INTERVIEWTensions après Sivens: «S’il existe des radicaux en France, cela reste minime»

Tensions après Sivens: «S’il existe des radicaux en France, cela reste minime»

INTERVIEWC’est ce qu’estime Sebastian Roché, sociologue, spécialiste de la délinquance, après les déclarations de responsables politiques centristes…
Anne-Laëtitia Béraud

Propos recueillis par Anne-Laëtitia Béraud

Le député Jean-Christophe Lagarde, candidat à la présidence de l'UDI, redoute ce vendredi «une révolte ou une révolution» dans la société française. Un mouvement extrême en raison de la «tension» sociale illustrée selon lui par le drame de Sivens. Cette déclaration intervient deux jours après celle du président du Modem François Bayrou, qui déplore un «climat de violence» qui surgit «dès qu'il y a un désaccord». La France est-elle au bord de la révolution? 20 Minutes a posé la question au sociologue Sebastian Roché, directeur de recherches au CNRS, spécialiste de la délinquance et des politiques de sécurité.

Les déclarations des centristes François Bayrou et de Jean-Christophe Lagarde visent la «violence» à l'oeuvre au sein de la société. Qu’en est-il?

Toute déclaration politique est tactique. Et la sincérité n’est pas la qualité première des responsables politiques. Ensuite, ces déclarations interviennent dans un contexte particulier. Les centristes doivent se positionner, d’un côté face au grand frère UMP, et de l’autre face au pouvoir en place, les socialistes et leurs alliés.

C’est-à-dire?

Le centre doit trouver sa place pour exister, ce qui a toujours été difficile historiquement. Aujourd’hui, ils cherchent à se démarquer, non à s’aligner. Le ralliement de François Bayrou à François Hollande en 2012 lui a coûté politiquement. Cela peut expliquer, aujourd’hui, ce type de commentaires décalés.

Pourquoi parler de «commentaires décalés»?

Il s’agit de propos qui ne sont, en aucune mesure, avec la réalité de la contestation en France. A Sivens, il y a eu un drame avec un mort, suivi de manifestations qui dégénèrent dans certains endroits. Quand Jean-Christophe Lagarde évoque le terme de révolution, il parle d’un changement des institutions politiques et sociales par des moyens radicaux. Mais s’il existe des petits groupes radicaux en France, tout comme de plus larges mouvements de contestation, cela reste minime par rapport à ce qui se passe chez nos proches voisins.

Rappelez-vous des mouvements Occupy Wall Street aux Etats-Unis, des Indignés en Espagne, ou encore des manifestants du parc Gezi et de la place Taksim à Istanbul, en Turquie. En Espagne par exemple, il y a eu six à sept millions de manifestants, dans plusieurs villes. En France, nous n’en sommes évidemment pas là. C’est pourquoi ces propos sont décalés.

Estimez-vous que la violence symbolique est aujourd’hui plus forte en France?

Ce n’est pas un phénomène frappant, au vu de l’ampleur de la crise financière et du chômage de masse, qui touche particulièrement les catégories défavorisées. Ce chômage atteint 30% parmi les garçons dans les quartiers.