VIDEO. Mi-mandat de François Hollande: Les sept familles de couacs sous François Hollande
POLITIQUE•Revue des dysfonctionnements depuis mai 2012...Anissa Boumediene et Maud Pierron
Même s'ils sont inhérents à la vie politique, les couacs ont pullulé depuis le début du quinquennat de François Hollande. Des couacs entre ministres, entre le président et son Premier ministre entre le Premier ministre et ses ministres ou avec la majorité. Mais toutes ces «boulettes» ne relèvent pas des mêmes dysfonctionnements. 20 Minutes dresse la typologie illustrée des couacs du gouvernement.
Vidéo: Maxime Deloffre
L’amateurisme
On entend rarement parler de Kader Arif. Le secrétaire d’Etat aux Anciens combattants n’occupe pas un ministère qui le met sur le devant de la scène. Du coup, quand il l’est, il peut déraper. Le 21 février 2013, au sein de l’Assemblée, il déclare «avoir comme information, à confirmer, mais il semble qu'elle est confirmée, que nos otages au Cameroun ont été libérés». Sauf qu’il s’appuie sur une information de presse non vérifiée par les services de l’Etat. Et pour cause, elle est fausse. Une demi-heure plus tard, il doit faire marche-arrière: «Il n'y a pas pour le moment de confirmation officielle à ce stade de la libération. S'il y avait des informations elles seraient transmises dans la journée de manière officielle». Un épisode qui paraît anecdotique désormais mais qui met en lumière l’amateurisme d’un gouvernement pas forcément préparé après de longues années dans l’opposition. Un aveu que feront plusieurs responsables socialistes par la suite. On peut penser aussi à l’affaire Leonarda, dont la gestion, et la solution finale trouvée à l’Elysée, qui ne convenait à personne et qui n’était pas vraiment réalisable, a été longuement critiquée. Ou la pause fiscale annoncée par Ayrault et contredite par Hollande juste après.
Les ressources humaines à la sauce hollandaise
Les ministres ou les cabinets peuvent être fautifs, mais il ne faut pas oublier qu’à l’Elysée, il y un DRH au mode de gestion un peu particulier, qui donne raison un peu à tout le monde quand ça l’arrange. A plusieurs reprises, députés ou ministres ont expliqué comment, lorsqu’on ressort du bureau de François Hollande, on a l’impression d’avoir remporté l’arbitrage. Et comment au même moment, une autre partie pense aussi l’avoir remporté. On peut voir l’exemple de Florange, l’un des premiers couacs emblématiques de l’ère Hollande, quand d’un côté, Hollande laisse entendre à Arnaud Montebourg qu’il était favorable à la nationalisation partielle de Florange, tout en assurant à Jean-Marc Ayrault qu’il n’en était pas question. Mais, ce qui aurait permis au chef de l’Etat de négocier au mieux avec Lakshmi Mittal. Possible quoique discutable, mais l’épisode a laissé des traces durables au niveau des relations humaines avec le mépris cinglant avec lequel, ensuite, Montebourg a traité Ayrault, jusqu’à menacer de démissionner s’il était reconduit à Matignon en avril dernier…
La valse-hésitation sur le fond
Enfin, il n’y a pas meilleure machine à couac qu’un manque de conviction sur le fond. Le sujet emblématique reste probablement la PMA: au début, la PMA était prévue dans la loi sur le mariage pour tous. La promesse ne figurait pas formellement dans les 60 engagements du candidat mais il s’y était engagé lors d’une rencontre avec des associations homosexuelles. Sauf que le mariage pour tous est devenu le catalyseur d’un certains nombres d’opposants à François Hollande, de défenseur de la famille, de catho tradi voire réacs, etc. Et que des centaines de milliers de personne sont descendus dans la rue tandis qu’à l’Assemblée, l’UMP a mené une guerre sans merci. Du coup, la PMA est devenu une patate chaude pour le gouvernement. Un coup promise dans la loi sur le mariage pour tous, un coup écartée pour être insérée dans le projet de loi famille, ledit projet de loi mainte fois repoussé, puis annoncé sans puis avec l’article sur la PMA…. Une annonce pour mars 2013 puis pour la rentrée puis la fin de l’année avant qu’en fait, il soit, face à l’opposition virulente de la Manif pour tous, et parce que l’exécutif jugeait que les sujets sociétaux avaient déjà pris trop de place, retiré tout bonnement du projet de loi famille au printemps 2014… Au total, ça aura été 18 mois de cafouillage ou presque.
