POLITIQUEComment Sarkozy tente de contrôler le processus des primaires

Comment Sarkozy tente de contrôler le processus des primaires

POLITIQUEEn annonçant qu’un « projet » sera mis sur pied avant les primaires et devra engager tous les candidats déclarés…
Maud Pierron

Maud Pierron

«Il faut protéger les régionales des primaires comme nous avons protégé les départementales des primaires » : voilà l’injonction lancée par Nicolas Sarkozy devant les militants du parti Les Républicains au Touquet samedi. Sauf que dans le même temps, l’ex-chef de l’Etat a mis sur le tapis une annonce qui va mettre le feu aux poudres : il a affirmé qu’un « projet d’alternance » sera rédigé « avant » la primaire organisée en 2016 et que ce projet « engagera tous ceux qui seront candidats aux primaires ».

« Une annonce purement tactique »

Une proposition qui tombe comme un cheveu sur la soupe pour un président de parti qui souhaite focaliser les débats sur les élections régionales de décembre. Mais qui intervient seulement quelques jours après un sondage désastreux pour lui selon lequel il perdrait largement la future primaire du parti Les Républicains contre Alain Juppé. « C’est une annonce purement tactique. Il sait que cette proposition est inacceptable pour ses concurrents et que cela va donc créer une tension dans le parti et dans le corps électoral de droite, déjà pas favorable culturellement au principe des primaires », explicite Stéphane Rozès, président de l’agence CAP (Conseils, analyses et perspectives).

Pour l’instant, seuls François Fillon, Alain Juppé et Xavier Bertrand sont candidats déclarés aux primaires et tous trois ont mis en place des écuries plus ou moins étoffées pour établir leur futur programme, de manière parallèle et indépendante. Bruno Le Maire devrait rentrer dans la danse en janvier prochain. Et il ne fait aucun doute que Nicolas Sarkozy se déclarera par la suite. Difficile de ne pas voir la manœuvre de celui qui, en tant que chef de parti, pourra faire adopter un « projet d’alternance » à sa main… avant de se déclarer candidat quelques semaines plus tard et défendre le futur projet du parti dans cette posture de rassembleur qui plait tant aux militants. « Cette proposition signe clairement la volonté de tordre le bras de ses concurrents, la ficelle est un peu grosse », juge de son côté Eddy Fougier, politologue et chercheur associé à l’Iris.

Une manière de contrôler les primaires

Par cette tentative de contrôle idéologique sur son parti, Nicolas Sarkozy va surtout « à l’encontre de l’esprit des primaires », relève Stéphane Rozès. Car à quoi bon se déplacer pour désigner son candidat si le programme est déjà bouclé, si son candidat est déjà bâilloné ? « Le propre d’une primaire, c’est bien la confrontation des personnes et des programmes », rappelle-t-il et c’est cette compétition qui fait déplacer les foules.

Ainsi, en lançant ce pavé dans le marigot de l’opposition, Nicolas Sarkozy « fait d’une pierre deux coups : il apparaît comme unitaire pour deux » et il crée les conditions de la démobilisation du corps électoral de droite », souligne Stéphane Rozès. L’ex-chef de l’Etat sait très bien, études à l’appui, que plus le corps électoral qui se déplacera aux primaires de novembre 2016 sera réduit (si possible au noyau dur du parti LR), plus il aura de chance de battre Alain Juppé. « C’est une manière de tenter de contrôler ce processus des primaires qui lui a été imposé : imposer que le débat se fasse autour du programme de son parti, c’est réduire le plus possible le champ des votants, c’est une manière que cette primaire se passe "entre amis" », développe Eddy Fougier. Qui rappelle toutefois, en se fondant sur l’exemple des socialistes en 2012 et de François Hollande qui avait retoqué certaines propositions du programme du PS : « La réalité politique, c’est que ce programme n’engage que ceux qui y croient ».