterie où ils seraient regroupés (…)».
« A qui parle et que dit le symbole de la déchéance de nationalité pour les Français de naissance ? », s’interroge-t-elle. Avant de répondre : « Puisqu’il ne parle pas aux terroristes (…), qui devient, par défaut, destinataire du message ? Celles et ceux qui partagent, par totale incidence avec les criminels visés, d’être binationaux, rien d’autre. (…) C’est à tous ceux-là que s’adresse, fût-ce par inadvertance, cette proclamation qu’être binational est un sursis. Et une menace : celle que les obsédés de la différence, les maniaques de l’exclusion, les obnubilés de l’expulsion feront peser (…) sur ceux qu’ils ne perçoivent que comme la cinquième colonne. »
« Paroles d’une femme de conviction, paroles d’une femme libre.@ChTaubira pic.twitter.com/ynqRDmnGzJ — EditionsPhilippeRey (@EdPhilippeRey) January 31, 2016 »
L’exigence adressée à la gauche et l’hommage au président
Estimant que la République est discréditée, Christiane Taubira écrit l’impératif de réduire les « injustices insupportables (que sont) les inégalités, d’accès à l’éducation, aux soins, à l’emploi à la culture, au droit, à la mobilité, aux responsabilités. » « Ces injustices doivent être combattues sans répit », écrit-elle encore, appelant « la Gauche à renouer avec son identité historique et combative ». Au sujet de François Hollande, elle loue dans une postface son attitude et sa gestion après les attentats franciliens du 13 novembre. Des mots très éloignés du style d’un pamphlet post-gouvernemental.