DECRYPTAGEMartine Aubry, un retour dans l'arène politique en cinq temps

Martine Aubry, un retour dans l'arène politique en cinq temps

DECRYPTAGELa maire de Lille est sur le pont depuis juillet dernier, montant en puissance au fur et à mesure...
Maud Pierron

Maud Pierron

Cette fois, ça y est, Martine Aubry a parlé. Une interview fleuve dans le JDD et une contribution dans le cadre des états généraux du PS publiée dans la nuit de samedi à dimanche. Mais il ne faut pas s’y tromper, cela fait plusieurs mois que la maire de Lille a remis les pieds dans l’arène politique. Au fil des mois, ses critiques, uniquement centrées sur sa ville, se sont étoffées à mesure qu’elle s’est sentie attaquée par le gouvernement.

18 juillet 2014
Ulcérée, elle convoque une conférence de presse à Paris pour étriller la réforme territoriale menée par l’exécutif. Il faut dire que Martine Aubry pensait avoir obtenu gain de cause auprès de Hollande, en obtenant que sa région, le Nord-Pas-de-Calais ne soit pas fusionné avec la Picardie… Or, les députés PS ont voté ce rapprochement. «Deux régions pauvres ne font pas une région riche», tacle-t-elle, regrettant que le gouvernement joue «au Monopoly». Au passage et pour la première fois depuis le 6 mai, elle égratigne la politique de François Hollande: «Il n’est pas trop tard pour réussir le quinquennat, il n’est pas trop tard pour réussir cette réforme de la décentralisation et des régions. Depuis deux ans, si dans les grands domaines on avait eu une grande vision et une méthode, nous aurions eu un peu moins de problèmes». Deux phrases qui font l’effet d’une déflagration, en témoigne les titres de certains journaux : «Martine Aubry a franchi le Rubicon» pour L’Opinion ou «Martine Aubry retrouve une force primaire» pour Libé. Certains l’imaginent tirer les ficelles de la fronde qui s’est installée à l’Assemblée mais l’entourage de la maire de Lille dément et assure que si elle a parlé, c’est parce que le sujet touchait un enjeu local.

31 août 2014
Rebelote et cette fois avec un sens du timing assumé! En pleine université d’été du PS, alors que le matin même, Christiane Taubira a défié l’autorité de Manuel Valls en s’affichant aux côtés des frondeurs, Martine Aubry publie un communiqué assez sec dans lequel elle réclame le droit de mettre en place l’encadrement des loyers dans sa ville de Lille… Une mesure abandonnée la veille par Manuel Valls. Là encore, plaide-t-on dans son entourage, il s’agit d’un sujet local mais l’attaque ne trompe personne. Elle est la «mauvaise conscience» de la gauche, qui applique, elle, une mesure véritablement de gauche. «A un moment où il faut arrêter de la chercher. C’est comme un taureau: à un moment, quand on agite tout le temps le chiffon rouge devant son nez, il fonce», explique un proche. Outre la réforme territoriale, le remaniement du mois d’août où Hamon et Montebourg sont sortis au profit du plus libéral Emmanuel Macron lui est resté en travers de la gorge, tout comme le fait que le couple exécutif soit allé chercher le président du conseil général du Nord, Philippe Kenner, en le faisant passer pour un aubryste... Sans compter la remise en cause des 35 heures par le nouveau ministre de l’Economie… Martine Aubry fulmine et prépare activement son retour dans le cadre des états généraux du PS.

7 et 8 septembre 2014

Un nouveau petit caillou dans la chaussure du gouvernement: «Il y a des inflexions à faire dans la politique économique pour que la croissance revienne». Là, elle entre pleinement dans le débat politique national, en se posant sur la ligne des frondeurs. De Bologne Manuel Valls rétorque: «Elle est où l’alternative? Si on ne fait pas attention, l’alternative en 2017, ce sera la droite dure ou l’extrême droite». Le lundi, la maire de Lille prend un malin plaisir de répondre: «Je dis à Manuel, très simplement, faut pas se crisper». Et de répéter comme son entourage le fait depuis juillet, «mon seul objectif, c’est que le président de la République et le gouvernement réussissent».

3 octobre 2014

Martine Aubry fait sa rentrée politique locale à Lille. «Mon seul sujet, c’est d’être utile, pas de gêner», commence-t-elle... avant de s'attaquer violemment à la baisse des dotations de l’Etat aux collectivités territoriales: «Nous allons être obligés de toucher à ce que nous avons sacralisé depuis 2008: le logement et les subventions aux associations», un «crève-cœur». Elle prédit une «catastrophe sociale cet hiver» et tacle la «pensée économique archaïque». En coulisses, elle s’active sur sa contribution. A l’Elysée et Matignon, on grince des dents tout en évitant de sur-réagir.

19 octobre 2014
Dimanche, Martine Aubry publie sa longue contribution, signée par 34 élus et intitulés «Pour réussir». Pour amplifier l’impact médiatique de ce texte dense, la maire de Lille livre une interview au JDD: «Je demande qu’on réoriente la politique économique»… Il faut «refaire de la politique», «donner la destination du voyage» car «on n’a pas fixé le cap»… Cette fois, c’est François Hollande en personne qui répond à la charge, promettant le soir depuis l'Elysée, devant des patrons étrangers que «les réformes se poursuivront à un rythme encore accéléré». «Le véritable adversaire de Hollande a un visage» désormais ironise Les Echos quand Libération la voit en «chef de l'opposition intérieure à la gauche, levant l'étendard de la social-démocratie si longtemps vilipendée au PS».

Et maintenant?
Maintenant il s’agit de capitaliser. La maire de Lille va multiplier les prises de paroles dans les médias, avec l’intention de passer à Des paroles et des actes. Une newsletter sera adressée à tous ses sympathisants, ceux qui l’ont soutenue durant la primaire. «Il y a une volonté de structuration autour d’une sensibilité politique», confirme le député PS Olivier Dussopt. La maire de Lille se rendra régulièrement aux dîners que ses lieutenants organisent à l’Assemblée, précise Europe 1 et des déplacements de terrains sont à l'étude. Une association est même en passe d’être créée pour recueillir d’éventuels financements, précise L’Obs. Comme si la maire de Lille était en campagne. Sauf qu’elle assure être candidate à rien d’autre que «le débat d’idées».