VIDÉO. Les cinq vies d'Alain Juppé
EN IMAGE•Le maire de Bordeaux vise la présidentielle 2017, près de vingt ans après avoir occupé Matignon. Un parcours loin d'être linéaire...Maud Pierron
«Ça plane pour moi»... Voilà ce que peut chantonner Alain Juppé aujourd'hui en regardant les différents sondages ou les Unes de magazines branchés qui parlent de «Juppémania» ou qui en font l'homme politique de l'année, après avoir été élu «le plus drôle» de l'année. Et le maire de Bordeaux doit apprécier ce moment à sa juste valeur, lui qui a été tour à tout meilleur espoir de la droite puis pestiféré avant de revenir au premier plan. Retour sur son parcours sinueux.
Dans l’ombre de Jacques Chirac
Jacques Chirac et Alain Juppé en 1977 à Paris - AFP
En 1976, à 31 ans, ce conseiller de l’Inspection générale des Finances rejoint le cabinet du Premier ministre de l’époque, Jacques Chirac. A partir de ce moment, les deux hommes ne se quitteront plus, Alain Juppé devenant le lieutenant indispensable, l’homme de confiance de Jacques Chirac. Il tente au début des années 80 de s’implanter dans les Landes mais c’est un échec. C’est naturellement lui qui orchestre la campagne présidentielle de Jacques Chirac en 1981. Lui encore qui devient son premier adjoint à la mairie de Paris, entre 1983 et 1995. Tout en cadenassant le RPR, à son poste de N°2, pour préserver les chances de son champion.
Le Premier ministre qui met la France dans la rue
Sans surprise, une fois à l’Elysée, Jacques Chirac choisit Alain Juppé pour occuper Matignon. Sauf que rien ne se passe comme prévu. Très vite, il est rattrapé par le scandale de l’appartement de fonction de son fils, embarrassé par la démission de son ministre de l’Economie Alain Madelin, en désaccord avec la ligne politique. Et surtout, sa réforme de la Sécurité sociale met la France dans la rue. Pendant trois semaines, le pays est bloqué, tache indélébile dans le parcours du Premier ministre «droit dans ses bottes», contesté de plus en plus par sa majorité qui, entre autres, le trouve trop rigide. Au final, Jaques Chirac ne voit pas d’autre choix que de dissoudre l’Assemblée nationale. Avec le succès que l'on sait.
Rattrapé par la justice, il s'exile au Canada
Croquis d'audience d'Alain Juppé au procès des emplois fictifs de la mairie de Paris. - AFP
Après Matignon, Alain Juppé se refait une santé à Bordeaux, où il a été élu maire en 1995. Mais soupçonné dans plusieurs affaires, comme d’autres dans la «chiraquie», il est dans le viseur des juges, puis mis en examen en 1999 pour «abus de confiance, recel d'abus de biens sociaux, et prise illégale d'intérêt » pour les emplois fictifs de la ville de Paris. En 2002, réélu député en Gironde, il co-fonde l’UMP, dont il est le premier président… Mais en 2004, il subit une défaite sanction aux régionales et européennes de 2004. Et parallèlement, il est condamné définitivement à 18 mois de prison avec sursis et à une peine de 10 ans d'inéligibilité la même année. Jacques Chirac, dont le nom est sur toutes les lèvres à l’audience, échappe, lui, à toute poursuite puisqu’à l’Elysée. C’est sa traversée du désert. Du coup, il quitte toutes ses fonctions électives et part enseigner au Canada. On imagine déjà la fin de la carrière politique de celui qui était présenté comme «le meilleur d'entre nous» par Jacques Chirac.
Le retour en grâce
Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, Barack Obama et Dimitri Medvedev en novembre 2010 à un sommet de l'Otan. - D. FAGET / AFP
Montréal, c’est bien, mais Bordeaux, c’est mieux ! En août 2006, il annonce son retour politique et se fait réélire aux municipales à Bordeaux. Et finalement, Nicolas Sarkozy, dans un geste d’apaisement, décide de nommer à l’Ecologie ce proche de Chirac contre qui il a bataillé en 1995. Pour un mois en fait, puisque Juppé est battu aux législatives à Bordeaux par son adversaire socialiste, Michèle Delaunay. Nouvelle traversée du désert. Il en profite pour écrire son livre catharsis, «Je ne mangerai plus de cerises en hiver», dans lequel il confesse quelques erreurs, notamment cette «arrogance» et cette morgue que tout le monde lui reproche. Mais en 2010 Nicolas Sarkozy, qui a besoin d’expérience dans son gouvernement, fait appel à lui pour remplacer Michèle Alliot-Marie empêtrée dans son scandale tunisien, au ministère de la Défense. Un succès: un an plus tard, Sarkozy le nomme au Quai d’Orsay et en fait l’un des éléments essentiels de son gouvernement, que les Français apprécient.
La conquête ?
«Le meilleur d’entre nous» s’est remis à rêver de l’Elysée. Cet été, fort de ses bons sondages, il a officialisé sa candidature à la primaire UMP. Pour l'instant, il fait la course en tête, et comble de l'ironie, juge que son duel avec Sarkozy en vue de 2017 se jouera «sur la personnalité», et qu'il a l'avantage. Il faut dire que les Français ont oublié 1995 et son côté cassant: ils le trouvent désormais «sympathique», ce qui l'a même ému aux larmes.