POLITIQUEÉlections européennes 2014: Daniel Cohn-Bendit, l'irremplaçable

Élections européennes 2014: Daniel Cohn-Bendit, l'irremplaçable

POLITIQUEEELV rend hommage ce jeudi à son trublion aussi agaçant qu'indispensable...
Maud Pierron

Maud Pierron

C’est peut-être à ça qu’on reconnaît que Daniel Cohn-Bendit tourne définitivement la page de sa vie politique, ce jeudi, avec le dernier meeting d’Europe Ecologie-Les Verts à Paris. «Ça», c’est l’hommage appuyé de Jean-Vincent Placé à «Dany» alors que les deux hommes sont en bisbille permanente, conception opposée de la politique oblige. «Faire un match de foot sans Zidane, c’est pour les européennes faire une campagne sans Cohn-Bendit, c’est un handicap, c’est sûr», a-t-il reconnu sur LCI ce jeudi matin.

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Zidane… Ou de Gaulle? C’est la comparaison amusée que dresse l’eurodéputé José Bové quand on lui demande si Cohn-Bendit est remplaçable. «Ça n’a aucun sens. C’est comme si on demandait à la droite si quelqu’un pouvait remplacer De Gaulle après son départ. Il n’y a pas de recette. Daniel est le produit d’une histoire, il incarne l’idée de l’Europe et l’idée qu’on peut changer le monde», explique la tête de liste EELV dans le Sud-Ouest.

Cohn-Bendit «le dissident»

Car «Dany le rouge», figure de Mai-68, a viré «Dany le Vert» avec le même talent pour faire exploser les codes. Son dernier gros coup? Le succès d’Europe Ecologie-Les Verts en 2009, quand il avait réussi à faire venir des personnalités de tous horizons sur les listes des Verts, et le faire accepter à ce parti. «Oui», le succès de 2009 est à mettre à son crédit car Daniel Cohn-Bendit, «c’est la force de conviction, la passion, l’engagement», «la capacité à imaginer un autre monde» liste son «copain» Pascal Durand, tête de liste EELV en Ile-de-France. Mais «il n’a jamais réussi tout seul, il y a toujours eu un collectif solide derrière lui, même s’il l’oublie un peu parfois».

>> L’interview de Cohn-Bendit: «Europe Ecologie doit apprendre à vivre sans moi»

Car Cohn-Bendit est un soliste, rétif à la forme partidaire et aux règles qui peuvent régir les partis, qu’il trouve par définition trop repliés sur eux-mêmes. Daniel Cohn-Bendit, c’est aussi l’un des seuls membres d’EELV à être populaire dans l’opinion. Mais c’est aussi un écologiste capable de dire qu’il faut parler avec le centriste François Bayrou, irritant au plus grand point le mouvement. «Il a une place à part, celle d’un dissident, analyse Daniel Boy, politologue spécialiste de l’écologie politique. Il n’est ni tout à fait dans le parti, ni tout à fait en dehors du parti. Soit il donne des coups de main, notamment aux européennes, soit il donne des coups de griffes et critique les Verts».

Les irremplaçables sont «au cimetière»

A de multiples reprises, il a claqué la porte du parti. Toujours, il a fini par revenir. «Il agace les Verts car il a des positions peu orthodoxes, il est beaucoup moins à gauche que le parti par exemple, il n’est pas contre le libéralisme. Et en même temps, les Verts savent qu’ils ne peuvent pas s’en passer car c’est une icône du mouvement, avec une stature historique, qui aide toujours bien lors des élections». Surtout, d’après le politologue, Cohn-Bendit a ce profil rare de «faire le pont entre les deux pans de l’écologie politique en France: les Verts et les environnementalistes, qui ne se parlent pas». Pascal Durand pourrait jouer ce rôle d’«agent de liaison», juge Daniel Boy, même s’il a un peu moins de «rondeur» que Cohn-Bendit.

José Bové, qui a côtoyé pendant cinq ans Daniel Cohn-Bendit au Parlement européen, juge la décision de son collègue «saine». «A presque 70 ans, il a décidé de son propre chef de tourner la page, beaucoup d’hommes et femmes politiques devraient s’inspirer de sa sagesse», explique l’ex-syndicaliste, qui n’est toutefois pas inquiet du vide laissé par Daniel Cohn-Bendit. «Il laisse la place aux jeunes générations. Et puis, il n’y a que le cimetière qui est rempli de gens irremplaçables», dit-il. Pascal Durand file lui la métaphore avec Zidane, initiée par Cohn-Bendit en premier lieu: «Dany c’est Dany, il ne se remplace pas. Mais quand Zidane a arrêté de jouer au Real Madrid, l’équipe ne s’est pas pour autant effondrée, sourit-il. Rien ne dit que nous ne serons pas au rendez-vous».