POLITIQUEPourquoi les ministres sont sommés de ne pas partir à plus de 2h30 de Paris

Pourquoi les ministres sont sommés de ne pas partir à plus de 2h30 de Paris

POLITIQUEComme l’année dernière, les membres du gouvernement sont priés de ne pas partir trop loin de la capitale. «20 Minutes» vous explique pourquoi…
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

Bretagne, Provence ou encore Vendée, cette année, les destinations vacances de nos ministres sont localisées dans l’Hexagone. Si Matignon leur a enjoint de «se reposer», les soldats de Manuel Valls ne doivent pas aller chercher le repos du guerrier trop loin. Sauf dérogation expresse, à l’image de la garde des Sceaux Christiane Taubira, autorisée à passer ses vacances en Guyane, les ministres sont priés de ne pas partir en vacances à plus de 2h30 de Paris. Une consigne qui tend à s’installer dans le paysage politique français.



Vacances d’été: Où partent nos ministres? par 20Minutes

Eviter la catastrophe de 2003

A l’été 2003, la France connaît un épisode de canicule meurtrier. Le Conseil National de l’Air et les services d’urgence des hôpitaux, saturés, tirent la sonnette d’alarme dès le début du mois de juillet. Mobilisés sur les incendies, les services de l’Etat tardent à prendre la mesure du drame humain que la canicule provoque. Le ministre de la Santé de l’époque, Jean-François Mattei, est vivement critiqué pour la gestion de cette vague de chaleur, qui fait 15.000 victimes dans l’Hexagone.

Au milieu de l’été, Mattei apparaît face aux caméras et s’exprime pour la première fois alors que des milliers de victimes sont déjà à déplorer, depuis son lieu de vacances, en chemisette; et s’attire les foudres de l’opinion pour sa gestion de l’affaire. Alors que la canicule s’estompe après le 15 août, les autorités françaises sont pointées du doigt pour la lenteur de la mise en route du «plan blanc», le plan d’urgence censé gérer la crise.

L’épisode, qui bouleverse l’opinion publique, met la pression sur les gouvernements successifs. «On a eu l’impression que le gouvernement était aux abonnés absents», explique Arnaud Mercier, professeur de communication politique à l’université de Metz. «Les ministres aussi ont le droit de décompresser, mais ils doivent rester mobilisés sur leurs problématiques, et être réactifs si les circonstances l’imposent. Aujourd’hui, il faut éviter que les vacances du gouvernement ne soient assimilées à une vacance du pouvoir», analyse-t-il.

Les ministres de Sarkozy en vacances grâce aux dictateurs

Fin janvier 2011, le Canard enchaîné révèle que Michèle Alliot-Marie, alors ministre des Affaires étrangères sous la présidence Sarkozy, a passé ses vacances de fin d’année quelques semaines plus tôt en Tunisie, alors que de violentes manifestations secouaient le pays depuis plusieurs semaines. L’hebdomadaire révèle que Michèle Alliot-Marie, son compagnon Patrick Ollier et ses parents ont effectué deux trajets dans le jet privé d’Aziz Miled, un homme en affaires avec des proches de Ben Ali; avec qui les parents de Michèle Alliot-Marie ont conclu une acquisition immobilière. Pour certains observateurs, l’affaire est révélatrice de la proximité de la ministre avec l’ancien régime tunisien. Puis Mediapart révèle que la ministre a eu, au cours de ses vacances, une brève conversation téléphonique avec le président Ben Ali.

En février, le Canard enchaîné révèle que le Premier ministre François Fillon a emprunté un avion de la flotte égyptienne mis à disposition par le président égyptien Hosni Moubarak lors d’un voyage en Egypte à Noël 2010. L’été venu, Nicolas Sarkozy, alors Président, demande aux membres du gouvernement de privilégier la France pour leurs congés, et marque le point de départ d’une nouvelle jurisprudence sur les vacances des ministres.

La crise anti bling-bling

Crise économique, croissance au point mort et chômage galopant, autant d’éléments qui plombent le moral et le pouvoir d’achat des Français. Conséquence directe, pas question pour les ouailles de François Hollande de s’afficher sous les cocotiers à l’autre bout du monde quand la morosité règne dans l’Hexagone. Le mot d’ordre: rompre avers les travers de la présidence Sarkozy, décriée pour ses penchants bling-bling.

En temps de crise, l’heure est à la sobriété et à la simplicité, «surtout quand de plus en plus de Français n’ont pas les moyens de partir en vacances», rappelle Arnaud Mercier. Bémol: en 2012, la ministre de la Culture Aurélie Filippetti est prise en flagrant délit de vacances à l’Île Maurice. La consigne tombe dès l’été suivant, François Hollande appelle ses ministres à ne pas choisir de destination de vacances trop exotiques.