L’impro totale
«Si on ne peut plus rien dire…» Venue commenter au micro de RTL le dernier rapport de la Cour des comptes, Ségolène Royal a estimé que «les sociétés d’autoroutes n’ont pas respecté le contrat dans la mesure où elles n’ont pas baissé les péages et ont continué à encaisser des superprofits», avant de se demander «pourquoi les autoroutes ne sont pas gratuites le samedi et le dimanche, par exemple». Manuel Valls a aussitôt réagi à cette sortie de route et recadré la ministre de l’Ecologie, apparemment sous le coup d’une impro totale. Le chef du gouvernement a martelé que «pour ce qui concerne la gratuité des autoroutes, aujourd’hui la question n’est pas à l’ordre du jour». Mais Ségolène l’insoumise n’en a cure, rappelant qu’on ne lui enlèvera pas «sa liberté de parole».
Le ballon d’essai
«Il ne doit pas y avoir de tabou sur l’assurance-chômage (…). Il y a eu une réforme, elle est insuffisante, on ne pourra pas en rester là», assure le ministre de l’Economie Emmanuel Macron dans une interview au JDD. Des propos qui font l’effet d’une bombe. D’aucuns parlent d’un énième couac, tandis que la gauche de la gauche, estomaquée, crie à la remise en cause d’un acquis social. Pourtant, l’interview a été relue et validée par l’Elysée. Et pour cause, l’épisode relèverait d’une stratégie savamment orchestrée par le couple exécutif, où les rôles seraient bien définis. A Valls et Macron le soin d’envoyer des gages de sérieux à Bruxelles pendant que le chef de l’Etat rassure sa famille politique et s’adresse aux Français. Ou commencer lancer un ballon d’essai sous forme de (faux) couac.
Le dérapage d’un intouchable
Malgré la promesse présidentielle de ne pas s’y aventurer, Arnaud Montebourg, à l'époque ministre du Redressement productif, ne s’en cache pas, il aimerait que la France se lance dans l’exploitation du gaz de schiste «propre», qui serait confiée à une compagnie nationale, comme il l'explique le 9 juillet 2013 lors d’une audition à l’Assemblée nationale. La réponse présidentielle ne tarde pas, François Hollande profite de son intervention télévisée du 14 juillet pour rappeler que «tant que je suis président, il n'y aura pas d'exploration du gaz de schiste en France». Pas de quoi calmer la verve de Montebourg, dont le statut de troisième homme de la primaire socialiste de 2011 l’a rendu presque intouchable. Moins de six mois plus tard, il récidive, espérant parvenir «à convaincre le président». Agacé, Valls le débarque le 25 août en présentant la démission de son gouvernement.
Le combat de coqs
Pas de trêve estivale au sein du gouvernement. Le 13 août 2013, un clash éclate entre Christiane Taubira et Manuel Valls et tourne au bras de fer politique. L’objet de la discorde: le projet de réforme pénale défendu par la garde des Sceaux. Les volets qu’il comporte sur la contrainte pénale et la suppression des peines planchers ne sont pas du goût du ministre de l’Intérieur d’alors. Et pour être sûr d’être entendu, le premier flic de France envoie à la fin du mois de juillet une lettre au chef de l’Etat dans laquelle il détaille par le menu tout ce qu’il reproche au projet de loi. Problème, Le Monde publie la lettre deux semaines plus tard et la presse s’en empare avant que la ministre de la Justice ne soit au courant. Valls a beau tenter de rattraper le coup en déclarant qu’avec sa collègue «nous allons continuer à travailler ensemble» et qu’ils forment un couple «qui va durer», il ne parvient pas à éviter le couac.