INTERVIEW«Le traumatisme de la Manif pour tous» fait reculer le gouvernement sur les questions de société

«Le traumatisme de la Manif pour tous» fait reculer le gouvernement sur les questions de société

INTERVIEWPour Arnaud Mercier, professeur de communication politique, le gouvernement n’a pas envie de revoir la contestation…
Propos recueillis par Anne-Laëtitia Béraud

Propos recueillis par Anne-Laëtitia Béraud

Des dossiers sociétaux reportés ou vidés de leur contenu. Après les renoncements sur la loi famille, qui revient en débat vendredi à l’Assemblée après deux interruptions face à la flopée d’amendements de l’opposition, puis sur la généralisation du manuel ABCD de l’égalité, le gouvernement semble marcher sur des œufs à propos de l’euthanasie. Pourquoi cette fébrilité? «20 Minutes» a posé la question à Arnaud Mercier, professeur en sciences de l’information et de la communication à l’Université de Lorraine, responsable de l’Observatoire du webjournalisme…

GPA/PMA, manuel d’égalité entre filles et garçons, euthanasie… Pourquoi le gouvernement semble-t-il reculer sur les questions de société?

Il y a évidemment un traumatisme lié à la Manif pour tous, lors du débat sur le mariage pour tous. Alors qu’il est impopulaire et qu’il a subi deux revers électoraux, le gouvernement n’a aucune envie de revoir la contestation, le ressentiment et les mouvements dans la rue qui se sont alors exprimés. De plus en plus de radicalités s’installent dans la rue, comme les bonnets rouges, et dans les urnes avec le succès du Front national aux européennes. Le gouvernement ne veut pas donner d’argument qui se retournerait contre lui. Il commet une reculade évidente, alors que ces questions font partie du marqueur social de la gauche.

La Manif pour tous, qui promettait de s’organiser politiquement, n’a pas percé aux dernières élections…

La Manif est dans une stratégie de lobbying vis-à-vis de l’UMP plutôt que dans une transformation en mouvement politique. Ce n’est donc pas un échec.

Peut-on s’attendre à ce que les questions de société soient évacuées du reste du mandat de François Hollande?

Avec le basculement à droite au Sénat en septembre [un basculement prévisible après les municipales perdues par le PS], le gouvernement pourrait être pieds et poings liés sur les réformes de fond. D’ici 2017, le jeu institutionnel va être plus difficile, ou plus coûteux politiquement, car le Sénat jouera à fond un rôle d’opposition. Il pourrait donc ne plus voir apparaître de réformes sur les questions de société.

Mais de l’autre côté, c’est peut-être l’état du rapport de force au sein de la majorité qui définira les prochaines réformes. Je m’explique: si la voix des dissidents au sein de la gauche devient trop forte, le gouvernement pourrait leur lâcher du lest sur certaines questions de société. Et, en contrepartie, ils lui assureraient un soutien pour les réformes économiques, qui sont impopulaires.