INTERVIEWPS: «En bon avocat, Arnaud Montebourg sait jusqu’où il peut aller sans être attaqué»

PS: «En bon avocat, Arnaud Montebourg sait jusqu’où il peut aller sans être attaqué»

INTERVIEWDans son livre «Le Vicomte» publié ce mercredi, la journaliste Maud Guillaumin revient sur le parcours de l'ancien ministre adepte des «coups d'éclat» ...
Thibaut Le Gal

Propos recueillis par Thibaut Le Gal

Comme un caillou dans la chaussure du gouvernement. Depuis son éviction en août dernier, Arnaud Montebourg n'hésite pas à critiquer ouvertement la politique de François Hollande et de Manuel Valls. Dans Le Vicomte (Editions du Moment), la journaliste Maud Guillaumin revient sur l'ascension de ce «personnage balzacien», «ambitieux», et adepte des coups d'éclat.

Arnaud Montebourg cherche-t-il depuis ses débuts à attirer l'attention?

C’est un homme de coups d'éclat. Il aime les déclarations fracassantes, aller jusqu’au bout, seul contre tous. Dès 1995, le jeune avocat monte l’Association des contribuables parisiens et attaque Alain Juppé pour «prise illégale d'intérêts» sur des appartements à prix très modérés, à Paris. Avec le juge Halphen, il parvient à faire déménager le Premier ministre. Le PS impressionné découvre en Montebourg un trublion qui déstabilise la droite tout juste arrivée au pouvoir. Cela va lui servir pour trouver un ancrage territorial.

De quelle manière?

Montebourg aime utiliser la carte du «chevalier blanc». Sa tactique: trouver un ennemi. Et attaquer, sabre au clair, avec la présence des médias. Aux législatives de 1997, il cherche une circonscription. Coup de chance: le député de l'UDF René Beaumont est épinglé sur la gestion du conseil général de Saône-et-Loire qu’il préside. Au PS, on fait appel à l’avocat Montebourg pour qu’il reproduise la méthode Juppé. Lui propose de terrasser le député de droite électoralement plutôt que judiciairement, quitte à prendre la place de la candidate qui avait déjà été désignée.

Ses méthodes de campagne agacent ses adversaires. Arnaud Danjean, son principal opposant depuis 2007, dénonce sa pratique de «diffamation positive». «Tant que vous n’avez pas prouvé le contraire, toute attaque est vraie.» Arnaud Montebourg insinue que son opposant est un barbouze. Toujours très intelligemment. En bon avocat, il sait jusqu’où il peut aller sans être attaqué.

L'avocat s'est fait le héraut de grands concepts (le made in France, la démondialisation). Qu'en est-il de ses convictions?

Ses adversaires lui reprochent de changer de thématique comme un avocat change de client. Ses partisans rétorquent qu’il a une ligne conductrice, autour des questions sociales et de la lutte contre le FN. Quand il a un produit à défendre, il le fait avec énergie. Il a une vraie sincérité dans ses combats, même s’ils ne durent pas dans le temps. C'est dans le marketing qu'il est le meilleur. Souvenez-vous de cette photo en marinière pour défendre le made in France.

Lors des primaires PS en 2006, il a aussi compris avant les autres que la «démondialisation» pourrait être une thématique importante, allant contre l'avis de ses conseillers.

Son personnage agace aussi, parfois au sein même du PS…

C’est un personnage clivant. Son côté jusqu’au-boutiste peut agacer. Pour ses prises de position contre Philippe Varin [sur PSA Aulnay], Dailymotion, ou Barroso, ses détracteurs à Bercy le surnommait «le fou du troisième étage». Son humour, aussi, lui a joué des tours. Lorsqu’il dit en 2007 «Ségolène Royal n'a qu'un seul défaut, c'est son compagnon», il sait qu’il est allé trop loin.

Est-ce la boutade prononcée à Frangy-en-Bresse qui lui a valu son éviction du gouvernement ?

Chez lui, tout est calculé. Quand il propose «une bonne bouteille de la cuvée du redressement» au président de la République, il sait ce qu’il fait. La boutade s’ajoute à des critiques politiques. Tout l’été déjà, la tension avait monté en coulisses. Hollande s’était un temps écrasé sur le cas Montebourg, pensant qu’il avait besoin de l’aura du «3e homme» des primaires, des 17% de cette gauche pour gouverner. Mais pour sauver son Premier ministre, il devait se séparer de Montebourg.

Aujourd’hui, a-t-il une stratégie?

Il n'a plus aucune fonction, plus aucun mandat. Il s’est jeté dans le vide après son éviction. Pour continuer à exister, il envoie des cartes postales à la manière de Sarkozy. A Princeton, il a évoqué le chiffre de «800.000 chômeurs de plus» en 2017 si le gouvernement continuait sur cette ligne. La guerre est officiellement déclarée. Montebourg se positionne en vue du congrès, en juin prochain. Reste à savoir s'il s'associera aux frondeurs.