POLITIQUESerge Raffy: «Le retour de Sarkozy est miraculeux» pour Hollande

Serge Raffy: «Le retour de Sarkozy est miraculeux» pour Hollande

POLITIQUEDans «Moi, l'Homme qui rit», le journaliste s'est plongé dans la tête de François Hollande...
Thibaut Le Gal

Propos recueillis par Thibaut Le Gal

Que se passe-t-il dans la tête de François Hollande? Au plus bas dans les sondages, encerclé par les difficultés, le président de la République paraît toujours aussi stoïque, imperturbable. Le journaliste et biographe de François Hollande, Serge Raffy, a tenté de percer le mystère Hollande. Dans «Moi, l’Homme qui rit», publié ce mercredi aux éditions Flammarion, il se glisse dans la peau du chef de l’Etat, se promenant dans «les neurones» de celui «qui avance toujours de profil, tel un crabe». 20 Minutes l’a interrogé.

François Hollande est-il insensible?

C'est un volcan éteint. En surface, il donne l’impression d’être inactif. Mais à l'intérieur, il est en éruption permanente. Il est «l'Homme qui rit», ce personnage de Victor Hugo dont la balafre dissimule les sentiments. Ça explique pourquoi beaucoup de ses collaborateurs ont du mal à le saisir. Ce n’est ni une fuite ni une indifférence, mais une énorme pudeur. Il ne laisse rien transparaître. Ça explique son malentendu avec les Français. Paradoxalement, son quinquennat restera comme le sommet de l’explosion des sentiments alors que lui déteste le dévoilement.

Vous le peignez comme un homme «diablement seul»…

La fonction présidentielle isole. Les événements vécus l’ont isolé. Personne ne peut l’aider dans ces moments-là. Un exemple: ses conseillers lui donnent des éléments de langage, des phrases chocs qui pourraient être reprises par les médias. A chaque fois il refuse, pour un discours plus lisse, plus techno. «Je ne veux pas me déguiser», dit-il.

En l’élisant, la France serait «entrée dans le XXIe siècle». Pourquoi ?

Dans son inconscient collectif, la France n’est jamais sortie de la monarchie, ou du bonapartisme. Elle rêve d’un leader charismatique, fanfaron. Chirac ou Mitterrand l'avaient compris et acceptaient le principe du césarisme. Avec Hollande, les Français ont élu pour la première fois une «Mère de la nation», prônant un modèle scandinave, de compromis. La France est pour Hollande une poupée de porcelaine qu'il faut manier avec délicatesse. En cela Valls l’aide terriblement. Lui a ce coup de menton, ce côté un peu rude.

Peut-il aller au bout du mandat, le croit-il vraiment?

François Hollande est un roseau d’airain. C’est quelqu’un de plus fort, de plus déterminé que les gens ne croient. Sa puissance, c’est de faire croire l'inverse. C'est un roc, avec le vernis d’un notaire de province. Ceux qui le mésestiment doivent se méfier, il est beaucoup plus dur que ce qu’il laisse supposer.

Sarkozy lui a-t-il vraiment manqué?

Le retour de Sarkozy est miraculeux pour lui. Il n’existe que par opposition à Sarkozy et il le sait. C’est un homme très lucide. Sarkozy est son antithèse. Il a fait sa campagne là-dessus. Pas forcément sur le fond mais sur leur différence de personnalité. Sarkozy, c’est les tripes à l’air. Hollande, c’est les tripes cachées.

Sur quoi peut-il rebondir?

Hollande va jouer très gros sur la réforme des régions. Historiquement, De Gaulle est parti après sa défaite sur le référendum en 1969, sur son projet de décentralisation qui ressemble étrangement à celui du président. Le projet sera très compliqué à mettre en œuvre, l’opposition va batailler dur. Ce sera un moment politique très fort. Mais pour s'en sortir, il faut impérativement que le privé ne fasse plus irruption dans son actualité politique, c’est ça qui l’a tué.

L'international, voilà un domaine qu'Hollande apprécie...

C’est un homme d’Etat. Il l’a prouvé en Centrafrique, au Mali, en Irak. Les Français le soutiennent en plus sur ces sujets. Il donne là l’impression d’avoir de l’autorité. Hollande est comme le reblochon, dur dehors, à l'étranger, et mou dedans, toujours dans le compromis à l’intérieur du pays.