Réserve parlementaire: «Plus de transparence permettrait de réduire le fossé» entre élus et citoyens
INTERVIEW•Myriam Savy, de Transparency International, explique pour 20 Minutes pourquoi il faut réformer la réserve parlementaire...Maud Pierron
La réserve parlementaire de l'Assemblée nationale est publiée pour la deuxième fois ce jeudi. Myriam Savy, responsable des questions liées à la vie publique pour l'ONG Transparency International, explique à 20 Minutes pourquoi et comment il faut aller plus loin en termes de transparence.
Vous associez-vous à la demande de certains députés de supprimer cette réserve parlementaire pour mettre fin aux soupçons de clientélisme?
On ne remet pas en cause l’utilité des sommes attribuées à des collectivités locales ou des associations qui, sans ces subventions, ne pourraient pas réaliser certains projets d’intérêt public. On prône une vraie réforme de cette réserve parlementaire, avec la définition de critères précis et objectifs, répondant à l'intérêt général et un réel contrôle du respect de ces critères. Car, comme la Cour des comptes l’a bien montré, il y a encore trop de cas où il y un fossé entre l’objectif de la réserve, répondre à des situations exceptionnelles et l’usage fait de ces fonds. On estime qu’il faudrait aussi instaurer certains obstacles, comme l’interdiction de financer des associations politiques, de syndicats étudiants affiliés à un parti, par exemple. Ce sont des dérives qui existent toujours dans la réalité.
Il y a du mieux toutefois...
On prend en effet le chemin de la transparence. Il est indéniable qu’il y a eu une forte impulsion dans ce sens depuis 2012, notamment à l'Assemblée nationale. Il y a eu une prise de conscience des élus sous la pression des citoyens mais il faut faire mieux.
Comprenez-vous les réticences générales des élus sur cette transparence?
C’est une question d’évolution nécessaire de la culture politique. Avant, les élus tenaient leur légitimité de l’élection et ils n’avaient aucun compte à rendre en cour de mandat. Nous sommes pour une stratégie de petits pas en la matière car y aller au fur et à mesure permet de limiter les crispations du côté des élus. Mais finalement, le problème de la réserve parlementaire, ce sont les soupçons qu’elle engendre. Et s’il y a des soupçons, des doutes des citoyens, c’est parce qu’il y a une opacité. Et cela nuit à la confiance des citoyens envers les élus. Toutes les études d’opinions le montrent, la défiance entre les Français et leurs représentants politiques est très forte. Les élus doivent prendre conscience de cette réalité. Plus de transparence permettrait de réduire ce fossé. Les élus pourront mieux faire comprendre leur prise de décision, et elles seraient mieux acceptées. D’autant que les citoyens pourront exercer leur contrôle sur la dépense de l’argent public. D’autant que cette transparence peut mettre fin à des a priori. Par exemple, avec les déclarations de patrimoine, on a pu constater que seuls 10% des députés ont des activités privées en plus de leur mandat alors que dans le fantasme populaire, beaucoup de députés sont avocats d’affaires.
Quelles sont les prochaines étapes?
On attend une vraie évolution sur l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) des députés (5.770 euros par mois, non imposable). Il n’y a absolument aucun contrôle sur la manière dont cet argent public est dépensé. Nous souhaitons aussi un meilleur encadrement des lobbys dans les lieux de pouvoir. Non par leur interdiction, car ils peuvent aider à la prise de décision, mais leur encadrement. Il reste également beaucoup de progrès à faire dans le contrôle du conflit d’intérêts dans les Assemblée. Enfin, nous souhaitons une mesure qui tombe sous le sens, mais très compliquée car elle nécessiterait une réforme constitutionnelle: avoir un casier vierge pour être élu.