INTERVIEWDémission du gouvernement: «Changer de ministre de l'Education pourrait faire rebondir les conflits sur les rythmes scolaires»

Démission du gouvernement: «Changer de ministre de l'Education pourrait faire rebondir les conflits sur les rythmes scolaires»

INTERVIEWL'historien de l'Education, Claude Lelièvre, analyse les conséquences que pourrait avoir un changement de ministre de l'Education à quelques jours de la rentrée...
Delphine Bancaud

Propos recueillis par Delphine Bancaud

Benoît Hamon se dit «assez serein» et «au travail» sur ses «dossiers en cours», à la veille d’une «rentrée qui est sur les rails». Reste à savoir quel sera son avenir, après l’annonce de la démission de l’ensemble du gouvernement de Manuel Valls ce lundi. L’historien de l’Education, Claude Lelièvre, analyse les conséquences que pourrait avoir un changement de ministre de l’Education à quelques jours de la rentrée…

Est-ce la première fois dans l’histoire de la République qu’un ministre de l’Education risque de ne pas faire sa rentrée?

C’est une situation inédite. Mais il faut rappeler que tous les ministres de l’Education font partie de la «minorité dans la majorité». C’est-à-dire que l’on nomme généralement à ce poste, des hommes politiques de courants minoritaires. Ce qui comporte un risque de fronde de leur part.

Pourquoi Benoît Hamon a-t-il risqué son poste, une semaine avant la rentrée?

Je pense qu’il avait prévu de rester ministre de l’Education jusqu’à la fin du quinquennat. Il savait que ce ministère était très exposé et difficile à piloter, mais qu’en échange, il apportait un surcroît de notoriété dans la sphère publique. Mais Benoît Hamon ne pouvait pas se taire face au discours social-démocrate du gouvernement. Il devait se positionner pour ne pas se couper de son courant. Je pense cependant que s’il avait pu choisir le moment, il ne se serait pas exprimé avant la rentrée scolaire. C’est Montebourg qui a donné le tempo et Hamon s’est retrouvé dans la tourmente.

Son action porte-t-elle atteinte à la fonction même de ministre de l’Education?

Oui car le grand public peut se dire que le ministre de l’Education est plus un politicien qu’un homme d’Etat. Et que sa priorité n’est pas l’action publique.

Quelles seraient les conséquences d’un changement de ministre une semaine avant la rentrée?

La rentrée est techniquement préparée au printemps, donc il n’y aura pas de conséquences sur les décisions prises à ce sujet. En revanche, cela pourra faire rebondir les conflits sur les rythmes scolaires. Car si Benoît Hamon avait averti qu’il se montrerait ferme concernant sa mise en œuvre, les détracteurs de la réforme pourraient profiter de ce changement de tête rue de Grenelle pour faire entendre leurs voix.

Pensez-vous que Benoît Hamon a quand même une chance de rester rue de Grenelle?

Le fait même qu’il ait été reçu pendant 30 minutes par Manuel Valls montre que l’histoire n’était pas jouée d’avance. Garder Hamon serait le signe que l’Education est bien une priorité pour le gouvernement, car cela permettrait de jouer la carte de la stabilité vis-à-vis des syndicats d’enseignants. Donc oui, je pense que François Hollande peut le garder, malgré leurs divergeances.

Le cas échéant son action au ministère de l’Education serait-elle fragilisée?

Non, je ne pense pas et Benoît Hamon pourrait même gagner en crédibilité aux yeux de certains. Quant aux éventuelles sanctions vis-à-vis de son ministère, je n’y crois pas. Car Hollande peut difficilement revenir sur la promesse de créer 60.000 postes dans l’Education nationale lors de son quinquennat.