Trierweiler, Duflot, Batho: Quand les intimes du pouvoir se vengent en librairie
POLITIQUE•Les «brûlots» contre François Hollande se multiplient...Annabelle Laurent et Thibaut Le Gal
Comme des petits pains, les «brûlots» contre François Hollande se multiplient. Après Valérie Trierweiler et Cécile Duflot, Delphine Batho règle elle aussi ses comptes en public avec François Hollande. L’ancienne ministre de l’Ecologie, débarquée en juillet 2013, va jusqu'à dévoiler dans Insoumise ses échanges de SMS avec le chef de l’Etat. Aquilino Morelle, limogé pour son goût du cirage, préparerait lui aussi un livre confession, racontant son passage comme conseiller à l’Elysée. «Ça peut saigner», prévenait-il au Nouvel Obs. François Hollande n’est pas une cible isolée. Dans Comédie française (Fayard), publié ce mercredi, Georges-Marc Benamou révèle les 18 mois passés dans la «cité interdite» en compagnie du président Sarkozy.
Pas imaginable sous de Gaulle
«Les livres politiques qui racontent l’intérieur du pouvoir ne sont pas nouveaux. C’est une tradition littéraire assez ancienne, à l’image de Verbatim de Jacques Attali», explique la directrice éditoriale de Fayard, Sophie Charnavel. «Mais le livre de Trierweiler est allé très loin, on a repoussé les limites de manière assez surprenante», reconnait-elle.
«Ce phénomène est difficilement imaginable du temps de Charles de Gaulle ou de Pompidou», nuance Jean Garrigues, historien et professeur à l’université d’Orléans et Sciences po Paris. «Il y avait alors un respect de la fonction présidentielle, une sorte d’omerta du pouvoir. On n’imagine pas Michel Debré faire un réquisitoire contre De Gaulle lorsqu’il démissionne en 1962», développe l’auteur du Monde selon Clémenceau. «Même sous Mitterrand, quand Jean-Pierre Chevènement quitte le gouvernement [en 1982, puis en 1991] pour des désaccords politiques, ses écrits portent alors sur sa vision, jamais sur l'intimité du pouvoir.»
Ce type de témoignage est plus récent. «Il est lié à la densification de l’information, la dégradation de l’aura présidentielle, le story telling permanent de l’intimité et la pipolisation des politiques, développée notamment sous Nicolas Sarkozy», égrène l’historien.
Des succès en librairie
Ces témoignages sont autant de succès en librairie. Le livre de Valérie Trierweiler s’est vendu à plus de 442.000 exemplaires. «Pour celui de Cécile Duflot, on est à 35.000 ventes. On va aller jusqu’à 40.000 je pense, c’est un très bon chiffre», témoigne Sophie Charnavel. «Les livres de politiques, on ne peut pas se dire "j’en fais 5 par an". J'en prends seulement quand ils suscitent une émotion, pour voir ce que ça cristallise».
Cet appétit pour les coulisses du pouvoir est presque une tradition en France. «Sous l’Ancien régime, le phénomène existait en quelque sorte avec les libelles, qui racontaient l’intimité du monarque ou de la cour». Ces récits affaiblissent le caractère sacré de la fonction présidentielle. «C’est une manière très immédiate de pointer les faiblesses des uns et des autres. Il n’y a qu’à voir l’affaire des «sans-dents» où la légitimité de Hollande comme homme de gauche est entamée. Tous ces livres contribuent au divorce entre opinion publique et politiques», se désole Jean Garrigues.