INTERVIEWHollande sur Canal+: «Une opération reconquête de l’électorat bobo»

Hollande sur Canal+: «Une opération reconquête de l’électorat bobo»

INTERVIEWAprès l'interview donnée au magazine branché «Society», le chef de l'Etat sera dimanche dans l'émission de Canal+ «Le Supplément»...
Thibaut Le Gal

Propos recueillis par Thibaut Le Gal

François Hollande sera l’invité de Canal+ dimanche midi. Pour fêter ses trois ans de mandat, le chef de l’Etat a choisi Le Supplément: une émission iconoclaste, d’info-divertissement. Cette sortie intervient quelques semaines après une interview donnée au magazine «branché» Society. Pour Philippe Moreau Chevrolet, président et fondateur de l'agence de communication des dirigeants MCBG, le président tente de rassembler le cœur de l'électorat socialiste en vue de 2017.

Comment expliquer ces choix de communication?

François Hollande n’est pas le seul à choisir Canal+, Manuel Valls également [Dans Conversation secrète diffusée mercredi]. C’est un plan com' concerté pour parler aux élites de gauche, aux CSP+, aux professions intellectuelles, le cœur de l’électorat socialiste. Le dimanche midi sur Canal, on ne s’adresse pas aux classes populaires. C’est une opération reconquête de l’électorat bobo. Il tente de ramener vers lui les électeurs déçus de 2012. Il est dans la droite ligne de sa communication depuis les attaques du 11 janvier. C’est aussi cet électorat qui était le plus mobilisé pendant les manifestations de soutien à Charlie Hebdo. François Hollande reconstitue une dynamique de campagne en vue de 2017.

N’est-ce pas un choix risqué?

Cela peut être considéré comme une provocation par l’aile gauche du parti. Pour eux, l’objectif est de parler aux classes populaires, de lutter contre les arguments du FN. La stratégie de Hollande est autre: on commence par les bobos et on finit par les classes populaires. C’est un jeu dangereux.

N’est-ce pas un peu tôt pour partir en campagne?

Il est toujours aussi impopulaire, donc le chemin sera long et compliqué. Mais il y a une autre raison. Manuel Valls communique beaucoup, et très bien. Il a réussi à être le champion de la gauche lors des départementales et à limiter les dégâts après la défaite. Pendant la campagne, il a éclipsé Hollande, pris toute la lumière. Quand il parle, la classe politique l’écoute et lui répond. Il sait se faire le centre de gravité du débat politique.

Pour l’instant, Hollande réussit à garder assez de poids chez les socialistes. On l’a vu lors des débats pour le Congrès PS, où la mention majoritaire contient à la fois les proches de Valls et Aubry. Le parti demeure Hollandais. Le président aime son Premier ministre car il est impopulaire à la gauche du PS. A l’inverse, Manuel Valls apprécie Hollande car il n’existe pas médiatiquement. Reste à savoir s’il osera un jour tuer le père comme Nicolas Sarkozy avait pu le faire avec Jacques Chirac.

Pourquoi choisir une émission d’info-divertissement?

Parce qu’il est en campagne. L’infontainment est aujourd’hui une étape indispensable dans la communication politique. Il n’y a plus beaucoup d’espace à la télévision pour parler politique. Ce type d’émission poils à gratter, innovante, est l'occasion.

Les politiques y vont pour se confronter à leur marionnette, répondre aux moqueries, montrer aux téléspectateurs qu’ils sont différents. C’est risqué car il y a aussi des humoristes, des gens qui ne sont pas journalistes, qui recherchent l’événement, sont dans la provocation. Mais François Hollande a du métier. Ce qui est plus surprenant, c’est de faire ce choix pour fêter ses trois ans. Symboliquement, le message sera très négatif pour la gauche de la gauche et les classes populaires.